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S’il a joué pour les deux clubs, Martin Jágr n’aura pas du tout le cœur qui balance ce dimanche soir à l’occasion de la 9e journée de Top 14 entre Bordeaux et Toulon. Car s’il a apprécié de participer au lancement du projet UBB, l’ailier tchèque demeure fou amoureux du RCT.
Ni champion du monde, ni All Black à cinquante sélections au moment de rejoindre la rade en 2001, Martin Jágr est pourtant l’une des légendes vivantes de Mayol.
Car avant de rejoindre l’UBB (à contrecœur) en 2009, l’ailier supersonique – actuel team manager et analyste vidéo du Stade niçois – a marqué l’histoire du RCT. Pour Var-matin, cet amoureux de Toulon est revenu, avec émotion, sur ses huit saisons sur la rade.
Rugby – Var-Matin
Ce match entre vos deux anciens clubs est l’occasion de rembobiner la cassette. Partons du début: comment étiez-vous arrivé au RCT, en 2001?
Le rugby, c’était culturel chez moi. Pas dans mon pays (la République tchèque), mais dans ma famille. Mon père en a toujours fait. Il a notamment joué au Toec, à Toulouse, donc j’ai démarré très jeune. Je rêvais de quitter le pays grâce au sport. Et tout s’est accéléré vers 19 ans, lorsque j’avais tout accompli au niveau national… J’étais titulaire en sélection, j’avais remporté deux titres de champions de République tchèque en étant deux fois meilleur marqueur du championnat. D’ailleurs, la première année, je n’avais que 17 ans, mes parents m’avaient signé une décharge pour que je joue avec les adultes. Et j’avais terminé la saison avec 41 essais… Alors à 19 ans, j’ai eu peur de stagner, et j’ai rejoint le Pays de Galles.
Comment?
Jan Machacek [ancien de Clermont] y était et savait que je cherchais un club. Il m’avait fait venir. J’ai vécu chez lui durant trois semaines, j’ai fait des tests dans de nombreux clubs et j’ai signé à Pontypool, en deuxième division galloise. Mais je n’ai pas terminé la saison, car ils avaient le droit à deux étrangers, et il y avait déjà deux Tongiens. Donc je suis rentré en République tchèque. Et mon histoire avec Toulon a démarré lors d’un stage à Auxerre.
Racontez-nous…
Avec la sélection, on avait fait un stage à Auxerre, où étaient venus, en observateurs, deux membres du RCT: Jean Archippe et Richard Rappalino. Ils m’avaient repéré et étaient ensuite venus à Prague pour confirmer leur impression. Puis ils m’ont proposé de venir à Toulon.
Que représentait Toulon pour vous?
À l’époque, pour voir du rugby, il fallait aller à l’ambassade tchèque, qui diffusait les matchs de la Coupe du monde sur écran géant (rires). Alors, je n’avais jamais entendu parler de Toulon. Moi, je ne connaissais que les trois grands clubs: Toulouse, Clermont et Bourgoin. Mais quand je suis arrivé, j’ai découvert le soleil, le Coudon, la mer, le Faron, où les dirigeants m’avaient emmené au restaurant… J’étais conquis. On n’a jamais parlé d’argent, mais j’étais décidé à rester. C’était mon rêve de jouer au rugby dans un pays majeur. L’opportunité était folle.
Comment se déroule la suite?
Je signe avec les Espoirs, je fais quelques matchs et ça se passe bien. Là, des blessures à l’aile me permettent de taper à la porte de la une. J’ai rejoint les pros en décembre 2021, et je ne suis plus jamais redescendu.
Comment gérez-vous la barrière de la langue?
Je parlais anglais, mais pas français. Et à l’époque, seuls Philip Fitzgerald, Jason Madz, Tom Whitford et Damien Delmonte parlaient anglais. Donc ils m’ont beaucoup aidé. Puis nous avions fait le choix, avec ma compagne, qui est désormais ma femme, que je vienne seul à Toulon pour être obligé de parler français. Je passais alors énormément de temps dans la salle des kinés. Pas parce que j’étais blessé, mais parce que ça me permettait d’écouter les mecs, de comprendre des mots. Je pouvais passer trois heures par jour chez le kiné à écouter mes coéquipiers. Bon, forcément, j’ai appris les gros mots en premier (rires).
Pendant huit saisons, vous devenez l’une des coqueluches de Mayol. Comment expliquez-vous ce coup de foudre qui vous lie à ce club, ce public?
Rien que d’en parler, ça me donne des frissons, j’ai la voix qui tremble (il prend quelques secondes). Toulon, c’est extraordinaire: quand tu donnes, tu reçois. Et moi, j’aimais passer du temps avec les supporters, à signer des autographes, et ils m’ont adopté. Puis il m’est arrivé de faire des matchs moyens, voire mauvais, mais je ne m’échappais pas, je donnais toujours le maximum, et le public l’a remarqué. Ici, les supporters n’attendent pas que tu sois le plus talentueux, mais que tu donnes ta vie pour les couleurs. Et comme j’aimais ce club…
Quel est votre meilleur souvenir de ces huit saisons?
Il y en a plusieurs: la signature de mon contrat pro, en décembre 2001, qui me permet de réaliser mon rêve d’enfant. Il y a la montée en 2004-2005. Ou encore de pouvoir jouer avec des mecs que je badais à la télé, comme Andrew Merthens, Tana Umaga, George Gregan, Orene Ai’i, Gia Labadze… Quand tu viens d’un petit pays rugbystique, tu te dis que tu as accompli quelque chose de fou. Enfin, il y a un ultime souvenir qui m’a marqué au fer rouge…
On vous écoute…
À l’époque, j’ai eu du mal à réaliser, mais c’est mon dernier match à Mayol. Nous étions entrés sur le terrain avec Gia Labadze sous une standing-ovation de folie. Mayol était debout… Désolé, j’ai la voix qui pète, ça m’émeut d’en parler… C’était hallucinant. Et quand je vois les hommages qu’ont eus des légendes, bien plus grandes que nous, comme Ali Williams, Bakkies Botha, ils n’ont jamais eu le droit à ce genre d’ovation. C’est mon plus beau souvenir… Moi, je ne voulais pas partir de Toulon. J’avais appris que je n’étais pas conservé un jour en ouvrant Var-matin. Et je l’avais vécu comme une petite mort… Et cet hommage que m’a rendu Mayol… ça me touche d’en parler.
Auriez-vous souhaité être l’homme que d’un seul club?
Vous savez, dans ma carrière j’ai eu quelques opportunités dans des clubs plus “huppés”, mais entre une saison à Toulon en Pro D2 et une saison dans un club de Top 14, je n’ai jamais hésité. Toulon, c’est mon club. Il n’a jamais été question de partir. J’aurais aimé finir ma carrière ici, mais ça ne s’est pas fait.
Pourquoi?
Car on ne m’a pas gardé. Philippe Saint-André arrivait, et il avait décidé qu’il voulait des ailiers plus gaillards que moi. Je ne rentrais pas dans ses plans. C’est ainsi. Ce qui m’a dérangé, c’est plus la méthode. J’aurais aimé ne pas l’apprendre dans le journal. Surtout quand deux heures avant on m’avait dit “ne te fais pas de souci”. On aurait pu avoir la décence de me le dire en face.
Vous avez alors 29 ans. Pourquoi rejoignez-vous Bordeaux?
Le projet de Laurent Marti, qui voulait réinstaller un grand club à Bordeaux, m’a beaucoup plu. On ne partait pas de zéro, mais presque, c’est ce qui m’a excité. Il voulait que je fasse partie des cadres, donc j’y suis allé.
Ces deux saisons ont-elles été à la hauteur de vos attentes?
Pas du tout. Ce n’était pas la faute du club, mais la mienne… Car j’ai eu du mal à faire le deuil de Toulon. La première saison a été compliquée. Je me battais, mais je n’y arrivais pas. Je n’étais pas au niveau espéré. La deuxième était meilleure, mais ça s’est mal passé humainement avec Marc Delpoux. Il n’était pas correct avec moi, et malgré la montée en Top 14, j’ai demandé à partir.
Pourquoi, alors, ne pas être revenu à Toulon?
Je rêvais toutes les nuits de revenir à Toulon, mais quand on voit les joueurs de l’époque… Je n’étais pas extraordinaire, je n’étais pas un ovni et on n’avait plus besoin de moi à Toulon, et je l’ai accepté sans problème (rires).
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