Onze ans après ses débuts en équipe de France, l’arrière Jessy Trémoulière, élue meilleure joueuse du monde en 2018, va connaitre ce samedi sa 67e sélection avec les Bleues, lors de la 2e journée du Tournoi des Six Nations, avec moins de temps de jeu mais un rôle de transmission.
Le rugby et le Tournoi des Six Nations ne sont pas que l’apanage des hommes. Place, depuis le 26 mars, au Tournoi des Six Nations féminin avec les Bleues qui rêvent à leur tour de Grand Chelem. Après un succès contre l’Italie, le XV de France doit confirmer face à l’Irlande, ce samedi, à Toulouse.  C’est à cette occasion que France Inter a rencontré l’arrière tricolore Jessy Trémoulière, élue meilleure joueuse du monde en 2018 et même joueuse de la décennie, fin 2020.
Depuis Marcoussis, Jessy Trémoulière pose d’abord un bilan : “Le week-end dernier, face à l’Italie, on a été, je pense, un peu trop scolaires. C’était le premier match avec des filles qui ont peu de sélections. Dès le coup d’envoi, j’étais dans les tribunes et on s’est dit ‘mais qu’est-ce qui se passe ?’. On avait pourtant eu une semaine où les entraînements étaient plutôt très bons. Après, il ne faut pas se mettre non plus la tête au fond du seau. On a gagné 39-6, on n’a pas pris d’essai, cela doit juste nous servir d’alerte. On apprend. Maintenant, nos adversaires, ce sont les Irlandaises.
Mais cette année, elle voit plus loin que cette compétition : “Ce tournoi est une étape importante en vue de la Coupe du monde en octobre prochain, en Nouvelle-Zélande. On sait que cette année, on a la possibilité de faire le Grand Chelem, car on reçoit trois fois. Quand on avait fait le Grand Chelem en 2014, c’est vrai qu’on avait marqué les esprits, même vis-à-vis des Anglaises. C’est dire à toutes les équipes : ‘vous avez vu nos derniers matches, comment on joue !’. Réaliser le Grand Chelem, c’est être championnes d’Europe, ce n’est pas n’importe quel titre. Il faut que l’on arrive à marquer nos adversaires au fer rouge avant la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande (du 8 octobre au 12 novembre), et surtout les Anglaises, car cela fait un petit moment qu’on ne les a pas battues. En plus, elles sont dans notre poule à la Coupe du monde“.
Déjà remplaçante face à l’Italie, l’Auvergnate le sera aussi ce samedi, contre l’Irlande. Aujourd’hui, à 29 ans, la joueuse de l’AS Romagnat a moins de temps de jeu en équipe de France mais une expérience précieuse à transmettre aux plus jeunes : “certes, la joueuse que je suis aimerait bien jouer plus, mais il n’y a rien de frustrant. Les entraîneurs font des choix, je n’ai pas les clés là-dessus. À moi d’apporter le maximum pour l’équipe. C’est la loi du sport. Il y a des filles qui restent ici à Marcoussis, donc il faut relativiser les choses. Moi, je suis sur la feuille de match. Mon rôle, maintenant, c’est de rassurer, de les guider, de les accompagner au maximum. Voilà, j’ai 66 sélections et elles, parfois seulement deux ou trois. Elles sont là pour apprendre. On a besoin de tout le monde pour être championnes du monde et pour faire le Grand Chelem.
Mon rôle, c’est de les guider sur le terrain et même en dehors “
Après 11 ans passés en équipe de France, Jessy Trémoulière a bien sûr le recul pour évoquer de l’évolution du rugby féminin en France, des stades vides ou presque il y a 11 ans, à un France/Angleterre, le 30 avril prochain, déjà assuré de se jouer à guichets fermés, à Bayonne. L’arrière savoure, consciente aussi d’avoir une responsabilité vis-à-vis des jeunes filles : “C’est génial pour pour nous, pour le rugby féminin qui prend de l’ampleur. Je me souviens, au début, on n’était pas beaucoup et là, on est médiatisé. Le public nous soutient, on voit qu’il y a un élan de solidarité, des gens qui poussent derrière nous. C’est de bon augure pour la suite. À nous de faire le travail sur le terrain, de proposer du spectacle, du beau jeu, de mettre tout en œuvre pour que ces personnes là se régalent à nous voir jouer.
“Je me mets aussi à la place d’une petite fille qui a 6 ans ou 7 ans. C’est un peu compliqué parfois dans les familles : on entend encore des remarques du genre ‘le rugby, ce n’est pas pour les filles, c’est dangereux, c’est violent’. Dans mon club, à l’ASM Romagnat, par exemple, il y a une petite fille qui est venue me voir car ses parents ne veulent pas qu’elle joue au rugby. On se doit donc leur montrer une belle image du rugby féminin. On a un rôle à jouer là dessus. On ne s’imagine pas comme ça mais c’est en échangeant avec les petites jeunes filles que l’on se rend compte que certaines peuvent s’identifier à nous, qu’elles nous regardent. Il faut rester humble bien sûr, rester à sa place, mais je me dis que j’ai un rôle vraiment important là-dessus à apporter aux jeunes filles qui ne veulent pas franchir le pas et qui veulent s’identifier à une joueuse.”
L’arrière du XV de France bénéficie aujourd’hui d’un contrat fédéral, elle a le statut de joueuse professionnelle comme 32 autres joueuse. Pour autant, l’Auvergnate ne veut pas choisir entre la pratique du sport de haut niveau et l’agriculture, avec la ferme familiale qu’elle tient avec son père et l’un de ses frères : “j’ai vu par mes années passées que le rugby à 100%, ce n’est pas fait pour moi. Etre tout le temps à s’entraîner à Marcoussis, je l’ai vécu avec le rugby à 7, et au bout d’un moment, c’est un peu une spirale. Il suffit d’une blessure, une contre performance et la spirale s’enchaîne.
Au fur et à mesure, je me suis rendu compte qu’il faut avoir un équilibre et moi, mon équilibre, c’est à la ferme, c’est chez moi en Auvergne”
“Cela me fait penser à autre chose que le rugby et c’est aussi pour assurer mon futur : l’agriculture, l’élevage, ce n’est pas un métier qui s’apprend comme ça à la va vite. La ferme, c’est donc pour assurer la relève, mais j’insiste vraiment surtout sur l’équilibre que cela m’apporte. C’est avoir quelque chose à coté pour un peu s’évader du quotidien : si on a un petit coup de mou, une blessure, qu’est ce qui va nous faire remonter un peu la tête? Moi, c’est la ferme, c’est là que je m’épanouis. Pour la petite anecdote, quand j’ai quitté le rugby à 7, je suis retournée à la ferme. On avait ensuite un tournoi aux Etats-Unis, une tournée d’été, et j’ai fait deux mois à la ferme avant et en revenant en équipe de France, une fille me dit : “mais Jessie, qu’est ce qui t’arrive sur le terrain? T’es plus joviale?”, j’avais juste trouvé ma voie et mon équilibre. Maintenant, je suis totalement épanouie.”
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