Il fait bon vivre sur la côte landaise et, la semaine dernière, alors que le quinze de France était en stage à Capbreton, William Servat, son entraîneur de la conquête et des tâches spécifiques, était du genre matinal. Celui qui a récemment prolongé son contrat jusqu’en 2027 avec les Bleus a décroché son téléphone aux aurores pour parler rugby, ambitions, préparation et mêlées. Une conversation à retrouver en intégralité dans le podcast rugby de L’Équipe, Crunch, et dont voici un extrait inédit.
« Être en 2023, ça change le quotidien ?
Il y a de l’engouement autour de nous. On le sent. À Toulouse, par exemple, il y a le décompte des jours jusqu’à la Coupe du monde. Mais on est là pour préparer le Tournoi. C’est la première compétition sur notre liste et la plus importante. L’expression “Coupe du monde” est employée, mais seulement autour du staff. Cela ne va pas au-delà de la préparation logistique. Le terme n’a pas été et ne sera pas employé avec les joueurs.
Mais cela reste la dernière préparation avant la Coupe du monde alors ça peut paraître paradoxal, non ?
Certainement, on a tous, dans un petit coin de notre tête, l’idée qu’on se prépare pour la Coupe du monde… Mais l’objectif, c’est le Tournoi, qui s’annonce énorme. Par exemple, on a fait une petite présentation aux joueurs sur un travail spécifique autour des cervicales, fondé sur des études scientifiques, et qui doit les accompagner sur la durée. Ça les concerne tous , c’est un travail pour demain. C’est sûr qu’on peut le ramener à la Coupe du monde, mais on pense à l’intégrité physique et la performance. Notre travail va plus loin que ça.
Comment s’est organisée la préparation du Tournoi ?
Tout au long de l’année, on restructure nos entraînements dans la globalité, avec Thibaut Giroud (le directeur de la performance), on travaille énormément avec nos analystes vidéo ultra performants. Cela devient plus spécifique à l’approche du Tournoi, avec ce premier match face à l’Italie. C’est une équipe qui joue de mieux en mieux, qui a battu de grosses nations (Galles, mars 2022, et Australie, novembre 2022). Notre Grand Chelem de l’an dernier a été une satisfaction évidemment, mais c’était l’an dernier ! Là on va avoir un déplacement de plus. On s’y prépare de la meilleure manière pour avoir un comportement à la hauteur.
« Aujourd’hui, les équipes s’adaptent à nous (…) et on réfléchit à des évolutions stratégiques »
Est-ce que la tournée de novembre, et surtout le match face à l’Afrique du Sud (30-26, le 12 novembre à Marseille), a changé la façon de se préparer et de voir les choses ?
C’était quand même un match particulier… Quand tu te prépares à jouer l’Afrique du Sud, tu sais que tu vas devoir mener un combat hors norme, que tu vas tomber sur des joueurs qui cultivent la domination physique. On a été marqués… Ces équipes-là sont captivantes à jouer. Je crois beaucoup au supplément d’âme, et on a vu ça. Quelle est la capacité de notre équipe à se dépasser ? On veut donner notre ton. Aujourd’hui, c’est important de se demander ce que dégage l’équipe de France. On doit être perçus comme difficiles à jouer et on commence à être dans ce registre Car il y a la performance, certes, mais aussi une rigueur qu’on avait moins quand on se réfugiait derrière le French flair. Et c’est tout ça qui va nous rester de l’Afrique du Sud. Ça nous a beaucoup servi sur la façon d’appréhender les matches.
À quel point les adaptations des équipes adverses peuvent-elles perturber ?
L’Italie fait des performances incroyables, l’Angleterre et le pays de Galles ont changé de staff, l’Irlande est la première nation mondiale. C’est peu de dire que ça va être compliqué. Le match en Irlande, on aura six jours pour le préparer et ce sera un match captivant. Au début de notre mandat, on était une nation qui recommençait à émerger. Aujourd’hui, les équipes s’adaptent à nous. Sur des petits détails, des choses spécifiques. C’est pourquoi on est aussi structurés et regardants sur notre équipe. On travaille sur le spectre de l’équipe, l’image que l’on dégage, nos points forts. Et par rapport au comportement qu’ont pu avoir nos adversaires en novembre, on réfléchit à des évolutions stratégiques. Sans modifier notre jeu, dont la structure n’est pas vouée à l’être, mais sur des adaptations et des changements stratégiques. Ne serait-ce qu’au niveau de l’arbitrage. Joël Jutge (patron des arbitres à World Rugby) a fait un tour d’Europe pour voir comment les équipes travaillent et, pour nous, sur des subtilités et des détails, c’est important. »