Dans la cohorte des entraîneurs qui prolongent leur licenciement avec des prestations de consultant sur Canal+, Grégory Patat ne serait pas le parfait client. Ça tombe bien, la question ne se pose pas. Le Gersois, 48 ans le 9 février prochain, n’est pas le plus grand des communicants. Cela ne l’empêche en rien de s’exprimer parfaitement dans sa fonction première : si le promu bayonnais (7e) réalise une première moitié de saison épatante, le manager y est pour beaucoup.
Sa façon de s’entourer…
Sa façon de s’entourer (il a choisi comme adjoint Greg Fraser, en charge du projet de jeu), ses choix de recrutement en Pro D2 (Cotet, Huguet, Ceyte, Leindekar), sa capacité à proposer la matière à ses joueurs, sans l’imposer : l’ancien troisième ligne centre du FC Auch rend à ce jour une copie presque parfaite. En début de saison, beaucoup doutaient de ce choix, jusque dans les arcanes mêmes du club bayonnais. Les bouches sont aujourd’hui fermées. Certains se sont même reconvertis sur le tard en fan de la première heure.
À leur décharge, la part de risque était réelle. Jamais le technicien n’avait occupé tel poste à responsabilités. S’il a bien été entraîneur en chef du FCA, ce n’était « qu’en » Pro D2, il y a fort longtemps (2009-2014). Il a ensuite pris les avants de Perpignan (2014-2015) au même niveau, avant de grimper d’un étage sur cette même fonction à La Rochelle (2018-2021), dans un double projet entre espoirs et professionnels. « Je ne suis pas étonné de sa réussite parce qu’il est né entraîneur, estime Henry Broncan (78 ans), qui en avait fait son capitaine à Auch de 1998 à 2007. Quand je prenais les trois-quarts, je pouvais lui laisser les avants. C’était déjà un entraîneur. » À l’image du joueur qu’il était.
« Il était adroit mais pas très grand, pas très bon sauteur, il n’allait pas très vite. Il avait des moyens réduits mais il était toujours bien placé. Un peu comme à l’Aviron : à part Lopez et Machenaud, il n’y a pas de grands noms. Ce sont plutôt des joueurs de Pro D2 que des vedettes de Top 14. Il n’a pas d’énormes moyens, mais il tire le maximum des joueurs dont il dispose. » Le « sorcier » Broncan y voit une intelligence rare. « Il n’est pas hyper médiatisé mais peut très bien tenir des conversations avec des entraîneurs ou communicants de Canal+ sans être dupe. Il a très vite été amené à réfléchir sur son rugby car il ne pouvait pas traverser le terrain. On ne guérit pas de son enfance. Et l’enfance d’un entraîneur, c’est son passé de joueur. »
Le présent, c’est cette soudaine lumière qui s’abat sur le « taiseux » de Bassoues, petit village de 300 habitants à l’ouest de la capitale de la Gascogne. « C’est mon caractère. Il est fait de simplicité, sourit Grégory Patat, presque en s’excusant. Je ne cherche pas la lumière. Je suis conscient que l’image est importante dans notre sport et dans le milieu professionnel, et je travaille dessus. Mais mes différentes expériences professionnelles m’ont appris que si on s’invente un rôle, si on n’est pas soi-même, ça ne passe pas. »
C’est le point le plus apprécié par son vestiaire. « C’est un gars vraiment naturel dans sa façon de faire, raconte le capitaine bayonnais Denis Marchois. Il ne se donne pas un genre. Au début, je me posais des questions. Il a su répondre rapidement. » Le troisième ligne Pierre Huguet abonde : « Il n’essaie pas de créer quelque chose qui n’est pas lui. Cette part d’humain, c’est sa manière d’être. C’est quelqu’un qui ne s’affole jamais et apporte beaucoup de sérénité au groupe. » Un calme qu’il tire des épreuves de la vie. « Il a su se bâtir une carapace, sait Henry Broncan. Sous cette apparence très solide, c’est un écorché vif, quelqu’un de très sensible. »
L’expérimenté Camille Lopez (28 sélections) a connu beaucoup de managers. Il sait les écueils à surmonter. « C’est un rôle complexe. Tu as beau être l’homme le plus vrai, parfois, t’es pris dans le système. On va forcément connaître des périodes plus compliquées, et lui aussi. » Grégory Patat en est bien conscient : « La réalité d’un jour n’est pas forcément celle du lendemain. Mais il y a peu de chances que je change. Je connais trop bien le milieu. J’ai vu des entraîneurs se crasher. Je sais que je suis jugé aux résultats. L’histoire commence très bien mais on n’est pas à l’abri de… »
D’une victoire contre Brive ce samedi ? D’ambitions revues à la hausse pour la fin de saison ? « Je ne pense qu’au maintien. Et même si on a l’occasion d’aller chercher des choses, je sais aussi que cela aura un impact sur le futur. » Dans le recrutement, l’exigence de la coulisse, le regard des supporters… Celui de ses anciens joueurs est plein de respect pour lui, à l’image de Grégory Alldritt, repéré dans le Gers et lancé à La Rochelle. « Il m’a beaucoup fait progresser sur le rôle de numéro 8, les sorties de mêlée, l’attitude au contact, le côté gare de triage du poste, reconnaît l’international aux 34 sélections. Il est hyper transparent et sait te dire, sans méchanceté, quand tu as fait une bonne prestation ou un match de merde. »
Il sait aussi les prévenir contre les écarts de la jeunesse, même s’il n’était pas le dernier à profiter des troisièmes mi-temps. « Je me suis beaucoup calmé ! », éclate-t-il de rire. « S’il savait si bien nous en parler et nous comprendre, c’est parce qu’il est passé par la même case », sourit Alldritt. « Il nous a plus appris la sagesse que la folie, parce qu’on n’avait pas besoin de lui pour ça », plaisante le talonneur Pierre Bourgarit (7 sélections), lui aussi passé de l’anonymat du Gers au port de La Rochelle grâce à Grégory Patat.
Et Henry Broncan, persuadé que « Bayonne convient bien à cet homme d’ambiance », de réunir l’intelligence et le côté fêtard de son ancien capitaine dans une seule anecdote. « Avant un match, j’avais prévenu tous mes joueurs que ceux qui iraient aux fêtes de Vic ne seraient pas sur la feuille. Vous savez ce qu’a fait Grégory ? Il a amené toute l’équipe à la fête. »

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