Auteur du Grand Chelem en 2022, le XV de France aborde ce Tournoi en tant que tenant du titre. Qu’est-ce que ça change ?
Parce qu’elle est tenante du titre et parce qu’il y a la Coupe du monde dans quelques mois, la France sera plus attendue. Les prétendants sont en train de se montrer et veulent frapper un grand coup : ça génère une pression supplémentaire, mais elle est bonne. C’est bien d’être outsider, mais au bout d’un moment, il faut assumer le statut de favori. C’est ce qu’on est cette année.
Éprouver la pression inhérente au statut de favori, est-ce une bonne chose dans l…
Parce qu’elle est tenante du titre et parce qu’il y a la Coupe du monde dans quelques mois, la France sera plus attendue. Les prétendants sont en train de se montrer et veulent frapper un grand coup : ça génère une pression supplémentaire, mais elle est bonne. C’est bien d’être outsider, mais au bout d’un moment, il faut assumer le statut de favori. C’est ce qu’on est cette année.
Éprouver la pression inhérente au statut de favori, est-ce une bonne chose dans l’optique de la Coupe du monde ?
Psychologiquement, bien sûr. Ça donnera un avant-goût. Mais l’engouement médiatique sera décuplé en septembre par rapport au Tournoi. Ça va monter crescendo d’ici là. Cette compétition permettra aussi de valider la communion avec le public. Il faut reconnaître que depuis deux ou trois ans, il y a une vraie ferveur qui s’était perdue auparavant.
Aucune équipe n’a réussi à faire le doublé depuis que six nations disputent le Tournoi. La France peut-elle réaliser cet exploit ?
Sportivement, oui. Quand tu vois le rendement des joueurs, bien au-delà des 23 joueurs sur la feuille de match, c’est réalisable. Mais il y a aussi la réalité du terrain avec trois déplacements, dont un en Irlande dès la deuxième journée, face à un prétendant à la victoire. Une nation qui plus est très en forme physiquement actuellement. Quand on voit le rendement du Leinster en Champions Cup, on peut imaginer que les Irlandais vont vouloir faire forte impression. On va vite savoir à quoi s’en tenir.
L’Irlande est un adversaire potentiel des Bleus en quart de la finale de la Coupe du monde. Cette perspective peut-elle peser ?
Je ne pense pas, c’est trop loin. Quand tu es joueur, tu ne penses pas à ça. Tu sais juste que ce sera un prétendant au titre en septembre prochain.
L’actualité extra-sportive, avec la démission de Bernard Laporte, peut-elle déstabiliser les Bleus ?
Impossible d’en faire abstraction. Même si tu es dans une bulle en tant que joueur, il y a une équipe dirigeante en place. J’espère que ça n’impactera pas leur rendement.
Ces dernières semaines, le XV de France a déploré de nombreux forfaits sur blessure. Est-ce inquiétant ?
J’ai tendance à dire qu’il vaut mieux qu’ils se blessent maintenant que dans six mois… C’est un peu perturbant, mais en même temps, ça permet au staff de donner du temps de jeu à des joueurs dont il aura besoin en septembre. Mais c’est le signe aussi que les corps sont mâchés, fatigués.
Vous avez vécu en tant que joueur ces mois précédant une grande compétition. Comment compose-t-on avec le risque de blessure ?
Tu te dis toujours que le meilleur moyen de ne pas se blesser, c’est de ne pas y penser. Mais la peur de la blessure existe chez les rugbymen. Encore plus à l’approche de ces moments-là. Le mieux est de s’y préparer psychologiquement en ne se projetant pas trop. Et, surtout, en ne s’économisant pas. Mais j’ai l’impression que cette génération est bien préparée à cela.
Certains cadres ont livré des prestations poussives en novembre. C’est le cas de Romain Ntamack qui a souffert la comparaison avec Matthieu Jalibert lors de ses entrées en jeu. La hiérarchie peut-elle évoluer ?
Je pense que dans la tête du sélectionneur et de son staff, c’est figé à 90 %. Au moins au niveau des titulaires et des finisseurs. En novembre, certains joueurs étaient peut-être un ton en dessous physiquement. Vous parlez de Romain, mais il avait eu des pépins physiques : on connaît son véritable potentiel ! Effectivement, ça avait permis à Matthieu Jalibert en l’occurrence de s’exprimer un peu plus. Il l’a bien fait avec de l’enthousiasme, c’est une bonne chose.
Le staff a annoncé sa volonté de passer d’un jeu de dépossession à un jeu de repossession. Bonne nouvelle ?
Oui, parce que si tu prends le jeu à ton compte, c’est que tu es sûr de tes forces ! Et que tu as aussi les capacités physiques pour le faire au lieu de te retrancher derrière la dépossession et l’occupation. Avec le profil de joueurs qu’on a, on a la capacité de produire plus. Mais il va falloir aussi gagner les matchs.
À quelques mois de la Coupe du monde, le XV de France a-t-il intérêt à cacher son jeu ?
Non. Hormis deux ou trois combinaisons que tu peux sortir au dernier moment, tu ne peux pas vraiment cacher ton jeu. Et en termes de philosophie de jeu, le jeu de l’équipe de France est de toute façon bien identifié : elle est capable d’adapter son plan de jeu et de faire déjouer ses adversaires.
Le Pays de Galles, avec le retour de Warren Gatland, et l’Angleterre avec la nomination de Steve Borthwick, viennent de changer de sélectionneur. Comment situer ces équipes ?
Point d’interrogation sur le Pays de Galles. Avec le retour de Gatland, ils font du neuf avec du vieux. Ce sera intéressant de voir comment il va aborder cette équipe avec un effectif somme toute réduit. Les Gallois donnent l’impression d’être dans un changement de cycle mais sans grande révélation.
Quant à l’Angleterre, on verra l’impact du nouveau sélectionneur sur le style de jeu prôné. Je trouve que depuis 2019 et la demi-finale face à la Nouvelle-Zélande, les Anglais n’ont pas trop évolué dans leur jeu. Or une équipe qui n’évolue pas est une équipe qui ne progresse pas. Ils ont un jeu cadenassé et donnent l’impression de cacher leur jeu. Mais ça fait quatre ans qu’ils font ça ! C’est à se demander s’ils ne l’ont pas tout simplement perdu.
Attention toutefois, l’Angleterre reste une équipe dangereuse : j’espère qu’ils ne sonneront pas le réveil. Avec leur effectif, ça peut faire mal.