Tout est affaire de symbole, les religieux et les politiques vous le diront tous. Si bien que les choses les plus simples peuvent en revêtir beaucoup. Par exemple, comme le font des milliers de gens tous les dimanches, de partir courir à quinze sur un vague terrain de rugby. Hier, on était samedi, et les symboles ne manquaient pas. On en a même rajouté. Sans doute pour faire plaisir aux médias qui en font leurs délices.
Mais trop, c’est souvent trop, et les choses banales du rugby se sont chargées de faire revenir les réalités sur le pré. Devant 25 000 spectateurs (scolaires compris), il s’agissait d’en…
Mais trop, c’est souvent trop, et les choses banales du rugby se sont chargées de faire revenir les réalités sur le pré. Devant 25 000 spectateurs (scolaires compris), il s’agissait d’en découdre entre une équipe des Springboks dont on connaît désormais les limites et celle des Barbarians français qui était un cocktail de vieux guerriers un peu hasbeen sur les bords, et de jeunes que l’avenir attend. La fraîcheur de ces derniers s’est appuyée sur les vertus anciennes des premiers.
Pourtant les choses étaient mal parties pour les copains de Serge Blanco. On avait dit et décidé de se faire d’abord plaisir. De jouer tous les ballons. La première tentative d’ouverture jusqu’à l’aile se solde par un essai… sud-africain. Une passe insouciante et légère de Charvet pour Lagisquet atterrit dans les bras de Small qui s’en alla tranquillement sous les poteaux. Première minute et mauvaise limonade. Heureusement, les anciens en parurent revigorés. Le cinq de devant s’arc-bouta en mêlée. On vit Jean Condom en touche, et sur les renvois comme aux plus beaux jours.
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Et puis le Biterrois autrefois chauve et désormais oublié, redonna de ses nouvelles, Didier Camberabero ne trembla pas. Un drop et quelques pénalités vinrent récompenser la lutte féroce des Benazzi, Rodriguez et autres Loppy. Sans parler des Basques et du Landais des fauteuils d’orchestre qui jouaient une partition sans faute dans le combat de près. Le petit Gallois Rob Jones était de la fête. Et c’est sur une de ses relances au ras que l’essai arriva. Relais du black Léon de Toulon, de Rodriguez, de Cambe qui remet sur Lagisquet enfin. Tout ça dans l’axe, dans le mouvement mais avec sans doute un joli en avant à la clé. Peu importait. On avançait. On prenait les Boks à leur propre jeu. Celui de l’impact physique. Sur quelques relances de loin on affolait leur défense un peu naïve, la moindre croisée est pour eux décidément un mystère insondable.
Lagisquet se rappelait au bon souvenir des sélectionneurs par un cadrage-débordement de rêve sur une relance lointaine. Benazzi se permettait quelques charges impressionnantes au ras du paquet. En face, on n’avait que la malice de Botha qui n’est jamais aussi bon au pied que lorsqu’il recule. Mais aussi la puissance physique des centres qui choisissent le plus souvent la ligne droite pour s’exprimer.
Et c’est l’un d’entre eux, Muller, qui, sur un coup de pied par-dessus Wright, allait bousculer Lagisquet et prendre tout le monde de vitesse pour un essai qui ramenait le score à des proportions plus décentes. L’arbitre provoquait quelques mouvements d’humeur dans les tribunes et surtout sur le banc sud-africain où l’on pensait qu’il arbitrait un peu trop « à la maison ». Il est vrai qu’il est Basque comme Serge Blanco…
Charvet qui décidément avait manqué beaucoup de choses pendant l’après-midi, vendangea, en s’arrêtant aux 30 mètres, une interception qui aurait dû aller au bout Un drop de Botha remit les Boks aux basques des Barbarians. Mais les « vieux » avançaient en mêlée. Ils étaient encore gaillards devant. Et les Sud-Africains faisaient des fautes, s’énervaient, balançaient quelques poires. Côté français il n’était plus question de relancer à tout va. On tapa loin devant. On attendit en subissant le baroud d’honneur des Springboks.
Belle défense des hommes de Blanco. Belle fierté des anciens combattants dans un final tout fou où la fatigue et le dépit des Sud-Africains se mélangeaient pour un rugby aussi approximatif que poignant.
L’émotion, on s’en doute, fut aussi au rendez-vous du tour d’honneur de Serge Blanco. Il paraît qu’il s’était blessé dès les premières minutes, et que ses copains lui avaient demandé de ne pas sortir. « Le meilleur doping du rugby, disait Laurent Rodriguez dans les vestiaires, c’est l’amitié ! ». Ce match de Lille en a été. la meilleure démonstration.