Dans la zone d’interview du Stade de France, Zach Mercer a échangé une accolade avec Pierre-Henry Broncan, expliquant que l’entraîneur de Castres avait changé sa carrière. Les deux hommes se sont connus à Bath et le coach tarnais l’a conseillé quand le numéro 8 anglais a choisi de relancer sa carrière en France. Arrivé à Montpellier cet été, Mercer s’est intégré rapidement dans l’effectif héraultais où ses qualités offensives ont changé le visage des champions de France. Meilleur avant de la finale, ce fils (24 ans) d’international treiziste ne regrette pas son choix même s’il le prive pour l’instant de la possibilité de jouer avec l’Angleterre.
Devenir champion de France pour votre première saison…
Devenir champion de France pour votre première saison en Top 14, c’est un scénario de rêve. Est-ce que vous réalisez ?
Oui, c’est dingue. Il va me falloir un moment pour réaliser ce que nous avons réussi avec ce groupe. C’est exceptionnel. Reposez-moi la question dans une semaine. Quand je suis arrivé en France, je pensais que la Coupe d’Europe était le trophée le plus important et puis j’ai compris que ce titre représentait et notamment pour les gars comme Guilhem (Guirado) Fufu (Ouedraogo), Kylian (Galletier) qui mettent un terme à leur carrière, pour Benoît (Paillaugue) qui quitte le club. Je ne les remercierai jamais assez pour la manière dont ils m’ont aidé à trouver mes marques.
À quoi avez-vous pensé quand vous avez mené 17 à 0 après moins d’un quart d’heure de jeu ?
Que c’était possiblement dangereux. Toulouse était un peu dans la même position la semaine dernière. C’est ce que j’ai dit à Guilhem quand nous sommes réunis en cercle : il faut qu’on « switche » tout de suite. C’est à la fois une situation dans laquelle vous désirez être et en même temps, vous passez de la position de chasseur à chassé. Mais ces vingt premières minutes ont été très bonnes, c’est sans doute notre meilleure entame de match de la saison. J’ai vraiment aimé la façon dont nous avons abordé la demi-finale et la finale en outsiders pour finir avec le trophée.
Vous êtes sortis indemnes de la très longue séquence défensive que vous ont imposée les Castrais en début de deuxième mi-temps. C’est le deuxième tournant du match ?
Nous savions que les premières minutes de la deuxième mi-temps seraient capitales. Nous les avons empêchés de marquer deux fois alors qu’ils étaient dans l’en-but. On s’est battu, on les a repoussés.
Si nous avions craqué ne serait-ce qu’une fois à ce moment-là, nous aurions pu être en danger. Mais on n’a pas cédé. C’est la défense qui permet de gagner les matches. Cela a été le cas face à Castres comme contre Bordeaux.
Que représente le Bouclier de Brennus pour vous ?
Il va falloir que j’aille m’asseoir à côté de lui dans le vestiaire. Que je le regarde bien avec le nom de Montpellier gravé dessus pour la première fois. Et que je m’offre un moment de réflexion pour mesurer ce que l’équipe a réalisé et ce que j’ai réussi à titre personnel.
Vous envisagez de l’emprunter pour votre mariage la semaine prochaine en Angleterre ?
Je vais peut-être demander la permission. Non, sérieusement, il y a des gars qui le méritent beaucoup plus que moi que comme Guilhem ou comme Fufu qui s’est battu pour ce club pendant je ne sais combien d’années.
Montpellier a donné l’image d’un groupe uni cette saison. Cela n’a pas toujours été le cas dans le passé.
On a commencé par ne gagner que deux matchs et faire un nul lors des sept premières journées et on a eu ce que j’appelle une première réunion de crise. Et puis on a gagné au Racing et on a enchaîné dix victoires de suite. Les liens se sont renforcés. On est devenus des amis.
Mais avant la finale, Philippe Saint-André nous a dit : « les gars si vous remportez cette finale, vous ne serez plus des amis, vous serez les membres d’une même famille. Dans trente ans, vous vous en souviendrez. Comme je l’ai dit, il faut que je prenne la mesure de tout ça mais j’ai définitivement pris la bonne décision en venant en France. Je suis vraiment fier. Je sais que Montpellier avait plutôt une mauvaise réputation. Mais on est en train de changer ça. Il n’y a pas de barrière. Vous savez quand je vais m’asseoir à côté de Mohamed Haouas au petit-déjeuner, il ne parle pas un mot d’anglais mais on se débrouille pour rigoler et se foutre l’un de l’autre. Et c’est ce que ce groupe a construit et le mérite en revient à Philippe (Saint-André). On sera là l’an prochain pour jouer dans la cour des grands.
Quel rôle a joué Philippe Saint-André dans votre réussite ?
Il est venu me chercher. Il croyait en moi. Il a dit au président. Il m’a donné sa confiance. Je ne saurai trop le remercier. Quand je vois sa réaction au coup de sifflet final, je réalise ce que ce titre représente pour lui. L’an passé le club luttait pour éviter la relégation. Cette année, nous sommes allés en quart de finale de Coupe d’Europe et nous avons remporté le Top 14. Même si nous allons perdre des joueurs. Philippe est un mec intelligent. Il m’a dit : « Zach, on sait que ce que tu peux nous apporter ». Que ce soit Philippe, Jean-Ba (Elissalde) ou Z (Azam). Ils me laissent faire ce que je sais faire.
Après six années passées à Bath, quelles comparaisons faites-vous avec le championnat de France ?
Le rugby français est vraiment brutal. Quel que soit votre adversaire, c’est dur. Même si vous jouez à Biarritz, si vous n’êtes pas prêts, vous vous faites maltraiter physiquement. J’ai joué 33 matches cette saison. Vous ne verriez jamais ça en Angleterre. C’est dur pour le corps. Mais j’ai adoré. Comment ne pas adorer ça quand vous voyez une ambiance comme ce soir ? C’est marrant parce qu’il y a six mois, je disais à ma copine que je n’avais jamais rien gagné alors devenir champion de France pour la première fois de l’histoire de Montpellier, c’est assez spécial.
Eddie Jones est venu vous voir récemment. Est-ce que vous avez renoncé à l’équipe d’Angleterre ?
J’ai effectivement rencontré Eddie avant les finales de Coupe d’Europe à Marseille. J’ai été honnête avec lui. Je lui ai dit que j’étais bien à Montpellier. Que j’étais ici pour gagner des trophées et grandir en tant que joueur. Je n’ai pas renoncé à mes ambitions internationales mais je ne peux pas jouer pour l’Angleterre pour le moment puisque je suis en France. J’ai fait ce sacrifice.