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L’ancien capitaine du XV de France et membre de la liste d’opposition de Florian Grill « Ovale ensemble », Abdelatif Benazzi, est revenu sur les dernières semaines au sein de la Fédération française de rugby et critique vivement ce comité directeur qui n’a pas démissionné comme son président Bernard Laporte.
Qu’est-ce qui vous a poussé à démissionner avec votre liste ?
« Ils sont allés au-delà des choses qui ne se font pas avec un président qui a été condamné en première instance avec cinq chefs d’accusation. C’est la première fois que le rugby français vit un traumatisme comme celui-là. Et vous avez aussi un soutien par le bureau fédéral et la majorité du comité directeur au président. Pourtant c’est un sport où il y a cette notion de collectivité. Quand le capitaine tombe, son équipe suit. Vous avez trois ou quatre personnes qui veulent démolir le rugby français et notre équipe ne peut pas laisser passer ça. On ne peut que les dénoncer et les mettre face à leurs responsabilités. »
Qu’est-ce qui pourrait pousser le comité directeur à revenir sur sa décision ?
« La pression médiatique et ministérielle, parce que défier l’Etat c’est grave. Vous avez une ministre qui l’a dit, qui a le soutien du Premier ministre, du président de la République. J’ai joué douze ans en équipe de France et j’ai vu de près comment est gérée cette fédération. Ils croient être les rois du monde, qu’ils peuvent décider de tout, parce qu’il ne sont pas contrôlés. Cette équipe est un déni de démocratie depuis six ans. C’est un clan pour tenter de profiter de cette gouvernance et des ressources de la fédération pour faire des choses non éthiques. La preuve, la justice et le parquet financier continuent à enquêter sur certains. »
Ce n’est donc pas fini…
« Tous les jours, on en prend une, que ce soit Claude Atscher dont on connaît le résultat et l’enquête qui continue. Bernard Laporte croit qu’en faisant appel, ça peut alléger sa sanction alors qu’elle peut s’aggraver. Serge Simon croit être sorti d’affaire mais le parquet financier ne va pas le lâcher. Tout cela continue et nuit à l’image du rugby. On ne peut pas travailler dans la sérénité en ayant des gens comme ça à la tête de la fédération. »
Et la Coupe du monde se rapproche, vous pensez que ça peut jouer sur la crédibilité de la France ?
« Heureusement, l’Etat est actionnaire dans le groupement d’organisation (GIP) donc je crois que tout est fait pour préserver cette organisation parce que c’est quand même un événement exceptionnel. On a montré par le passé ce que ça donne quand l’Etat s’implique et donne les cautions financières pour notre réussite. C’est différent de la fédération même si elle est actionnaire. La crédibilité de la France est importante et avoir quatre personnes qui siègent à l’organisation et qui ont trempé dans des affaires, cautionné toutes les malversations de Bernard Laporte dénoncées par la justice, c’est assez choquant. »
Le Figaro a révélé qu’un membre de la liste d’opposition aurait voulu revenir sur sa démission, qu’en pensez-vous ?
« Je me tiens sur des choses symboliquement fortes. S’il y a une brebis galeuse qui décide de faire son come-back pour vivre son aventure individuelle, il n’a rien à faire ici. Je n’ai pas de confirmation de ce que Jean-Claude Skrela a fait, c’est peut-être la gouvernance actuelle qui essaie de déstabiliser l’opposition. Encore une fois, quand vous avez l’Etat qui dénonce et demande de faire des élections, que le rugby professionnel démissionne et que le comité d’éthique demande certaines choses, le reste ne m’intéresse pas. La victoire des clubs est la plus importante, avec le référendum, ils ont gagné le droit de faire changer d’équipe. Qu’on ne le respecte pas, c’est choquant. »
A quel point les affaires extra-sportives peuvent influencer le XV de France qui débute son tournoi des Six Nations dans quelques jours, le dimanche 5 février face à l’Italie ?
« Quand on est joueur, on a envie de vivre une aventure collective et humaine. Tout est fait pour les protéger mais inconsciemment s’ils sentent quelque chose, ça peut les déstabiliser. Certains ont aussi commencé à signer dans des clubs pour après la Coupe du monde, est-ce que c’est dû à ça ? Il y a beaucoup de questions. Mais je ne souhaite pas qu’une équipe qui reste invaincue plus de dix matches, qui est capable de réaliser des performances exceptionnelles ne voit la politique nuire à son rendement. C’est l’équipe en place, en refusant d’accepter la réalité et la parole des clubs quit nuit au rugby. C’est ça qui est choquant. Si l’équipe de France ne marche pas, ils prendront leurs responsabilités parce que ce sont eux les fautifs. Ce n’est pas l’opposition, la ministre, la Ligue professionnelle ou les clubs qui ont voté contre un président intérimaire ».
Pourtant, les Bleus sont restés hermétiques à cela pour l’instant, comment l’expliquez-vous ?
« Il y a des choses qui ont été faites pour préserver l’équipe de France. Avant l’arrivée de Bernard Laporte, il y avait une guerre déclarée entre la fédération et la ligue : j’étais déjà manager d’un club professionnel et c’était impossible de faire jouer un joueur issu de la formation. Depuis que la Ligue professionnelle a accepté de faire jouer 16 joueurs minimum sur la feuille de match issus de la formation, des choses automatiquement ont changé. Ce n’est pas la fédération qui a fait ça, c’est la ligue. C’est donc normal quand vous donnez du temps de jeu à des mecs qui ont été champions du monde des moins de 20 ans. Pour Galthié, malgré sa grande performance, je rappelle qu’il a été choisi par référendum alors que Laporte voulait un entraîneur étranger, donc il était le second couteau. La qualité du staff et les moyens qui ont été mis, c’est du jamais vu, tout n’est pas négatif. J’ai connu des joueurs talentueux à mon époque et qui n’ont pas pris cette dimension mondiale comme c’est le cas aujourd’hui d’Antoine Dupont, Romain Ntamack… Des joueurs comme ça on n’en a pas tous les jours. Il faudra bien concrétiser par une Coupe du monde mais il faudra lui donner les moyens, la sérénité nécessaire et cette fédération est en train de tout gâcher. »
Si la France n’est pas championne du monde, ce sera la faute de la fédération ?
« Il ne faudra pas qu’ils nous culpabilisent si l’équipe de France ne marche pas. C’est bien l’équipe en place et les quatre personnes qui sont nuisibles pour le rugby français qui veulent tenir les rênes pour des raisons personnelles et dénigrent tout le reste. »
Comment imaginez-vous la suite ?
« On va continuer à mettre la pression pour qu’ils puissent céder, remettre la démocratie en jeu et donner la parole aux clubs pour organiser des élections le plus tôt possible pour que la préparation de la Coupe du monde se fasse sereinement. Je le souhaite de cœur. J’ai toujours respecté les institutions. Il ne faut pas oublier que la fédération a un devoir de mission public et de ne pas jouer avec le feu contre l’Etat. Et pourtant ils sont en train de le faire. »
Vous avez soutenu le président de votre liste d’opposition Florian Grill malgré les critiques…
« J’ai tellement confiance en lui alos qu’on a essayé de faire passer pour un opportuniste. C’est la première fois qu’on a une personne connaisseuse de rugby, avec une équipe compétente et une vision du rugby français et amateur exceptionnelle. Sinon je ne me serais pas engagé personnellement. Il faut faire confiance à cette gouvernance qui va faire changer les choses pour que le rugby sorte grand vainqueur de tout ça. Ce n’est pas le fait du hasard qu’il y a une grande partie des joueurs internationaux autour de lui et des gens d’une compétence extraordinaire autour de lui. »
Vous croyez pouvoir les stopper ?
« On a bon espoir et on veut dénoncer toutes les malversations. Ce n’est pas fini. Tout ce qu’ils sont en train de faire on le dénonce juridiquement. Ils sont dans leur tour d’ivoire et veulent conserver leurs privilèges. On ne lâchera pas la pression. C’est le devoir de tout personnel et bénévole du rugby. »
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