Emak Hor, ça veut dire « Donnez tout ! » en basque. Une fois la traduction faite, vous savez déjà beaucoup de choses de cette entente entre Arcangues et Bassussarry. Après un premier titre glané en Première série en 2018, les joueurs de l’équipe senior ont décroché le titre de champion de France de Promotion honneur face à Maubourguet (13-12), le 26 juin dernier. En tout, ce sont trois boucliers – départemental, régional et donc national – qui ont fait la tournée des deux villages représentés par ce maillot rouge et vert.
« Il y a longtemps, il n’y avait qu’Arcangues, raconte Marc Unhassobiscay, entraîneur des trois-quarts et ancien joueur du club. Mais comme le terrain est à cheval sur les deux communes et que Bassussarry participait aussi à son entretien, le nom du village a été ajouté. » Un terreau d’histoires comme le sport peut souvent offrir.
C’est surtout une histoire d’hommes qui se tisse du premier au deuxième titre. Du lancement du projet jusqu’au moment où les sourires sont aussi larges que les bras pour porter le bouclier. En 2018, Joël Blaison (39 ans) et Éric Fernandez (40 ans), deux joueurs historiques d’Anglet (AORC), vivent leur dernière saison de joueur sous le maillot d’Emak Hor. Pour ce dernier, passé par Ustaritz, les juniors du Biarritz Olympique, Mouguerre et treize saisons à Anglet, c’est le moment de devenir entraîneur. Marc Unhassobiscay (48 ans), enfant du cru et entraîneur des lignes arrières, lui propose de coacher les avants. « L’idée était de monter une équipe sur plusieurs saisons, détaille Unhassobiscay. Petit à petit, on ferait revenir des joueurs du club partis évoluer à un meilleur niveau. Certains avaient vu leurs copains être sacrés, ça pouvait leur donner envie de le vivre aussi ».
Éric saute le pas. « Marc avait des noms de joueurs en tête, se souvient-il. Ils sont entre six et sept à être revenus s’ajouter à un socle de joueurs du club déjà bons. »
Certains ont tout de même été un peu plus durs à convaincre. Le centre Yon Azpeitia, par exemple. « Par message, je l’encourage à faire un sac et venir au moins une fois, un mercredi soir », raconte Éric. Réponse de l’intéressé : « Je n’ai pas de sac ». Fernandez insiste : « Prends une poche Carrefour ! Il me rétorque qu’il va pleuvoir tout le temps, je lui lance qu’il fera beau. Bon, il a quasiment toujours plu mais il est venu, il a trimbalé cette poche toute la saison et on a été champion ! », savoure encore celui qui a conclu sa carrière d’entraîneur sur un bouclier. Il était pourtant censé laisser la main à Joël Blaison un an avant. « Je ne me sentais pas de prendre le truc d’un coup, comme ça, explique Joël. Donc j’ai proposé à Éric qu’on le fasse ensemble ». Pas sûr qu’il y ait beaucoup de coach à démarrer sur un titre !
Le succès de ses retrouvailles entre copains se dessine au fil des victoires en championnat. Les 18 matchs de poule sont gagnés sauf un match nul chez le second, Arudy (22-22). « L’arrière Jérôme Bainçonau avait manqué la pénalité de la gagne là-bas, se souvient Marc. Il m’avait dit que la prochaine, il ne la manquerait pas. En finale nationale, il a de nouveau l’opportunité. Il ramasse le ballon, se place dans le coin en souriant et la transforme. Il savait qu’il allait la mettre ». Marc farfouille alors dans son téléphone et montre la vidéo qui a capturé l’instant.
Joël a lui aussi marqué la finale par une initiative à l’échauffement. « Il n’est pas très bavard mais il a toujours la bonne idée au bon moment, assure Éric. Juste avant de rentrer aux vestiaires, il a dit aux gars de faire le tour en passant devant la tribune où étaient massés tous les supporters du club. Ça leur a filé une dose d’adrénaline et de motivation incroyable ».
Comme pour chaque événement qui marque une vie, en reparler fait tout de suite remonter beaucoup de choses. « Pff, les conditions de cette finale étaient catastrophiques, enchaîne Éric. Le bus est en panne, on arrive en retard, le match est décalé… Ah, et il pleuvait alors qu’on venait d’enchaîner des phases finales sous 40 degrés… On est globalement dominé par Maubourguet mais dans les dix dernières minutes, on a fait 51 passes sans faire tomber le ballon. Certains avants, pas forcément les plus adroits du championnat, réussissent tout. On aurait dit que c’était écrit. Il y a 12-6 et on marque dans les arrêts de jeu mais en coin (12-11). Avec Joël, quand on voit ça, on baisse la tête, on se dit que c’est fini. Mais à côté, il y a Marc. Serein, il nous dit que le buteur va la mettre. Je crois que dans le staff aussi, on s’est bien complété ».
Le premier titre de 2018 avait des gros accents de résilience et d’hommage aux deux figures du club décédées quelques mois auparavant, l’entraîneur Antton Mimiague et le joueur Jakes Aguerre. Celui de 2022 est une nouvelle page, toujours entre copains, mais un peu moins chargé émotionnellement.
Côté entraîneur, chacun y a trouvé sa joie. Notamment Marc qui n’avait jamais gagné avec son club de cœur : « Mon père et les anciens parlaient souvent de la finale perdue en 1983… Maintenant, c’est bon ! Il faut aussi parler de la parfaite entente entre les nouveaux et anciens dirigeants. Aujourd’hui, sur le terrain, l’histoire continue avec douze juniors qui sont montés en équipe première ». Arcangues et Bassussarry avaient évidemment fêté comme il se doit leurs héros 2022. Qu’ils se préparent peut-être pour 2023 : le club est actuellement deuxième de Régionale 1.