C’est une affaire financière qui secoue les piliers du rubgy tricolore depuis cinq années, et qui se poursuit à moins d’un an de la Coupe du monde organisée dans l’Hexagone (8 septembre au 28 octobre 2023). A l’issue d’un réquisitoire de près de quatre heures, trois ans de prison, dont une année ferme, ont été requis ce mardi contre Bernard Laporte et Mohed Altrad.
Le président de la Fédération français de rugby (FFR) et celui du MHR, également sponsor maillot de l’équipe de France, sont jugés depuis près de deux semaines devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Les deux dirigeants sont soupçonnés d’avoir noué ensemble un “pacte de corruption” en 2017. Les prévenus, qui contestent les faits, “ont abimé la probité entourant le rugby français”, a justifié le procureur financier du Parquet national financier (PNF), François-Xavier Dulin.
L’accusation a en outre appelé le tribunal correctionnel à interdire avec effet immédiat, et ce pendant deux ans, à Laporte d’exercer toute fonction dans le rugby et à Altrad de gérer une société commerciale. Le parquet a également requis contre Bernard Laporte 50.000 euros d’amende et deux ans interdiction de gérer une société commerciale. Pour Mohed Altrad, 200.000 euros d’amende et deux ans d’exercer toute fonction même bénévole en lien avec le rugby ont été requis. Si le tribunal suit les réquisitions du parquet, Laporte devra quitter ses fonctions de président de la FFR.
Selon les procureurs, l’homme fort de l’ovalie aurait, en contrepartie du versement de 180.000 euros en mars 2017, rendu une série d’arbitrages favorables au groupe Altrad – dont l’octroi du sponsoring maillot du XV de France – avec qui il avait noué un contrat d’image “secret” qui s’est traduit par le versement sans contrepartie des 180.000 euros.
Ce contrat constitue le “péché originel”, a estimé l’autre procureure financière, Céline Guillet, énumérant des “conditions de négociation obscures” et un “montant inhabituel” de rémunération et rappelant que Bernard Laporte n’aura exécuté aucune des prestations listées dans cette convention.
Selon la procureure, le patron du rugby français aura en revanche effectué des “interventions atypiques” et “problématiques” au profit des intérêts d’Altrad, de son groupe et de son club de rugby de Montpellier (MHR), dont il est le président. “Bernard Laporte a été aveuglé par ses intérêts privés au sein du groupe Altrad”, a renchéri M. Dulin.
L’accusation a notamment retenu l’intervention, fin juin 2017, de Bernard Laporte auprès de la commission d’appel de la FFR, statutairement indépendante, qui aurait eu pour effet d’alléger des sanctions disciplinaires infligées au MHR. Les “principes cardinaux du sport” ont alors été bafoués, selon M. Dulin. Les procureurs ont aussi dénoncé les conditions d’octroi du sponsoring maillot du XV de France au groupe Altrad, pour 6,8 millions d’euros par an, qui n’aurait pas donné lieu à “une procédure impartiale”. “On a compris que la charte de déontologie (de la FFR) n’était pas le livre de chevet de M. Laporte”, a cinglé Mme Guillet.
Deux ans de prison, dont un avec sursis, ont par ailleurs été requis contre Claude Atcher, récemment démis de ses fonctions de directeur de l’organisation du Mondial 2023, qui est soupçonné d’avoir perçu des sommes injustifiées de la part de la FFR en marge de l’attribution de cette compétition à la France. Serge Simon, vice-président de la Fédération, a vu le parquet requérir à son encontre un an de prison, dont six mois avec sursis (et 10.000 euros d’amende) pour prise illégale d’intérêts.
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