Johnny Dyer fait partie de ces joueurs insaisissables. Dans la lumière les soirs de matchs, notamment lors de ces innombrables grattages, le trentenaire se préfère à l’ombre du collectif et du vestiaire, avec souvent le sentiment du devoir accompli, sans en demander plus. Sa grande timidité et son humilité à toute épreuve le lui interdisent sûrement.
Depuis deux saisons et tout en discrétion, le troisième ligne reconverti en deuxième ligne (1,90 m, 112 kg) est devenu un indéboulonnable du XV biarrot. Avec 78 minutes de jeu en moyenne depuis le début de la saison et près de 70 sur les…
Depuis deux saisons et tout en discrétion, le troisième ligne reconverti en deuxième ligne (1,90 m, 112 kg) est devenu un indéboulonnable du XV biarrot. Avec 78 minutes de jeu en moyenne depuis le début de la saison et près de 70 sur les deux saisons précédentes dont une en Top 14, il est l’un des premiers noms couchés sur la feuille en fin de semaine. « C’est quelqu’un qui peut influer sur le match », disait de lui l’entraîneur des avants Shaun Sowerby, il y a un peu plus d’un an. Ça n’a pas beaucoup changé depuis. « Il est très important pour nous, abonde Roger Ripoll, coach de la mêlée. Il fait beaucoup d’efforts, donne beaucoup de lui pour le collectif et se fond dedans, ce qui est primordial pour nous ». Et le sera encore sûrement ce vendredi, face à des Agenais très efficaces à l’extérieur (deux victoires à Rouen et Provence Rugby).
Les chiffres sont éloquents. L’international fidjien (4 sélections) a terminé premier gratteur de Top 14 avec pas moins de 41 ballons arrachés. Loin, très loin devant le Rochelais Pierre Bourgarit (22), le capitaine briviste Saïd Hirèche (19) et son ancien coéquipier Steffon Armitage (18). Avec déjà 12 munitions subtilisées, il est évidemment toujours en tête cette saison, devant son compatriote et joueur d’Angoulême, Sikeli Nabou (8).
« Ça fait partie de mon jeu. Je l’ai beaucoup travaillé étant jeune, après avoir regardé les anciens à la télé comme Dusautoir (Thierry), Pocock (David) et évidemment Richie McCaw, car le grattage fait partie des critères pour être un bon troisième ligne. Mon préféré, c’était Juan Smith (troisième ligne international sud-africain aux 70 sélections NDLR). Il était complet, techniquement, tactiquement… », se souvient l’ex-joueur du Racing 92 dans un léger sourire.
Il y a peut-être quelque chose de rassurant pour les adversaires à se dire que cette facilité n’est pas que le fruit d’un don. Même si le manager du Biarritz Olympique, Matthew Clarkin, croit beaucoup à la part d’inné : « Honnêtement, c’est en lui. Il a le gabarit parfait et le mental pour contester le ballon, il est bâti pour ». Le travail pour le staff et son joueur réside désormais dans le tri des actions : « Techniquement, on n’apprend rien à Johnny, détaille Ripoll. On passe plutôt du temps à lui dire qu’il doit sentir quand il faut continuer ou s’arrêter, pour ne pas se faire sanctionner par l’arbitre ».
Ne prolongeons pas le suspense, Dyer ne révélera pas ses secrets au moment d’expliquer ce qu’est le grattage parfait. « Il faut être plus bas sur ses appuis que celui qui vient aussi contester, et garder les épaules bien larges. C’est un geste que je fais maintenant instinctivement et que, parfois, j’aime bien réaliser », se contentera-t-il de dire. Ça donne envie d’essayer dans le jardin tellement ça semble simple. Puis on repense à ses solides gaillards qu’il faut prendre sur le râble…
C’est justement l’engagement total que cette tâche, et le rugby en général, demandent qui plaît surtout à Johnny Dyer. « Si tu sors sans courbature, c’est que tu n’as pas tout donné sur le terrain. Si c’est le cas, une fois rentré chez moi, je ne me sentirai pas bien. Cet effort total, c’est comme une récompense. Si tu n’as plus d’énergie, même si l’équipe a perdu, tu peux au moins être en paix avec toi-même », philosophe-t-il, le regard toujours un peu fuyant.
Cette forme de générosité sportive vient aussi des épreuves de la vie. Celle de Johnny a connu le travail dans une mine d’or étant jeune, l’éloignement de son île natale puis la séparation de sa femme et de ses deux enfants de 4 et 6 ans pendant la pandémie. « C’est une inquiétude et de la fatigue en moins qu’ils soient avec moi aujourd’hui. Je me levais tôt ou couchais tard pour les avoir au téléphone à cause du décalage horaire », rembobine celui qui se plaît bien dans l’environnement et le climat biarrot, même s’il garde souvent son lycra à l’entraînement en plein soleil.
« C’est grâce à mon travail et à Dieu que je suis ici, confesse le pieux deuxième ligne. Je suis redevable au rugby, c’est grâce à ce jeu que j’ai pu autant voyager et avoir cette vie aujourd’hui. À chaque échauffement, j’y repense, ça me motive pour le match. Il faut toujours redonner au jeu ce qu’il t’a offert », conclut-il dans un “merci” qui signifie aussi qu’il en a assez dit. La prochaine fois sera peut-être en français, « Ma fille me fait les leçons ».

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