Entre espoirs et paradoxes. Peut-être pourrions nous titrer ainsi le livre qui retracerait l’année 2022 du Sporting Union Agenais. L’espoir d’en finir avec plusieurs saisons noires avec des résultats qui remontent. Mais, paradoxalement, une équipe toujours marquée par les démons du passé, qui termine 2022 sur un solde négatif (13 victoires, un nul et 16 défaites). In fine, un bilan simple : sous l’impulsion de Bernard Goutta, Agen a entamé un nouveau cycle. Le Catalan a trouvé des antidotes en sauvant d’abord le club, puis en le mêlant à la course à la qualification. Mais le traitement sera long car le patient agenais est toujours convalescent.
En 365 jours, le SUA a successivement flirté avec la dernière place puis la première. A sa prise de fonction, Bernard Goutta a mis son groupe en mission : sauver l’institution. Mission réussie avec brio, les Agenais ratant même l’occasion, en février à Bourg-en-Bresse, d’intégrer un ventre mou qui était très proche comptablement du top 6. Mais dans l’ensemble, en forgeant une équipe dure sur l’homme et ultra-combative à domicile, le maintien en Pro D2, après la victoire à Narbonne, a été assuré sans grande frayeur.
Ce premier objectif réalisé, l’ancien troisième ligne a pu lancer véritablement son projet sportif : sous trois ans, ramener le SUA dans l’élite. Pour ce faire, il a d’abord remanié son staff et son effectif à sa convenance (pour ce dernier cas, à nuancer par un mercato tardif). Avec neuf semaines de présaison, le SUA allait pouvoir véritablement lancer son chantier de la reconstruction.
Dans sa méthodologie, le manager lot-et-garonnais a toujours mis en exergue les fondations. La conquête, la défense, l’état d’esprit, le jeu au pied. Logiquement, Goutta voulait bâtir sur du solide. Le recrutement est allé dans ce sens avec de la densité et de l’expérience dans le paquet d’avants.
Après une lourde préparation physique, un effectif complété par une quinzaine de joueurs Espoirs, le SUA s’avançait vers un défi et une inconnue : où allait-il se situer dans le championnat ?
Les deux premières journées ont donné le ton d’une première partie de saison paradoxale. Solide à l’extérieur, Agen s’imposait à Aix-en-Provence en ouverture. Mais se montrait impuissant à Armandie contre Grenoble sept jours plus tard.
Alors qu’au début de 2022, les coéquipiers de Vincent Farré régnaient à Armandie mais se loupaient à l’extérieur, c’est l’inverse qui s’est produit après l’intersaison. Si la grosse défense fait merveille en déplacement (quatre victoires), elle ne suffit pas à domicile (quatre défaites).
Sur le plan du jeu à proprement parler, on retrouve cette dichotomie. Le SUA est actuellement la deuxième défense du championnat (18 points de moyenne encaissés) mais la 12e attaque (19,5 points marqués en moyenne). "L’attaque est le plus difficile à mettre en œuvre dans un projet de jeu. On n’est qu’à six mois de mise en pratique du nôtre", a souvent répété le Catalan.
Le rideau de fer du SUA est la grosse satisfaction de cette première partie de 2022/2023. On avait déjà aperçu les prémices de progression à la fin de la saison dernière. Mais la férocité des défenseurs agenais sur l’homme, avec une troisième ligne cinq étoiles, est encore montée d’un cran, comme le système défensif dans son ensemble. Des montées rapides au bord des rucks, des courses en contrôle sur les extérieurs. Le SUA se fait rarement "brécher" cette saison.
C’est cela qui a permis à l’équipe de réaliser le magnifique mois d’octobre qui l’a vu enchaîner cinq succès consécutifs et monter sur la deuxième marche du classement. Des cadors comme Biarritz, Mont-de-Marsan et Vannes se sont cassé les dents sur les épaules des Duputs, Farré, Lokotui et consorts.
Cette spirale positive, conjuguée à la livraison du nouvel Armandie, a amené un vent de fraîcheur plus que bienvenue pour les supporters des "bleu et blanc", en souffrance depuis plus de trois ans et l’acquisition du dernier maintien en Top 14. Exit les démons du passé et la fébrilité du XV du président Fonteneau ? La suite montrera que non.
Si le SUA excelle dans un rugby que l’on peut qualifier de minimaliste, tout se complique lorsqu’il faut prendre le jeu à son compte. Rapidement, les adversaires l’ont compris et ont joué la dépossession face à Agen. Soyaux-Angoulême, Oyonnax, Carcassonne, Massy, Béziers… À chaque fois, bien que maîtres du ballon, les Agenais n’ont pas su l’exploiter à bon escient. Signe d’une équipe encore fébrile, "en construction" comme aime à le dire Bernard Goutta.
Aussi, le SUA doit composer avec une conquête en touche déficiente qui le prive de bien des munitions précieuses, surtout à l’approche de la zone de marque adverse. "En 2023, on va partir sur une nouvelle méthodologie en touche, on va réorganiser notre travail", livre le technicien agenais. C’est en effet, à ce jour, la base du chantier offensif.
À la fin de cette année 2022, Agen rassure donc, mais ne séduit pas encore. Le Sporting ne sera pas inquiété par la relégation, mais devra cravacher pour intégrer le top 6, objectif de cette saison, an I du projet Bernard Goutta. Le budget du SUA a été largement consolidé cet été (de 10 à 13,2 millions d’euros), mais l’objectif de la remontée n’est pas à l’ordre du jour. Une non-qualification serait, en revanche, un échec, venant sérieusement écorner le plan de route.
Malgré un troisième bloc raté (six points pris sur 30 possibles), il n’y a pas péril en la demeure. La sixième place n’est qu’à un point, la deuxième à six. Mais derrière l’intouchable leader oyonnaxien, près de dix équipes peuvent encore prétendre aux phases finales. Il y aura des déçus. L’avantage dans cette équation à beaucoup d’inconnues, c’est que le SUA a une grosse marge de progression.
Niveau calendrier aussi, Agen va être avantagé en recevant huit fois en 2023 (en espérant bien sûr qu’il trouve la clé à Armandie). Hormis à Nevers, des points ont toujours été ramenés de l’extérieur. Il faudra poursuivre pour gommer les quatre ratés déjà enregistrés à domicile.
Dans la construction de son jeu offensif, en attendant l’apport de son nouvel entraîneur des trois-quarts, le champion du monde sud-africain Elton Jantjies devrait apporter une vraie plus-value.
Enfin, Bernard Goutta va entrer dans une nouvelle phase de sa gestion de groupe. Sur la phase aller, il s’est appliqué à donner du temps de jeu à tout le monde. Sur la phase retour, il l’a annoncé, ce seront les meilleurs et les plus en forme qui joueront. Cela devrait faciliter les automatismes entre les joueurs, notamment dans les lignes arrières, décriées depuis le début de saison.
En conclusion, dans son projet, Bernard Goutta a réussi la première étape. Il a guéri un collectif marqué par la défaite et les crises sportives. Il l’a remis sur les rails d’une équipe voulant jouer le haut de tableau. Mais la deuxième étape s’avère tout aussi compliquée. La faire progresser pour atteindre les standards – offensifs notamment – lui permettant de disputer les phases finales au mois de mai.
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