FOOTBALL C’est la première fois de l’histoire que l’équipe de France et l’Angleterre vont s’affronter dans un match de Coupe du monde à élimination directe
De notre envoyé spécial à Doha,
Etrange sensation que ce manque d’engouement qui nous traverse à l’heure d’écrire ces lignes, à quelques heures pourtant d’un quart de finale de Coupe du monde alléchant au possible. D’un côté une équipe de France et son roi Kylian, déjà prête à nous faire de nouveau rêver, quatre ans seulement après la bamboche de Russie. De l’autre une Angleterre longtemps chiante comme la pluie à regarder mais qui ces dernières années a finalement décidé de se faire belle pour le bal. Serait-ce la fatigue qui commence à se faire sentir après un Mondial sans préparation, calé au beau milieu de la saison ? Un peu, sûrement. Serait-ce aussi la faute à cette attente interminable, ces six jours de vide qui ont séparé la qualif face à la Pologne du choc de samedi ? Possible aussi.
Mais il faut surtout y voir quelque chose de plus profond, comme l’inévitable conséquence d’une rivalité franco-anglaise orpheline de marqueurs historiques forts, comme ont pu l’être le France-RFA de 82 à Séville ou le France-Italie de 2006 à Berlin. Des matchs couperets, intenses, irrespirables, qui gravent dans le marbre une rivalité pour des siècles et des siècles. Face aux Anglais, rien de tout ça. Finalement, il faut davantage faire appel à nos souvenirs de cours d’histoire au collège et remonter à Jeanne d’Arc ou à ce vil Amiral Nelson pour trouver de bonnes raisons d’avoir envie d’en découdre avec la « perfide Albion ». Saluons tout de même le bel effort du Sun, qui s’est saigné vendredi pour financer une campagne de pub retentissante dans les rues de Paris et nous chambrer, nous, nos fils et nos compagnes, sous nos fenêtres. Ces gens-là n’ont jamais entendu parler du karma ou quoi ?
Quand on lui demande ce que représentait pour lui la rivalité franco-anglaise, Youssouf Fofana répond qu’elle est avant tout « géographique ». « C’est un peu nos voisins », ajoute-t-il. Quel entrain ! Heureusement que Darren Tulett est là pour pimper un peu tout ça. « Les deux derniers souvenirs de confrontation entre nos deux pays en Coupe du monde, ça avait plutôt bien tourné pour nous, se plaît à rappeler le journaliste anglais de beIN Sport, depuis Doha. En 1982 on gagne 3-1, en 1966 on gagne 2-0 et on remporte le tournoi derrière, peut-être que c’est bon signe pour l’Angleterre. En même temps vous pouvez me répondre qu’en 1966 personne n’était en vie et que, depuis, vous avez remporté la Coupe du monde par deux fois. C’est vrai. D’autant que ces matchs-là avaient eu lieu en phase de poule, l’enjeu n’était pas le même ».
Si « frogs » et « rosbifs » aiment à se titiller culturellement, cela n’a malheureusement jamais vraiment gagné le terrain de football. A l’inverse du Crunch au rugby qui attise les passions et réveille en nous d’irrépressibles envies de bourre-pif. Interrogé sur ce point, l’ancien joueur du XV de France Philippe Bernat-Salles ne peut que hocher la tête. « La rivalité en foot n’est clairement pas aussi intense qu’en rugby. Pour nous, Français, quand le Crunch arrive lors du Tournoi des VI Nations, c’est toujours un moment particulier. On a toujours envie de les battre, ça fait partie de l’histoire de notre sport. » Un antagonisme forgé à coups de crachats, d’insultes, de bastons mémorables et de remontées fantastiques, au cours des 109 affrontements entre les deux pays depuis plus d’un siècle. A côté, le foot ne boxe clairement pas dans la même catégorie.
Mais bon, on prend quand même. « Quel que soit le sport, un France-Angleterre reste un France-Angleterre. Il y a toujours un parfum particulier », rappelle l’ancien ailier du Biarritz Olympique. Et si cette affiche de ballon rond est moins cotée qu’à l’ovale, elle a au moins pour elle la préciosité de la rareté ces dernières années. C’est ce qui fait dire à Darren Tulett que ce France-Angleterre de samedi a plus de saveur qu’on veut bien le dire. « On est tellement habitué à se jouer lors du tournoi des VI Nations que ce n’est même plus un événement, c’est plus une habitude, donc forcément ça nous émeut un peu moins. Alors que là, déjà que c’est rare qu’on se rencontre en Coupe du monde, mais c’est carrément la première fois qu’on va se jouer dans un match à élimination directe. » Les poils se hérissent, l’argument fait son petit effet.
Au fond, si cette opposition n’allume pas en nous la même flamme que face aux Italiens, aux Espagnols ou aux Allemands, qu’on aime détester autant qu’ils nous détestent, le temps de 90 ou 120 minutes, c’est aussi parce que l’histoire footballistique franco-anglaise tient plus, comme l’expliquait sur la chaîne L’Equipe l’historien du sport François Da Rocha Carneiro, de « l’entente cordiale » chère aux relations diplomatiques entre nos deux pays. « Il y a l’idée d’une amitié entre ces deux pays à des moments forts de l’histoire moderne. On peut penser notamment à 1945, alors que la guerre vient de se terminer en Europe : le premier match des Bleus, c’est symboliquement en Angleterre qu’ils le jouent, dans le mythique stade de Wembley, devant 80.000 personnes. L’Angleterre, tout en étant un adversaire privilégié, celui qu’on a le plus rencontré dans notre histoire, ce n’est pas un ennemi, ça n’arrive jamais à être un ennemi ».
Hasard de la grande (et triste) histoire, c’est encore à Wembley que les Bleus se déplacent en 2015 quelques jours après les attentats du 13 novembre. Comment oublier l’accueil réservé par le public anglais, dans un stade de Wembley illuminé aux couleurs du drapeau tricolore, avec cette Marseillaise entonnée avec beaucoup de cœur par les 80.000 spectateurs. « J’étais au stade ce soir-là, c’était un moment d’une force incroyable, explique Darren Tulett. On se dit que malgré toutes les chamailleries, on est capable de s’aimer et de s’unir dans les moments graves. J’ai des frissons rien que d’y repenser. » Deux ans plus tard, on leur rendait le câlin dans un stade de France aux couleurs du drapeau anglais, dix jours après de nouvelles attaques terroristes perpétrées à Londres.
Vue de France, les Three Lions inspirent finalement une sorte de sympathie, pour ne pas dire de compassion, qui tient beaucoup à leur niveau international que l’on qualifiera au mieux de faiblard ces trente dernières années. Comme ce fut leur cas à notre égard à la fin des années 1970, si l’on en croit notre confrère anglais de beIN. « Quand j’étais petit, on avait l’habitude d’avoir de la sympathie pour vous car vous jouiez bien mais ne gagniez jamais, donc c’était une position assez facile pour nous. Après, c’est devenu plus compliqué à partir de 98 (rires) ». Pour les derniers souvenirs un tant soit peu marquants en compétitions officielles (et pas trop éloignés dans le temps), citons ce France-Angleterre à l’Euro 2004 qui verra les Bleus s’imposer sur deux coups de pied de Zidane dans les arrêts de jeu après avoir longtemps été mené 1-0. Un souvenir cauchemardesque pour l’ancien de L’Equipe du Dimanche sur Canal+.
🇫🇷 Zinedine Zidane… France vs. Angleterre il y a 18 ans! 🔥pic.twitter.com/w3dpbv9sZk
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« J’étais à Lisbonne ce soir-là et, en plus de la victoire totalement imméritée des Français, je me suis retrouvé à faire le traducteur de Jacques Santini en conférence de presse puisqu’il n’y avait pas de traducteur officiel, se remémore-t-il non sans peine. Comme j’étais au premier rang et qu’il me connaissait un peu, il m’a demandé de montrer sur scène. Je viens de subir une horrible défaite contre les Bleus et je dois en plus traduire la joie de Santini devant la presse du monde entier ! Sans compter qu’en zone mixte tous les joueurs français sont venus me chambrer. C’était une soirée horrible que je ne veux plus jamais revivre. » Si l’on ne souhaite rien de tout cela au plus français des journalistes british, espérons simplement que ce match accouche d’un scénario inoubliable qu’on racontera à nos petits-enfants au coin du feu les soirs de coupure de courant, pour qu’enfin naisse une rivalité franco-anglaise digne de ce nom. Il n’est jamais trop tard pour ce genre de plaisirs.
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