Il n’a fallu que quelques secondes à Ugo Mola pour synthétiser la déroute de son équipe contre les Maritimes (30-7), ce samedi : « Si tu n’as pas de conquête, tu ne peux pas jouer. On part de trop loin avec 0 ballon en mêlée, 3 pauvres ballons en touche… » Et de glisser, façon Guy Novès, son prédécesseur « Heureusement que je ne suis pas l’entraîneur de La Rochelle, parce que je n’aurais pas compris qu’on ne prenne pas le bonus. C’était cadeau, il était donné. »
Plutôt que d’y voir une pique, son homologue Ronan O’Gara validait le propos. « Il y a beaucoup de vrai. Mais avant de courir, on a besoin de marcher. » Car si son équipe n’a pas réalisé un match parfait – notamment à 15 contre 13 en fin de première période –, le manager irlandais la savait sous pression après avoir chuté deux fois à domicile contre Pau et l’UBB, pour avoir perdu huit fois de suite contre les Rouge et Noir et avoir manqué la plupart de ses secondes périodes ces derniers temps.
Or, comme souvent, les avants ont trouvé la clé : avec sept pénalités en sa faveur, la mêlée a régné sur une rencontre rythmée par la pluie, donc par les en-avant et les phases statiques. « La mêlée a été magnifique, énorme. Je suis très, très, très content. Le cinq de devant décide de tout, ça ne change pas. Uini (Atonio) et Reda (Wardi) dormiront bien, plaisantait « ROG ». Quand c’est bien, on le dit, et c’était très bien. »
Cela n’avait rien d’un hasard. « On s’était dit entre “gros”, qu’on n’était pas si dominants que ça depuis le début de la saison, qu’il fallait faire plus d’efforts. Dans le vestiaire, « Saze » (Romain Sazy, NDLR) nous a dit « j’en ai marre qu’on passe pour des pipes alors qu’on sait très bien qu’on a une mêlée dominatrice »… Il a piqué les piliers : « Reda, t’en as pas marre qu’on te dise que t’es une pipe en mêlée ? » Ça a bien fonctionné, ils étaient assez énervés », souriait le 2e ligne Rémi Picquette.
« Il ne l’a pas dit comme ça, nuançait le gaucher. Je connais bien Romain, il voulait nous motiver pour qu’on fasse un gros match, qu’on se resserre devant. » L’international (2 capes) ne s’enflammait pas, lui qui n’a pas oublié qu’il avait encaissé un carton rouge rédhibitoire à l’aller, ni qu’il s’était blessé à un pectoral contre Lyon, l’hiver dernier, alors que la mêlée produisait une performance similaire.
Son manager, lui, n’oubliait pas de noter qu’Ugo Mola, soucieux d’éprouver ses jeunes dans un contexte hostile, était venu sans son équipe type : « Je suis assez intelligent pour comprendre que ce n’était pas une grande priorité pour Toulouse de gagner. On a bien construit le match, on a fait le nécessaire mais lundi, on se concentrera sur le prochain. C’était une super ambiance, une super performance, c’était bien, mais on aura de plus grands défis dans l’avenir. » Notamment conserver au maximum un tel niveau d’intensité et arrêter d’avancer de façon sinusoïdale.
La bonne nouvelle, pour le technicien irlandais, c’est que son groupe a répondu présent malgré des absences importantes (en particulier devant, avec Will Skelton et Yoan Tanga, qui pourraient revenir lors des deux matchs à venir de Champions Cup, mais aussi Thomas Lavault et Matthias Haddad-Victor) et les sorties précoces des premières lignes et internationaux Pierre Bourgarit et Uini Atonio, tous les deux touchés au genou.
« Uini, j’espère qu’il sera OK, mais il passe une IRM mardi ; pour Pierre, elle est lundi. Il est prioritaire, je ne sais pas pourquoi, plaisantait l’ancien ouvreur. Ils sont hyper importants pour le groupe mais on a vu ce soir que quel que soit celui qui joue, la machine roule, c’est pourquoi je suis content. » Présent au Japon cet été, Picquette avait lui aussi de quoi l’être : « Je n’ai pas tout le temps ma place dans l’équipe titulaire, et je sais que je ne fais pas les meilleurs matchs depuis le début de saison. Il fallait que je montre un peu la voie. Ça s’est bien passé. »
Autre Rochelais qui aura un rôle à jouer pendant l’absence de Bourgarit, qu’elle soit liée à une blessure ou à son éventuelle présence à Marcoussis, Samuel Lagrange – « très bien » selon O’Gara – a aussi symbolisé la bonne forme du pack jaune et noir, tout comme Paul Boudehent. Si le staff du XV de France suivra de près les résultats des examens du talonneur et d’Atonio, les performances actuelles du 3e ligne ne lui auront peut-être pas échappé non plus…