En 1991 se tenait la première Coupe du monde féminine de rugby. Les Bleues d’alors se souviennent, à l’heure où la neuvième édition s’élance.
Les souvenirs s’embrument parfois, mais la force du symbole reste vivace alors que la neuvième Coupe du monde féminine va s’élancer en Nouvelle-Zélande (8 octobre-12 novembre). Il y a trente et un ans, 26 joueuses françaises avaient traversé la Manche pour participer à la première édition dans un format ramassé sur huit jours et avec un encadrement minimal (deux entraîneurs, une cheffe de délégation, un docteur et un kiné). Rallier le pays de Galles était déjà une victoire en soi. « On n’a su qu’après qu’on avait failli ne pas partir, pose Annick Hayraud, à l’époque demi d’ouverture et aujourd’hui manager du XV tricolore qui démarre son Mondial samedi face à l’Afrique du Sud. Il y avait très peu de moyens et le voyage était cher. »
La France avait rejoint la liste des engagés (12 au total) « au tout dernier moment », « grâce à l’insistance » de l’entraîneure Marie-Céline Bernard, se souvient Wanda Noury, qui occupait les fonctions de cheffe de matériel, de délégation et manager. Pour toutes les nations participantes, c’était le règne de l’improvisation la plus totale. « Le système D ni plus ni moins, insiste Annick Hayraud. Très peu de dotations, des petits bâtiments au sein d’un campus universitaire et je ne vous parle même pas de la nourriture ! » Avant le départ, les joueuses étaient montées à Paris récupérer un survêtement, une jupe grise « qui arrivait au-dessus du genou » et un foulard Pierre Cardin. « Il était moche, mais je me souviens m’être dit que c’était la classe », se marre l’ancienne troisième ligne Myriam Cargnelutti.
L’URSS était venue avec des cartons de caviar et ses joueuses en vendaient partout en ville pour payer les chambres d’hôtel
En observant les autres sélections, les Françaises s’étaient vite rendu compte qu’elles étaient « quand même chanceuses » que la Fédération (FFR) ait tout payé, resitue Wanda Noury, toujours en poste au sein de l’instance : « L’URSS était venue avec des cartons de caviar et ses joueuses en vendaient partout en ville pour payer les chambres d’hôtel. Les Américaines avaient lavé des voitures pendant des mois afin de se payer le voyage. » Pour les Bleues, il avait toutefois fallu poser des vacances ou faire accepter un congé sans solde par les employeurs.
La cérémonie d’ouverture avait été trompeuse. « Il y avait beaucoup de monde et j’avais l’impression qu’on nous observait comme des bêtes de foire, rembobine Myriam Cargnelutti. Mais lorsque les matches ont commencé… » La foule avait disparu et les stades champêtres de cette compétition confidentielle étaient apparus. Troisième ligne en 1991 et ex-entraîneure des Bleues (2009-2014), Nathalie Amiel se souvient de matches « avec comme supporters le gardien du stade et les autres équipes qui se changeaient avant ou après le leur ». Quant aux terrains, « on n’avait pas les meilleurs, ça va de soi », avoue Annick Hayraud.
On n’avait pas les meilleurs terrains, ça va de soi
Lors de la première rencontre, les Bleues avaient étrillé les Japonaises 82 à 0 ! « Elles étaient fans de nous, nous avions bien sympathisé », glisse Nathalie Amiel à propos de leurs voisines sur le campus. Prévu et très attendu, l’échange de maillots n’avait pourtant pas pu avoir lieu, leurs adversaires n’en ayant qu’un seul jeu pour toute la compétition. Après un deuxième match maîtrisé face à la Suède (37-0), le parcours tricolore s’était arrêté en demie contre les Anglaises (0-13), défaites en finale par les Américaines. « Et la compétition aurait pu s’arrêter là » (Amiel), l’organisation n’ayant pas prévu de match pour la troisième place. Les Françaises avaient insisté. Et s’étaient finalement offert la Nouvelle-Zélande, « 6-0 » selon deux joueuses, « 3-0 » selon une autre et Wikipédia. « Je suis rentrée chez moi en me disant que j’avais battu les Black Ferns, s’émerveille encore Myriam Cargnelutti. Et ça, c’était fou. »
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