La liste des événements sportifs d’importance majeure, inchangée depuis 2004, devrait être mise à jour au premier semestre 2023. Le but : garantir la diffusion en clair des Jeux paralympiques et du sport féminin.
Voilà 18 ans qu’elle détermine, sans qu’on s’en rende compte, notre culture sportive. Elle, c’est la liste des événements « d’importance majeure » (EIM). Vingt-et-un événements sportifs protégés par une diffusion en clair depuis un décret fixé le 22 décembre 2004.
Alors qu’elle n’a jamais été modifiée depuis sa création, cette liste pourrait enfin être mise à jour en 2023. Une consultation avait été lancée en ce sens en janvier 2022 par les ministères des Sports et de la Culture. « Garantir l’accès télévisuel du plus large public aux événements sportifs qui fédèrent la communauté nationale est un objectif majeur du Gouvernement », indiquaient-ils à l’époque dans un communiqué. Cette consultation a été menée par le député breton Cédric Roussel et a débouché sur deux préconisations : une plus grande féminisation de cette liste en intégrant systématiquement les équivalents féminins des compétitions listées ; l’inscription des Jeux paralympiques.
« Je ne croirai que ce que je vois »
« Dans le sport féminin, les droits TV et digitaux sont proches de zéro, comme dans d’autres sports émergents, explique Cédric Roussel. Cette liste peut être un moyen de développer cette ressource, en imposant un service minimum de diffusion. » Pour l’ancien député LREM, aujourd’hui délégué ministériel aux grands événements sportifs, la mesure n’est donc pas seulement symbolique. « Les choses peuvent aller vite. Le foot féminin peut avoir une fulgurance et cette liste sera un moyen d’exposer les compétitions à tous même s’il vient à suivre la même trajectoire que le foot masculin. »
Même précaution pour les Jeux paralympiques : « France Télévisions s’est engagé à les diffuser avec une large couverture, mais il n’y avait pas d’obligation et rien n’était gagné d’avance. » Fin novembre, une réunion interministérielle devait permettre « d’acter les conclusions » de la consultation du député et « d’envoyer le dossier à la Commission européenne qui ratifie les listes de chaque pays, assure Cédric Roussel. On se dirige bien vers l’ajout des Jeux paralympiques et une féminisation importante des compétitions de la liste, et ce, au premier semestre 2023. »
David Assouline, lui, est comme saint Thomas : « Je ne croirai que ce que je vois ». En 2016, le sénateur avait déjà proposé de moderniser le décret de 2004 avec les deux mêmes préconisations que celles de Cédric Roussel, ainsi que l’entrée de quatre sports dans la liste des EIM : le volley, la voile, le judo et la natation. Six ans plus tard, il attend encore. « À l’époque, on m’avait dit : “Travaillez vite, il y a urgence”. J’ai eu ensuite affaire à quatre ministres des Sports pour environ autant de ministres de la Culture qui m’ont dit que cela allait se concrétiser, car la liste proposée avait été considérée à 95 % bonne et ratifiée par les deux ministères. »
Il accueille alors la nouvelle de l’actualisation prochaine de la liste avec prudence. « Tout le monde s’accorde sur les conclusions de mon rapport. Donc c’est incompréhensible, car il n’y a aucune raison de faire traîner, à part des pressions ou des lobbys. »
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Le spectre d’une liste plus restreinte
David Assouline va même plus loin : « J’ai entendu lors d’une audition qu’il serait également en discussion quelque chose de plus restrictif, avec moins de contraintes. Je pense que Roland-Garros sera encore attaqué. On a bien vu ce qu’il s’est passé pour le Nadal – Djokovic de cette année en nocturne (quart de finale diffusé sur Prime Video mais en gratuit), ça a permis d’ouvrir les yeux sur la tendance. Ça peut concerner le rugby aussi, avec les 6 Nations. » « Il est urgent de protéger le libre accès aux grands événements, surtout pour les événements financés par de l’argent public », avait appelé la patronne de France Télévisions, Delphine Ernotte, en marge de ce fameux quart de finale à Roland-Garros.
À la suite d’une plainte, le comité d’Éthique de la Fédération française de tennis s’est autosaisi de l’affaire. Ce vendredi 23 décembre, il a publié un communiqué. Morceau choisi : « Au-delà de la valeur symbolique, voire « patrimoniale » du tournoi de Roland-Garros pour le public français, le Comité insiste sur l’importance qu’il y a à permettre, au-delà des obligations légales, un accès gratuit à la plupart des matches diffusés et aux plus importants d’entre eux. »
Lors de sa consultation, Cédric Roussel admet par ailleurs qu’« il y a eu des discussions au sein même des fédérations, comme celle du handball. Pour “monétiser” davantage les matches de leur équipe nationale et construire une économie du sport féminin viable, elles n’avaient pas forcément intérêt à demander tout de suite une inscription dans la liste, puisque ça viendrait interférer sur la valeur des droits TV. »
« Cette protection est vitale »
Un danger, selon David Assouline : « Cette liste est le moyen de ne pas être le jouet des fluctuations démentielles du marché des droits TV. La liste des EIM est faite pour faire face à cette évolution, pas pour l’accompagner. Le sport ne doit pas être réservé aux riches. »
« Cette protection est vitale car c’est le seul rempart du consommateur contre le tout payant, assure Pierre Maes, consultant dans le secteur des droits TV sportifs. Et il est très efficace : l’UEFA et la Fifa ont déjà tenté d’attaquer cette législation en justice dans plusieurs marchés, comme au Royaume-Uni à l’époque où il faisait toujours partie de l’Union européenne (la liste prévoyait que tous les matches de la Coupe du monde devaient être diffusés en clair). En vain. » Et Cédric Roussel de conclure : « Il y a un point d’équilibre à trouver entre financer le sport et l’exposer au plus grand nombre. »
Les 21 événements sportifs protégés en France
Jeux olympiques d’été et d’hiver
Football masculin : les matches de l’équipe de France du calendrier Fifa ; le match d’ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde ; les demi-finales et la finale de l’Euro ; la finale de la Ligue des champions ; la finale de la Ligue Europa si un club français y participe ; la finale de la Coupe de France.
Rugby : le tournoi des 6 Nations, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde masculine ; la finale du championnat de France masculin ; la finale de la Coupe d’Europe masculine si un club français y participe.
Tennis : les finales des simples hommes et femmes de Roland-Garros ; les demi-finales et les finales de la Coupe Davis et de la Billie Jean King Cup si l’équipe de France y participe.
Autres sports : le Grand Prix de France de F1 (qui ne sera plus au calendrier en 2023) ; le Tour de France ; Paris-Roubaix ; les finales hommes et femmes du Mondial et de l’Euro de basket lorsque l’équipe de France y participe ; les finales hommes et femmes du Mondial et de l’Euro de hand lorsque l’équipe de France y participe ; les championnats du monde d’athlétisme.

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