Une finale sans stars, ni paillettes, et alors ? Non, l’épilogue du Top 14 qui mettra aux prises Castres et Montpellier, ce vendredi soir au Stade de France, n’est pas l’affiche la plus « glamour » que le rugby français puisse proposer. À l’heure où les diffuseurs, comme sous l’influence de Netflix, semblent vouloir scénariser le sport, un directeur de casting aurait sans doute choisi d’autres acteurs pour boucler cette édition.
À Nice, samedi soir, à l’issue des demi-finales, on a croisé des responsables de marketing et des communicants…
À Nice, samedi soir, à l’issue des demi-finales, on a croisé des responsables de marketing et des communicants qui ne dissimulaient pas leur contrariété en se projetant sur le dernier rendez-vous de la saison. On a entendu des choses comme « Mon Dieu, mais quelle image on va donner au grand public ? » Comme si Castres et Montpellier étaient incapables d’offrir à ce feuilleton un dernier épisode de qualité.
Une finale vaut d’abord par sa dramaturgie. Demandez aux supporters de Leicester s’ils ont boudé leur plaisir samedi dernier en voyant les Tigers remporter le championnat d’Angleterre face aux Saracens (15-12) sur un drop de Freddie Burns à trente secondes de la fin d’un match à 105 coups de pied ?
D’ailleurs la présence de deux formations réputées joueuses et constellées d’internationaux n’est pas la garantie d’un feu d’artifice. Il suffit de se souvenir de ce que fut la confrontation du Stade Toulousain et de La Rochelle l’an passé.
À bien y regarder, il y a quelque chose de réjouissant et de vertueux à ce que le dénouement du championnat de France oppose deux équipes qui ont construit leur parcours sur les vraies fondations du rugby : le combat, la solidarité, la générosité.
Loin de TikTok et des NFT, du décorum que le rugby a cru bon d’adopter dans sa quête de nouveaux marchés, cette finale Castres – Montpellier, c’est une cure d’assainissement. On vous l’accorde, le côté « détox » risque d’être un peu brutal. Mais sportivement, difficile d’en contester la légitimité.
Si les Toulousains peuvent arguer que les doublons et les reports de matchs liés au Covid ont plombé leurs chances d’éviter la case barrage pour mieux défendre leur titre, Castres et Montpellier n’ont rien usurpé en finissant aux deux premières places de la phase régulière la plus acharnée de l’histoire du Top 14.
Castres, c’est le club qui, depuis dix ans, impose aux têtes enflées du rugby français un petit examen de conscience. Depuis 2013, les Castrais, dixième masse salariale du Top 14, se sont invités quatre fois en finale du championnat, l’ont remporté deux fois (2013, 2018). Une telle récurrence ne doit rien au hasard. Elle repose forcément sur un alignement entre la direction du club, son environnement, la relation entre l’entraîneur et son effectif, la qualité du jeu proposé.
Ce qui est frappant dans le voyage du CO jusqu’au Stade de France, c’est qu’il s’est effectué sur de toutes petites marges. Aucune équipe n’a aligné autant de victoires que celle de Pierre-Henry Broncan : 17. Mais le score moyen des matches des Tarnais durant la phase régulière a été de 21,7 à 20,3. Et si un chiffre devait résumer un état d’esprit, une volonté de ne jamais renoncer, c’est peut-être celui-là.
Et Montpellier ? C’est la troisième fois que le club héraultais se hisse en finale. La première fois, en 2011, il était porté par une dynamique rafraîchissante, la jeunesse des Fulgence Ouedraogo et François Trinh-Duc et le savoir-faire de Fabien Galthié. Il s’était cassé les dents sur le Stade Toulousain. La deuxième, il était arrivé en grandissime favori mais il traînait le capital antipathie accumulé par son trop-plein de Springboks et il était tombé dans le piège tendu par les Castrais de Christophe Urios.
Cette fois, il débarque en faisant profil bas mais en étant sûr de ses forces. Il y a dix-huit mois, le MHR était aux urgences. Depuis, Philippe Saint-André l’a reconstruit, entouré d’un staff revanchard, comme lui. Ensemble, ils ont mis en place un cadre de jeu simple et clair, en insistant sur la défense, l’occupation de camp adverse par du jeu au pied, l’efficacité dans les zones de marque. La manière dont ils ont étouffé l’UBB, samedi, a impressionné.
À quoi va ressembler la confrontation « des deux équipes les plus engagées de la saison », selon les mots de Christophe Urios, l’entraîneur de l’Union Bordeaux-Bègles ? Il y a un scénario attendu.
Combat acharné en conquête et dans les rucks, défense, jeu au pied de pression : il est rare qu’une finale sorte de ce canevas. Mais si elles sont expertes dans l’art de faire déjouer l’adversaire, Castres comme Montpellier possèdent aussi des joueurs pour casser les conventions.

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