Souvent, les adversaires du Racing 92 ne cachent pas leur aversion pour l’Arena, cette salle et son terrain synthétique. Ce n’est pas le cas de l’ailier rochelais Teddy Thomas, qui retrouvera avec bonheur cette enceinte qui fut la sienne ces dernières années. Parce qu’il y croisera un club et des coéquipiers qu’il connaît par cœur, après huit saisons passées entre Colombe, Paris et Nanterre. Mais aussi car il entretient un très bon rapport avec l’enceinte si particulière des Ciel et Blanc.
« N’importe quelle personne dira que c’est chiant mais nous, on…
« N’importe quelle personne dira que c’est chiant mais nous, on y jouait tous les week-ends et j’y ai passé de très bons moments dans un climat idéal, avec une pelouse et un jeu qui vont super vite, s’enthousiasme le trois-quarts maritime. Jacky Lorenzetti (le président du Racing, NDLR) a investi pour nous mettre dans un cocon unique au monde dans le rugby, ça a été un réel kif de jouer là-bas. »
« Kif ». Ce mot rythme sans cesse les phrases réfléchies et bien pesées de Teddy Thomas. Et illustre la passion que porte l’ailier de 29 ans au rugby, qu’il a découvert à Biarritz, où il est né en 1993 : « Ballon en main, c’est toujours le même plaisir que quand j’étais enfant. Les défenses évoluent, oui, mais ça veut dire que toi aussi tu dois évoluer et trouver des solutions. Et plus c’est dur, mieux c’est. Quand personne ne s’attend à ce que tu crées quelque chose, c’est encore plus valorisant et kiffant. Même si c’est plus compliqué maintenant pour voir les ballons arriver sur l’aile et si c’est à moi d’aller les chercher, de provoquer. »
Dans un univers désormais très cadré, professionnel – souvent synonyme de lisse –, on l’imagine difficilement courir avec la même légèreté. « Souvent, on oublie que le rugby est un jeu avant d’être un métier, on prend l’habitude de banaliser ça par rapport aux aspects financiers, aux résultats qu’il faut absolument avoir, abonde l’international (28 capes). C’est aussi pour ça qu’on aime le professionnalisme, mais c’est sûr qu’à certains moments, on oublie que c’est uniquement un jeu et qu’il y a beaucoup plus grave dans la vie que de perdre un match, faire un en-avant ou manquer un essai. »
Il parle d’expérience, lui qui est particulièrement visé par les critiques lorsqu’il rate un geste, en particulier défensif. Alors qu’en 14 matchs avec La Rochelle, ses « errements » se comptent sur les doigts d’une main. « Mon écart entre mon investissement en attaque et en défense est tel que les gens pensent que je suis une catastrophe dans ce secteur. Si c’était le cas, je pense que je ne jouerais plus à ce niveau. Vu mon physique, le fait que je marque des essais extravagants, les gens voudraient que j’inflige des cartouches tous les week-ends, souffle le Basque. Mais tant que je ne coûte pas deux essais à chaque match… »
Teddy Thomas est surtout un amateur de jeu quand certains ne voient en lui qu’un partisan du « je ». Encombrante dichotomie. « Je me dirigerai vers un rôle d’acteur après, plaisante-t-il amèrement tant certains se font des films au moindre de ses gestes. Il ne me tarde pas de prendre ma retraite, mais d’être retiré de cette lumière posée sur moi, d’être anonyme, de pouvoir faire ce dont j’ai envie à n’importe quel moment. Je ne sais pas pourquoi on me porte autant d’attention, positive ou négative, pourquoi on m’aime autant qu’on me déteste. Par exemple, je vais sourire à un ramasseur de balle, comme je le fais tout le temps parce que quand j’étais à leur place, c’était un kif de voir un pro me regarder dans les yeux ; il y aura des commentaires pour dire que je manque de respect, que je suis nonchalant. Non, je suis juste un mec qui kiffe sa vie… »
Plus que la pelouse d’Aguilera à Biarritz – « elle était catastrophique et elle l’est toujours, malheureusement. Jusqu’à ce que je devienne président de ce club, parce qu’il faut faire quelque chose », rit-il – Teddy Thomas a donc adoré jouer sur le terrain de la Défense Arena, un espace conçu pour le spectacle, tout sauf antinomique avec le rugby selon lui. « Mais si on met ce plaisir dans la balance avec celui de jouer dans un Deflandre à guichets fermés, je choisis Deflandre », tranche le n° 14 de La Rochelle.
« À Paris, malheureusement, le rugby ne prend pas trop. Je voulais retrouver de l’effervescence, ce que j’avais connu à Biarritz… c’est un kif de jouer dans un stade plein tous les week-ends, qu’il vente ou qu’il pleuve comme contre l’Ulster, ou qu’il fasse beau, complète le Basque. Ça a énormément fait pencher la balance dans mon choix car j’aime transmettre des émotions aux gens, les faire kiffer et je savais que j’allais trouver un public qui allait répondre présent. Ça fait vraiment la différence. Je n’ai jamais vu ça, même si je n’ai évolué que dans deux clubs avant, c’est incroyable. Chaque week-end est un plaisir. À nous de les rendre fiers, de leur rendre ce qu’ils nous donnent. »
En Charente-Maritime, le Rochelais a aussi retrouvé l’océan, la joie d’arpenter la côte et d’aller à l’eau sur sa planche : « Le surf est vraiment un truc qui me manquait, je suis content de retrouver ça, de pouvoir me changer les idées à certains moments. C’est vraiment reposant. C’était mon premier sport avant d’aller au rugby, ça a toujours fait partie de ma vie de surfer, d’aller à la plage. C’est une partie de mon équilibre qui m’avait manqué à Paris même si je me mettais à l’eau quand je revenais à Biarritz. Là, je peux y aller régulièrement, j’espère que mon niveau va augmenter (sourire). » La confirmation que chez Teddy Thomas, plaisir et performance vont toujours de pair.