Il est rare de fêter un maintien au mois de janvier. Surtout pour un promu. Surtout à Jean-Dauger, plus habitué à trembler jusqu’à mai. Doudoune sur le dos et bonnet vissé sur la tête, les 13 000 supporters bayonnais ont longtemps célébré leurs héros, ce samedi. À tel point qu’on a cru qu’ils n’arriveraient jamais jusqu’aux vestiaires.
Denis Marchois et ses équipiers avaient de quoi être heureux. Ils ont terrassé Brive (37-9) pour s’offrir leur…
Denis Marchois et ses équipiers avaient de quoi être heureux. Ils ont terrassé Brive (37-9) pour s’offrir leur neuvième succès de la saison, le premier bonifié. Ils étirent leur invincibilité à domicile à huit victoires de rang. Et réintègrent le wagon du top 6. C’est bien simple : dans l’histoire du Top 14, jamais l’Aviron n’avait été classé aussi haut après 16 journées. Il y a donc de quoi sourire comme Patrice Collazo aux termes de « concurrents directs », employés pour définir les Corréziens, relégués à 15 longueurs et englués à la 13e place. « Qui a mis les Bayonnais à la lutte avec Brive en début de saison ?, s’est étonné le manager du CAB. Les médias ? Eux-mêmes ? » Assurément les deux. « Force est de constater qu’aujourd’hui, ils sont en haut du classement. Pas grand-chose ne me surprend avec eux. Toutes les équipes du top 6 sont venues perdre ici. »
Et si les Brivistes ne présentaient pas le même pedigree, ils restaient tout de même sur trois victoires consécutives en Top 14 (Clermont, Lyon, Toulon) et une qualification pour les huitièmes de finale du Challenge européen. Patrice Collazo a donc vécu sa première défaite depuis sa prise de fonction le 22 décembre dernier.
En délocalisant la réception de Pau à San Sebastian (Espagne), le 25 mars prochain, les dirigeants de l’Aviron n’avaient qu’une seule idée en septembre dernier, gonfler les recettes. Cette rencontre aura peut-être un autre intérêt : servir de repérage avant les demi-finales des 10 et 11 juin prochains, disputées sur ce même terrain d’Anoeta. Ce qui n’était qu’une blague dans le vestiaire bayonnais prend de plus en plus corps aujourd’hui. Partout. Dans toute la France du rugby. Exception faite du vestiaire bayonnais.
« Le virage n’est pas encore assez important pour moi, coupe le manager Grégory Patat. Aujourd’hui, on a envoyé un signal fort. On a un matelas assez intéressant. Mais on va faire étape par étape. J’ai un groupe travailleur, simple, humble, et qui a besoin de se challenger semaine par semaine. Si on envoie des objectifs trop loin, ça va être compliqué. »
Pour lui, pas question de parler d’autre chose que de maintien. Ses joueurs tiennent la même ligne. Ou récitent parfaitement le briefing du chargé de communication. « Si jamais le maintien est acquis, on pourra se permettre de regarder plus haut. Pour l’instant, franchement, sans langue de bois, on n’en parle toujours pas », jure le demi de mêlée Guillaume Rouet. Le deuxième ligne Thomas Ceyte, lui, manie l’ironie : « On est clairement dans nos objectifs : le barrage à la maison, la demie à Anoeta juste à côté, et si tout se passe bien, on devrait être au Stade de France pour jouer le Brennus (sourire). Évidemment, ce n’est pas vrai. On ne se prend pas la tête. On en rigolait dans les vestiaires. C’est cool d’être quatrième (cinquième après la victoire du Racing contre La Rochelle, NDLR) mais ça peut aller tellement vite. On est un peu euphorique mais on ne vise pas plus haut que le maintien pour l’instant. »
Profonde sincérité ou simple peur de nommer les choses ? Peu importe. Grégory Patat ne réfute pas l’essentiel : « On a joué, entre guillemets, comme une grande équipe qui maîtrisait les enjeux. Je n’aime pas parler du passé mais on m’a dit qu’ici, on ne savait pas jouer les matches à enjeux. Rien que par rapport à ce point, on est dans le vrai, on est en train de grandir. » C’est juste, car la bande à Camille Lopez (15 points, à 6/7) n’a jamais paniqué. Bouffée territorialement en première période, elle a su faire le dos rond pour piquer sur sa seule occasion : un contre de 100 mètres conclu par Buliruarua (19e, 10-3). Le CAB venait d’être réduit à 14.
« Je vois une équipe qui est capable de s’adapter à divers scénarios, apprécie le technicien. On est en train de montrer que l’Aviron joue de belles partitions. C’est super positif. » Car en deuxième mi-temps, les siens ont monté le curseur de l’intensité. Ils ont confisqué le ballon. Planté un deuxième essai par Thomas Ceyte (23-9, 60e). Et patiemment appuyé sur la tête des visiteurs. Jusqu’à roulé dessus, en fin de match. D’abord par Matis Perchaud pour l’essai du bonus (77e), avant de tout emporter sur un maul d’une vingtaine de mètres, durant les arrêts de jeu. Impressionnant. Comme le classement des Bayonnais. Grégory Patat veut bien nous l’accorder : « On ne va pas se cacher, pour un promu, être 5e au classement, ça détonne. »