Vous l’auriez vu souffler… « C’est pas fatigant, c’est… » Camille Lopez…
Vous l’auriez vu souffler… « C’est pas fatigant, c’est… » Camille Lopez n’a pas les mots. « C’est un poison », finit-il par lâcher pour décrire Swan Cormenier, un sourire au coin des lèvres. Il faut dire que le pilier au physique de cube est constamment sur son dos : il veut sans cesse entendre « Les Fêtes de Mauléon » chantées par le demi d’ouverture souletin. « J’y ai droit tout le temps ! » Lors du tour d’honneur à Jean-Dauger. Dans le vestiaire après les matches. Au moindre sursaut d’une caméra. « Il est insupportable avec ça. Et il n’y a pas que sur ça qu’il est chiant, d’ailleurs. La saison est longue, j’espère qu’il va s’user. Je ne sais pas comment il était avant mais là, il m’a pris en grippe. »
Avant, c’est simple, il avait d’autres cibles. Peyo Muscarditz se marre. « Il passe beaucoup de temps après Camille donc il n’en a plus pour nous », souffle le trois-quarts centre, de retour comme titulaire ce samedi face à Castres. L’intéressé se justifie : « Camille a une très belle voix, ce serait dommage qu’il n’en fasse pas profiter tout le monde. Et puis, même s’il dit le contraire, je vois bien qu’il est le plus heureux quand il faut chanter. »
Swan Cormenier (26 ans) n’est pas qu’un pilier sur le terrain. Il l’est aussi dans le vestiaire bayonnais. Le natif de Cognac démarre sa quatrième saison sous les couleurs de l’Aviron. Il vivra ce samedi sa cinquième titularisation (six matches) en sept journées. De quoi le définir comme le titulaire du moment à gauche de la première ligne. Tout sauf un hasard vu la courbe de ses performances depuis plusieurs mois. C’était pourtant loin d’être écrit à son arrivée en 2019.
Après deux saisons à Albi (Fédérale 1), Yannick Bru tente le pari, sur les conseils de l’ancien deuxième ligne de Brive et coach du SCA, Arnaud Méla. Cormenier est programmé pour la Pro D2. « Problème », l’Aviron monte en Top 14 quelques mois plus tard. « Je faisais un dernier restau d’adieu avec les copains d’Albi. J’ai assisté devant la télé à la promotion de Bayonne. » Et à la sienne. Sept titularisations en une année et demie dans l’élite. Puis l’explosion, la saison passée pour sa découverte de la Pro D2. « Je n’aime pas le terme de titulaire mais l’an dernier, en fin de saison, il a souvent commencé les matches », rappelle Yannick Bru. Son ancien manager lui a pourtant mené la vie dure. « Il a fallu lui faire comprendre l’importance de l’enchaînement des tâches et du travail sans ballon. On s’est souvent accroché là-dessus. Aujourd’hui, il touche les dividendes de son travail. Et de quelques engueulades », lâche-t-il dans un éclat de rire.
Parti à l’âge de 15 ans à 250 km de chez lui, au centre de formation de Brive (génération Damian Penaud et Atila Septar), Cormenier s’y est forgé son caractère. « Et il en a un bien affirmé, rapporte Muscarditz. Il sait où il veut aller, il rebondit toujours après des périodes creuses ou des critiques. » Elles n’ont pas manqué de la part de certains supporters bayonnais. « Personne ne lui a fait de cadeaux mais il s’y est toujours filé (sic) », insiste l’ailier Rémy Baget. D’où la distance prise par le joueur acclamé samedi dernier à sa sortie de terrain face à La Rochelle. « J’apprécie énormément, je sens que le regard sur moi change un peu, livre celui qui est installé à Tarnos avec sa compagne. Je suis très posé. Je sais aussi que parmi ces personnes-là se trouvent peut-être celles qui disaient que je n’avais pas le niveau, ou qui voulaient que je parte. »
Grégory Patat n’en fait pas partie. Bien au contraire. En décembre dernier, le futur manager a appuyé pour prolonger son contrat. « C’est un gros travailleur, raconte le Gersois. C’est encore un potentiel à développer. Il faut qu’il soit plus régulier dans ses performances, notamment défensives, mais il a les caractéristiques du projet. » Cormenier est désormais rattaché à l’Aviron jusqu’en 2024. Pour le plus grand « bonheur » du vestiaire basque. « Ce n’est pas le dernier à déconner, mais ce n’est pas le dernier à râler », dévoile Muscarditz. « Je l’appelais ‘Le syndicat’ car il râlait contre tout, se marre Yannick Bru. Fallait pas se tromper d’une virgule ! Mais Swan, c’est aussi un mec drôle, intelligent et coquin. De toute façon, tu ne remportes pas des trophées avec des Casques bleus. » Cormenier a soulevé son premier en juin dernier avec le titre de Pro D2.
« I love Swan ! » Les yeux d’Uzair Cassiem s’écarquillent à l’évocation de son équipier. « C’est un des rares Français à comprendre et maîtriser l’humour british ». Denis Marchois pourrait utiliser les mêmes mots en VF. Le capitaine et le pilier partagent plusieurs passions. « On s’est fait une randonnée dans la vallée d’Aspe, tous les deux avec son chien », raconte Cormenier. Au programme : sac à dos, lac sauvage et pêche. L’apprenti bricoleur aide désormais son équipier à retaper son corps de ferme près de Bidache. « Denis a un élevage de chevaux avec sa compagne. On a sympathisé avec les éleveurs et agriculteurs autour. On prévoit prochainement une session pour gaver les oies et vider les poulets. Je n’ai pas peur de mettre les mains aux mauvais endroits, ça me rappelle un peu le rugby. »
« Swan est très chasse et pêche, décrit Grégory Patat, comme pour rappeler les plaisirs simples de son pilier. C’est quelqu’un d’entier et de naturel. Il est proche de ses concurrents directs et apporte beaucoup de fraîcheur au groupe. » C’est aussi un passionné de ball-trap. Une activité qu’il prolonge jusque dans l’intimité de Jean-Dauger. « Quand il a une cible, il ne la lâche jamais », rigole Rémy Baget, martyrisé pour sa coupe mulet, sa boucle d’oreille ou sa façon de courir. Son déhanché est bien différent de celui de Cormenier, aperçu lors d’une percée de 40 mètres en février dernier (lire encadré).
L’ailier a de la chance, il fait pour l’instant partie des oubliés de « Blague Swan ». Kamilieni Rasaku, Sireli Maqala et Eneriko Buliruarua ont été surpris de voir le « chambreur » cognaçais maîtriser quelques mots de fidjien. Les plus fleuris, évidemment. « Il n’y a que le petit argentin qui vient d’arriver (Martin Bogado) que je n’ai pas encore en main. Il faut que je voie avec Facundo (Bosch). » Ça laissera un peu de répit à Camille Lopez, qui n’a pas songé une seule seconde à se venger : « Il est costaud, le petit ! » Il a été flashé à 123 kilos à la pesée de rentrée. « On n’est pas champion tous les ans, s’excuse-t-il. Mais désormais, officiellement, je suis à 119 kg. Précisez bien qu’il y a eu un bel effort pour éliminer cette joie du titre. » Un simple problème de rétention d’eau, probablement.

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