Rédaction Media365, publié le jeudi 19 janvier 2023 à 19h51
Nommé nouvel entraîneur de Clermont suite au départ de Jono Gibbes, démis de ses fonctions et auquel l’ancien manager de l’UBB a d’ailleurs rendu hommage, Christophe Urios a donné ce jeudi en Auvergne sa première conférence de presse. Une intervention savoureuse, dans le pur style du rassembleur Urios, qui rêve de redonner son identité à l’ASM au même titre qu’il fera tout pour lui faire retrouver les sommets. Sans pour autant toucher à ce qu’il est.
Christophe Urios, comment abordez-vous ce nouveau challenge au sein de cette équipe de Clermont qui ne connaît pas un début de saison idyllique ?
La situation, je la connais, elle n’est pas facile à vivre et amène du questionnement. Mais je sais aussi, en tout cas pour ma part, qu’il y a une énorme envie de relever ce défi. Je suis très fier, parce que pour moi, Clermont, l’ASM, Montferrand à l’époque (il sourit), c’est une marque, et il n’y a pas beaucoup de clubs en Top 14 qui représentent une marque à mes yeux. Ca veut dire que Clermont, ce sont des titres, mais aussi une histoire, et celle de Clermont est fantastique. C’est aussi un territoire, et moi le rugby, je l’aime dans les territoires. Pour moi, le rugby, c’est une émotion à partager avec les gens au stade. Le troisième point, c’est de coller à l’identité du club en termes de jeu. Et là, évidemment, il me faudra un peu de temps, mais pas beaucoup, car je vais avoir une intégration expresse. Mais il faudra que je sois capable avec la qualité de ce groupe, en fait.
Vous succédez à Jono Gibbes, remercié par l’ASM comme vous l’aviez vous même été par Bordeaux-Bègles en novembre dernier…
Je ne dis pas ça pour tous les entraîneurs de Top 14, mais j’avais une sensibilité avec Jono. Je prenais du plaisir à discuter avec lui sur le bord des terrains avant les matchs ou parfois après. Je ne le connaissais pas plus que ça, mais j’avais un grand respect pour le mec, le technicien, pour ce qu’il avait fait. Et je sais que ce n’est pas facile. Alors là, j’ai le beau rôle, je fais le beau, mais il y a deux mois, c’était moi hein, donc je sais quel passage tu traverses. Et je pourrais aussi rajouter Xavier Sadourny, que j’avais eu le plaisir d’entraîner et avec qui j’avais aussi une très belle relation. C’est important de le dire, car je le pense sincèrement.
Aviez-vous envie de replonger ?
(Affirmatif) Oh oui ! J’avais été en contact avec d’autres clubs, en novembre-décembre, et franchement, je ne m’en sentais pas capable. Je n’avais pas envie. Moi, ça ne m’était jamais arrivé de me faire débarquer, en 21 ans, et franchement, je comprends ce que voulait dire José Mourinho quand il disait que "l’on devient un bon entraîneur quand on s’est fait viré une première fois". Je ne comprenais pas pourquoi il disait ça, en fait. Je faisais le beau en disant que ça faisait 21 ans que j’étais entraîneur et que je ne m’étais jamais fait débarquer. Mais peut-être que je suis un bon entraîneur maintenant, peut-être… Pour moi, ça a été brutal et rapide, un peu comme ici, mais parfois, tu traverses des périodes où tu es déçu, vexé, tu perds de l’estime, et puis tu as la rage. J’ai rencontré des clubs parce que c’était important que je le fasse et parfois ça m’a mis en questionnement, mais je ne me sentais pas le courage de le faire. En revanche, là, j’ai la rage, je suis prêt.
Pourquoi Clermont et pas un autre club ?
Parce que c’est une marque. Quand je suis parti de Castres en 2019, il y avait trois clubs que j’avais envie d’entraîner, Bordeaux, et ça tombe bien, je l’ai fait l’année dernière. Le deuxième, c’était Clermont, donc quand j’ai eu ces premiers contacts… Clermont fait partie de ces identités fortes du Top 14, énormes. Donc ça me plaisait. L’ambition de Clermont ? C’est la première question que je me suis posées. On m’a vite rassuré.
Cette arrivée est particulière pour vous à plus d’un titre, d’autant qu’au moment où vous parlez, votre groupe est à des milliers de kilomètres de là…
Effectivement, c’est une situation particulière, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, parce que je n’avais jamais pris un groupe en cours de route comme ça. En plus, la semaine va être très courte parce qu’ils (les joueurs) vont arriver lundi et parce que nous allons attaquer le championnat par une déplacement au LOU et que ce sera forcément un moment important. On a déjà fait plusieurs visio-conférences et dès lundi, quand ils arriveront, on fera un rendez-vous beaucoup plus charnel. J’ai besoin de sentir les mecs. Là, je n’ai fait que du visio.
En quoi ce que vous allez mettre en place à Clermont sera-t-il différent de ce que vous aviez mis en place à Castres ou à l’UBB ?
Moi, je ne suis pas quelqu’un qui va faire un copier-coller?. Je ne sais pas faire, ça. Il faut que notre raison d’être correspondant aux gens qui viennent au stade. Après, comment faire ? J’ai ma petite idée, mais après, il va y avoir un fil conducteur, qui est l’état d’esprit. C’est d’être ouvert pour les gens, et disponibles. Et ma première échéance, c’est de mettre une équipe en place pour aller poser des problèmes au LOU. Alors, oui, il y a ce long déplacement, mais ça, c’est mon problème, et je le savais avant de venir.
Comment allez-vous faire pour vous faire adopter par Clermont et les Clermontois ?
Je ne vais pas jouer un rôle, je suis quelqu’un d’authentique. J’aime le club de Clermont, j’aime le public de Clermont, je trouve que c’est la classe. Les gens, ici, sont des gens passionnés, des gens du terroir, et il y a un truc qui me marque chaque fois que je vais à Clermont, ce sont les gens qui courent pour prendre les places là-bas (il montre des places bien précises dans le stade), et souvent ce sont des jeunes, et souvent ce sont des jeunes filles, et ça, c’est l’histoire de Clermont. Après, c’est aussi de rencontre les gens, et ça, j’aime le faire. Moi, je ne manque de respect à personne, surtout pas à l’institution ni aux gens qui sont au-dessus de moi. Après, comme le disait Jean Cocteau, "ce qu’on te reproche, cultive-le, parce que c’est toi". Je suis comme ça, et je ne serai pas un mou demain, mais ce n’est pas ce qu’on attend à Clermont. Je n’ai pas l’attention de faire évoluer ma façon d’être, je suis comme ça, et c’est ce qui fait ma force. Ce n’est pas surjoué, et si on fait de la merde, je dirai que l’on fait de la merde, et même chose si l’on fait des choses bien. Et il y aura forcément des entraînements ouverts au public, parce qu’il faut cette relation. Je ne peux pas dire qu’il faut partager les émotions et tout fermer. Il y aura aussi des échanges avec les supporters ou des délocalisations avec des clubs autour. C’est fondamentale et ça rentre dans cette vocation de faire rêver.
Pensez-vous que la sixième place soit toujours jouable ?
Evidemment que Clermont doit jouer le Top 6, même si ça devient de plus en plus serré dans ce Top 14. C’est la jungle. Beaucoup d’équipes progressent et c’est de plus en plus dur. Il y a un peu de temps perdu. Aujourd’hui, on est à 31 points. Je considère que la 6eme place, comme tous les ans, va se jouer entre 68 et 72 points. Ça veut dire qu’il ne faut pas traîner en route. Il y a 55 points possible à prendre, il faut en prendre autour de 40. Donc si vous êtes bon en maths, vous allez vite voir qu’il ne faut pas perdre de temps (rires). Mais il faut surtout réussir à enclencher une dynamique et une énergie forte. Ça va être ça mon travail au quotidien : arriver à devenir une équipe conquérante.
Vu de l’extérieur, quels sont à vos yeux les qualités et les défauts de ce groupe ?
Ce n’est pas facile, d’abord parce quand je suis sorti de l’UBB je n’ai pas regardé les matchs pendant un mois, j’ai vraiment coupé, mais je n’oublie pas qu’on avait joué Clermont, donc on avait travaillé le match. J’ai regardé avec attention les matchs contre Perpignan et Leicester, mais le cul dans mon fauteuil, donc c’est facile. Il y a trois choses qui me semblent importantes à améliorer. La première, c’est l’état d’esprit. Pour moi, Clermont est une équipe qui doit être agressive, forte sur les un contre un, forte sur les avantages. On aura besoin de monter le curseur dans ce domaine, comme sur les bases du jeu. On doit arriver à trouver cette confiance qui nous rende forts : la conquête, la défense, la discipline, le jeu au pied, et surtout les avants, car le rugby, ça commence par les avants. Après, je ne suis pas encore imprégné, mais il me semble que l’identité de Clermont, c’est ce jeu rapide fait de phases dynamique, de capacité à jouer sur les avantages, et aussi la capacité à jouer au pied. Tout ça, il faut que l’on arrive à le retrouver. Mais je ne suis pas un magicien. C’est comme pour tout le monde, il faut repartir au travail. Après, entre le travail que tu fais dans la semaine et l’engagement que tu mets dans le match le week-end, il faut être capable d’élever le curseur.
Avez-vous quelque chose à dire aux supporters ?
Non, je n’ai rien à dire aux supporters, je veux qu’on leur montre samedi contre Lyon. Je ne vais pas faire de promesses, c’est sur le terrain que ça se passe. C’est facile de dire : "Les gars, vous allez voir ce que vous allez voir", il faut beaucoup d’humilité. La seule chose dont j’ai envie, c’est que les gens viennent au stade, parce que l’on a une belle équipe avec un état d’esprit fort et un partage de cette émotion forte et une identité de jeu claire. C’est ça qui est important. Je sais qu’il y a une attente forte, mais je n’ai pas peur. Et s’il n’y avait pas d’attente, je ne serais pas là.
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