Fabien Galthié a décidément le sens de la formule. Lors du Tournoi 2020, qui marquait le début de son mandat, le sélectionneur avait dégainé la notion de « jeu de dépossession ». Un concept désormais rentré dans le langage courant à Marcoussis. Trois ans plus tard, l’ancien demi de mêlée international a récidivé. Lors de la conférence de presse de lancement du Six-Nations 2023, en réponse à une question portant sur le style de jeu que le XV de France allait adopter, il a innové en livrant à la gourmandise des médias l’expression « jeu de repossession…
Fabien Galthié a décidément le sens de la formule. Lors du Tournoi 2020, qui marquait le début de son mandat, le sélectionneur avait dégainé la notion de « jeu de dépossession ». Un concept désormais rentré dans le langage courant à Marcoussis. Trois ans plus tard, l’ancien demi de mêlée international a récidivé. Lors de la conférence de presse de lancement du Six-Nations 2023, en réponse à une question portant sur le style de jeu que le XV de France allait adopter, il a innové en livrant à la gourmandise des médias l’expression « jeu de repossession ».
Euh… Une petite traduction, s’il vous plaît ? « C’est-à-dire jouer juste », a développé Fabien Galthié ce jour-là à Londres : « À quel moment on utilise l’espace, à quel moment on joue au pied, identifier les espaces libres dans le second rideau, voire dans l’en-but… L’action ne s’arrête pas quand le ballon est déposé dans les zones recherchées. Il faut constamment être prêt à le récupérer. En employant le mot repossession, cela change la vision du rugby. »
À ce stade, un petit rappel des faits s’impose. Si cette explication, conjuguée à la possibilité de voir Thomas Ramos titularisé à l’arrière à la place de Melvyn Jaminet, a été interprétée depuis comme la volonté de produire plus de jeu, c’est d’abord parce que les Bleus ont poussé le concept de dépossession très loin tout au long de leur série historique de 13 victoires consécutives.
Ça a d’abord été particulièrement le cas lors du Grand Chelem 2022. Deuxième équipe à utiliser le plus le pied derrière l’Italie, la France est celle qui a gagné le plus de terrain grâce à cette arme. Mais aussi celle qui a le moins joué de ballons à la main.
Ce trait de caractère s’est ensuite affirmé durant la dernière tournée de novembre. Lors de ce triptyque automnal, le nombre moyen de coups de pied par match a bondi à 34 pour les Bleus ! Un record sur la scène mondiale.
Bien sûr, ce chiffre n’est pas sans explication. Parce que, comme il a eu l’occasion de l’expliquer depuis, Fabien Galthié estimait que les deux semaines de préparation n’étaient pas suffisantes à son équipe pour déjouer l’agressivité de la défense des Sud-Africains. Mais aussi parce que, comme l’a regretté Laurent Labit, les Bleus n’ont pas toujours su s’adapter à la posture adverse.
« On avait demandé aux joueurs de limiter la voilure. Mais il est évidemment qu’ils doivent s’adapter », a expliqué le technicien en charge de l’attaque tricolore à Capbreton la semaine dernière : « On l’a vu contre les Australiens qui nous ont perturbés : c‘est une équipe qui ne joue quasiment pas au pied et qui, à Paris, l’a utilisé comme elle ne l’avait plus fait depuis 10 ans ! On avait aussi vu que les Australiens ne couvraient pas le fond de terrain, or ce jour-là, ils l’ont fait à trois. On a sensibilisé nos leaders de jeu à cela. »
Trop studieux dans l’application du plan de jeu ces Bleus ? En tout cas, Laurent Labit rappelle que quelle que soit la méthode, la finalité reste la même : « Notre objectif, c’est la recherche de l’espace. On l’a toujours dit. Si l’équipe adverse est en 12-3, alors c’est qu’il sera sur le premier rideau : c’est donc mieux d’utiliser le ballon. Je pense que les joueurs s’en sont rendus compte en novembre. »
Les difficultés rencontrées par les Bleus lors de la dernière tournée ont pesé. Mais comme le relève Thibault Giroud, manager de la performance du XV de France, cette mutation avait déjà été amorcée bien en amont. « On avait commencé ce travail depuis le Japon, on l’a poursuivi en novembre. On est aujourd’hui dans une continuité qui va nous emmener jusqu’à la Coupe du monde. On ne veut pas se scléroser dans une forme de jeu : c’est le souhait des coachs. »
Mais une telle évolution ne se décrète pas. Elle se prépare. Notamment physiquement. « Si tu veux changer de jeu dans un match, il faut en avoir les moyens, prolonge Thibault Giroud. Comme on sera peut-être amené à avoir une possession plus longue et importante, il faut que les joueurs soient prêts. On a fait évoluer notre méthode d’entraînement pour être capable de tenir le ballon plus longtemps, surtout au niveau du 8 de devant. »
À quelques mois de la Coupe du monde, il n’est pas utile de jouer à se faire peur. D’accord, si les Bleus sont contraints à ces contorsions tactiques, c’est parce que les adversaires leur opposent des stratégies sur-mesure. Mais comme le souligne Laurent Labit, « à partir du moment où une équipe change sa manière de jouer, c’est qu’elle a des soucis : c’est un point positif. »