Genichi Tamatsuka porte beau. Ce sexagénaire élancé garde la carrure du troisième-ligne qu’il a été. « Je n’ai jamais porté le maillot de la sélection japonaise, explique-t-il dans un anglais parfait, mais j’ai été international singapourien lorsque je travaillais là-bas, entre 27 et 31 ans. » Jusqu’à ce qu’une blessure à un genou, lors d’un match du Hongkong Sevens face à l’Australie de Tim Horan, ne mette fin à sa carrière de joueur. « Mais le rugby a fait l’homme que je suis et je veux lui rendre tout ce qu’il m’a apporté », précise cet homme d’affaires influent, patron au Japon de la multinationale sud-coréenne Lotte. Tamatsuka a pris depuis un an les rênes du championnat professionnel japonais, rebaptisé « Japan Rugby League One », avec l’ambition de le faire grandir encore.
« Comment se développe le Championnat japonais depuis plusieurs années ?
La Coupe du monde 2019 a représenté un grand changement au niveau de la médiatisation et de la popularisation du rugby au Japon. Vous savez ici, le rugby n’est pas aussi populaire que le baseball, le football ou le sumo. Contrairement à la France, ça reste un sport de niche mais le potentiel est immense. Ma priorité est d’élargir d’abord notre base de fans ici et je pense que la culture du rugby correspond bien à la culture de la société japonaise en termes de valeurs.
« Nous souhaitons faire grandir le sport non seulement au Japon mais aussi à travers toute l’Asie avec une compétition transfrontalière »

Vous avez pris la tête de la League One il y a un an, quels changements avez-vous impulsés ?
Le Championnat, créé en 2003 sous l’appellation « Top League », a largement contribué au succès des Brave Blossoms. Mais il restait sous l’égide de la Fédération. Il était donc important de créer une ligue, baptisée « League One », qui soit indépendante et dans laquelle chaque équipe (*) puisse faire fructifier son travail. Bien sûr, tout cela se fait main dans la main avec la Fédération mais les deux entités sont aussi importantes l’une que l’autre. Et la League One doit rester cette plateforme indispensable qui rendra l’équipe nationale meilleure. Voilà notre vision. À terme, nous souhaitons faire grandir le sport non seulement au Japon mais aussi à travers toute l’Asie avec une compétition transfrontalière.
Le Japon est devenu très attractif pour certains joueurs étrangers…
Nous sommes chanceux d’avoir des joueurs de classe mondiale qui viennent renforcer nos équipes. Je pense à des champions du monde comme Malcolm Marx (talonneur, AFS) ou Wille Le Roux (arrière, AFS), au All Black Damian McKenzie (arrière), au Wallaby Bernard Foley (ouvreur), etc. Cette saison, nous avions 185 joueurs étrangers cumulant 1424 sélections entre eux, ce sont des joueurs de très haut niveau qui permettent d’améliorer le niveau de notre Championnat et de faire progresser les joueurs japonais. Cela doit aussi permettre à l’équipe nationale de s’améliorer même si on ne l’a pas trop vu la semaine dernière contre la France (rire).
« En ce moment, l’hémisphère sud a des difficultés financières et c’est vrai que nous pouvons attirer des joueurs australiens, néo-zélandais et sud-africains dans de bonnes conditions »

Quelle est la politique des quotas appliquée aux joueurs étrangers ?
On a identifié trois catégories de joueurs, A, B et C. La catégorie A, ce sont les joueurs éligibles pour le Japon, chaque équipe doit en aligner au moins 11 dans le quinze de départ et au moins 17 dans les 23. La catégorie B, ce sont les joueurs étrangers qui pourraient devenir éligibles pour le Japon dans quelques années. Enfin, la catégorie C, ce sont les joueurs qui ont déjà porté le maillot d’une autre sélection nationale : ceux-là sont limités à trois dans les effectifs des clubs de League One et il ne peut donc pas y en avoir plus de trois par feuille de match. C’est assez drastique.
Aimeriez-vous attirer des joueurs français ?
Pourquoi pas ? Oui, ce serait bien. Je sais qu’en France, les joueurs disputent beaucoup de matches. Combien ? 26, c’est ça ? Plus la phase finale ? Wouah ! ça fait beaucoup de matches en plus de la Coupe d’Europe et des test-matches. C’est dur ! Ici, nous offrons un Championnat resserré, qui court de janvier à fin mai. Bon, c’est trop court pour faire des bénéfices (rire), il faut qu’on réfléchisse à l’étendre un peu. Mon idée est de débuter en novembre jusqu’à fin mai-début juin.
Vous considérez-vous en concurrence avec le Top 14 pour attirer les meilleurs joueurs ?
Je ne pense pas. Il y a de la place pour tout le monde, je pense qu’on doit au contraire travailler main dans la main pour faire grandir le rugby tous ensemble au niveau mondial, car ça reste un sport non pas mineur mais de niche. En ce moment, l’hémisphère sud a des difficultés financières et c’est vrai que nous pouvons attirer des joueurs australiens, néo-zélandais et sud-africains dans de bonnes conditions. Mais vous aussi en France, vous êtes attractifs ! »

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