En Bretagne, le rugby féminin se porte bien. « La dynamique est bonne. De plus en plus de filles viennent s’essayer à l’école de rugby », avance Bertrand Quiviger, cadre technique de Ligue de Bretagne de rugby. Le développement est récent, quelques années tout au plus, mais les résultats rapides.
Toutes catégories d’âge confondues (seniors à moins de 6 ans), d’environ 580 joueuses lors de la saison 2015-2016, le nombre est passé à 1 236 en 2021-2022. Et probablement plus cette année (les inscriptions pour la saison 2022-2023 s’arrêtent le 8 octobre). « Nous n’avons jamais eu autant de rugby féminin à la télé. Forcément, ça permet aux gamines de s’y intéresser », analyse ainsi Rémy Le Lausque, vice-président responsable des compétitions et du perfectionnement sportif à la Ligue.
Même au niveau des encadrantes (dirigeantes, arbitres, éducatrices), le bond est notable. De 245 en sortie de covid-19 (mai 2020), elles étaient 341 en mai 2022 (+39 %).
Preuve de la bonne santé du rugby féminin, un premier festival 100 % rugby féminin s’est tenu en décembre 2021 à Auray. Secrétaire générale adjointe de la Ligue, Florence Caous Le Roux assure qu’une prochaine édition devrait se tenir « en février ou mars 2023 ».
Dans tous les départements, l’augmentation de licenciées est régulière entre 2021 et 2022 : +47 % dans les Côtes-d’Armor, +35 % dans le Finistère, +18 % en Ille-et-Vilaine, +22 % dans le Morbihan. Pour Florence Caous Le Roux, ce nombre devrait encore bondir avec la Coupe du Monde 2023 en France. « Le nombre de licenciés va forcément augmenter, aussi bien chez les garçons que les filles (+54 % de licenciés après le Mondial 2007 en France), explique-t-elle. Ensuite, ce sera à nous de parvenir à garder les filles en école de rugby et au-delà… ».
Car c’est le principal frein au développement du rugby féminin en Bretagne : les joueuses sont éparpillées. Les clubs sont là – 21 dans le Morbihan, 19 dans le Finistère, 16 en Ille-et-Vilaine, 10 dans les Côtes-d’Armor -, mais ils sont nombreux à compter moins d’une dizaine de licenciées. « On se rend bien compte qu’il y a partout des gamines qui veulent jouer (+61 % chez les 8-10 ans entre 2021 et 2022), mais elles ne peuvent pas faire d’équipes exclusivement féminines, pointe Rémy Le Lausque. Au bout d’un moment, si tu t’entraînes mais que tu ne joues pas… ».
La perte s’effectue surtout entre 12 et 15 ans (-5,05 % sur la dernière année), à un âge où les filles côtoient toujours les garçons à l’école de rugby – c’est le cas jusqu’à 15 ans -, mais où l’aspect physique peut en rebuter certaines. « Les pertes diminuent d’années en années », tempère toutefois Bertrand Quiviger.
Au-delà, chez les seniors, ça se gâte aussi pour celles qui veulent intégrer des équipes 100 % féminines, et qui pâtissent de la taille du territoire. « Certaines font parfois 50 kilomètres pour s’entraîner », rappelle Rémy Le Lausque.
Pour remédier à ce problème, des alternatives existent : mise en place de regroupements locaux à la manière des Breizh Barian’s, un rassemblement de clubs morbihannais, développement du rugby à 5, sans plaquages (40 % des licenciés rugby loisir sans plaquage sont des femmes), ainsi que du cross rugby, qui prévoit l’adaptation du nombre de joueuses en fonction des effectifs. « Localement, ce sont des solutions à développer lorsqu’il y a peu de licenciées », assure Emmanuel Grimaud, responsable du rugby loisir à la Ligue. « Si on ne propose plus rien localement, les filles n’iront pas ailleurs », pointe d’ailleurs Florence Caous Le Roux, engagée au club de Paimpol. « Plus on fidélisera les filles, plus on aura des collectifs locaux forts », explique pour sa part Bertrand Quiviger.
Dans les pas du Stade rennais rugby, l’équipe phare de la région, de l’Alréenne Caroline Drouin, internationale formée dans la région sélectionnée pour le Mondial, ou de Lénaïg Corson, le rugby féminin breton n’en est ainsi qu’à ses prémices.