La légende veut que Frédéric Sarthou ne sourie jamais. Or, pour la pose photo, l’intendant du Stade Rochelais a fait une exception dans son local de l’Apivia Parc, fin août. « Je ne suis pas expressif, je suis introverti, réservé. Je suis bien dans mon petit coin, confie-t-il. Quand je suis en forme, je râle ; pas quand je suis malade. C’est moi. J’aime bien mettre et prendre des pièces. » Comme le public de Jean-Dauger, qui « chambre tout le temps. Là-bas, tu apprends à donner et à recevoir. »
Car oui, en dépit de la caravelle qui orne son polo, « Fred » Sarthou est Bayonnais, Basque de la tête aux pieds – même s’il regrette de ne pas parler la langue, interdite au pensionnat catholique. Il sera en terrain connu, ce samedi (17 heures), sur le pré des gars de l’Aviron. « Mon père y a joué un petit peu. Chez nous, c’est ancré, tout le monde avait l’abonnement. J’ai aussi de la famille à Biarritz, où mon oncle était à la mairie. La famille de ma mère, elle, est du côté espagnol. Je suis des deux côtés du Pays basque, donc con entièrement, rit-il. Mon caractère vient de là. »
La défaite à Biarritz (27-24) le 6 février ne l’a donc pas arrangé, quand les Maritimes se sont sabordés dans la chaude ambiance d’Aguilera. « On n’y était pas… Je l’ai très mal vécu. On s’était mis une énorme épine dans le pied alors que je rêve de toucher le Bouclier de Brennus. Et puis Biarritz… Le rouge et le blanc, au rugby, j’ai beaucoup de mal. Perdre à Bayonne me dérangerait moins ; à Biarritz, ça fait chier, on n’a pas le droit. » Il milite pourtant « pour un grand club qui représenterait la région, où il y a un potentiel énorme. Les Basques revendiquent la terre, les croyances, les chants, le folklore ; pourquoi pas un seul club ? »
Ce n’est malgré tout pas la préoccupation de “Fred” Sarthou, aujourd’hui affairé à satisfaire les besoins des Jaune et Noir. Fidèle à ses origines, celui qui a beaucoup voyagé en France puis à l’étranger dès l’âge de 18 ans a été ailier de l’AS Bayonne (jusqu’en cadets 2e année), de Boucau Stade puis de clubs à Toulouse, Beauvais mais aussi à Aigrefeuille et Marans, en Charente-Maritime. Ancien hockeyeur à Anglet également, il connaît le monde du sport collectif. Ce, même si ce sont ses affectations en tant que cuisinier mais surtout des postes de barman et de chef de bar au Club Med qui ont décidé de ses mutations à travers la France et le monde.
« C’était passionnant, très enrichissant : j’ai croisé beaucoup de gens, de nationalités, de religions. Mais un jour, alors qu’on était en Guadeloupe avec ma conjointe, j’ai décidé d’arrêter. » En 2012, la famille Sarthou se pose en Charente-Maritime, où vivent les beaux-parents du Basque. Kevin Gibey, alors PDG de Team Sport 17 (1), l’initie au flocage. Dans le même temps, il est éducateur et abonné au Stade Rochelais. « Pierre (Venayre, le directeur général, NDLR) m’avait proposé d’intégrer l’intendance de l’équipe pro il y a quelques années. J’avais dit non car mes enfants étaient petits. Et puis il est revenu vers moi il y a quatre ans. Comme quoi, le train passe parfois deux fois par la même gare. Là j’ai tout de suite dit oui. »
Son rôle ? Outre la gestion des dotations de l’ensemble du club avec Kevin Gibey, il est, avec le team manager Arnaud Dorier, « la nounou des joueurs ». Comme quand il était chef de bar, le voilà à l’écoute de tous leurs besoins. Et là encore, il est confronté à plusieurs nationalités. « Ce qui m’intéresse, c’est l’humain, les façons de voir les choses. Je dis toujours ce que je pense et les étrangers s’expriment aussi de manière très brute, avec la barrière de la langue, c’est ce que j’aime. Ça m’a permis de découvrir des personnes que je n’aurais jamais imaginé croiser, des lieux comme Twickenham, de vivre des moments merveilleux. Mais, prévient-il, il faut rester terre à terre et avoir une certaine maturité pour ne pas se laisser embarquer dans des délires. Il ne faut surtout pas être fan des joueurs, sinon ils te bouffent… »
« Mon job, c’est que le staff et les joueurs n’aient à penser qu’au rugby, qu’il n’y ait pas de « cagade ». Mais ça m’est arrivé, notamment une énorme avant la première finale de Champions Cup, en 2021 : je suis en train de faire le vestiaire mais je n’ai pas le maillot de Romain Sazy. Je l’appelle et lui qui est hyper superstitieux me dit « arrête tes conneries ! » « Je te jure, je n’ai pas le choix, je n’ai pas ta taille, tu vas devoir jouer en XXL. » Ça l’a rendu malade… Il ne m’en a pas voulu parce que ça n’était pas de ma faute – quelqu’un qui est fan avait pris le maillot pour faire une photo et l’avait mal remis –, mais ça fait chier. » Beaucoup plus que sa triste soirée à Aguilera. Ce n’est pas pour ça qu’il veut s’habituer à repartir du Pays basque avec une nouvelle défaite samedi.
(1) Il est aujourd’hui équipementier et responsable merchandising du Stade.

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