«J’ai rayé ‘‘plus jamais’’ de mon vocabulaire. Je laisse les portes ouvertes. Toutes les portes. » En 2016, en pleine campagne pour la présidence de la Fédération française, Bernard Laporte expliquait, dans les premiers chapitres d’un livre-profession de foi, qu’il n’excluait pas de revenir un jour vers son vrai domaine de compétence : « entraîner, manager une équipe ». 
Ce vendredi matin, quarante-cinq jours après sa condamnation à deux ans de prison avec sursis pour corruption et trafic d’influence, Bernard Laporte a fini par jeter l’éponge et démissionner de la présidence de la Fédération française de rugby…
Ce vendredi matin, quarante-cinq jours après sa condamnation à deux ans de prison avec sursis pour corruption et trafic d’influence, Bernard Laporte a fini par jeter l’éponge et démissionner de la présidence de la Fédération française de rugby. On ne certifiera pas que « Bernie et le rugby », c’est fini. L’homme a de la ressource. Il est déjà tombé et il s’est relevé. Mais il est clair que le long épisode judiciaire qui a rythmé l’essentiel de ses deux mandats laissera des traces.
L’aura de « gagneur » qui l’accompagnait depuis son passage par le RC Toulon, avec son bouclier de Brennus, ses trois Coupes d’Europe, est profondément écornée. Le rugby d’en bas, qui l’avait porté à la présidence, l’a désavoué lors du référendum organisé cette semaine pour désigner son successeur. Et ceux qui le protégeaient dans les coulisses du pouvoir ont fini par s’écarter.
Que restera-t-il de ses six années à la tête de la FFR, si ce n’est une image trouble où son incontestable leadership a été trop souvent parasité par ses travers d’affairiste à la petite semaine, tendance « Pieds nickelés » ? Le tout donne le sentiment d’un énorme gâchis.
En août dernier, le magazine britannique « Rugby World », oubliant peut-être un peu vite ses démêlés avec la justice, en avait fait « le personnage le plus influent du rugby mondial ». Vice-président de la Fédération internationale, Bernard Laporte aurait dû prendre la succession de l’Anglais Bill Beaumont à la tête de World Rugby après la Coupe du monde en France.
« Bernard fait avancer les choses », expliquait au magazine un habitué de l’institution. « Il est parfois de mauvaise humeur. Ce n’est pas le genre à aller boire une pinte de bière avec vous car il a toujours quelque chose à faire ailleurs mais il est extrêmement influent. Il croit dans l’unification du calendrier international, dans la Coupe du monde des clubs, il croit à la promotion du rugby féminin et à celle des Mondiaux des moins de 20 ans. Et puis surtout, il a réussi ce que peu de gens croyaient possible. Il a ramené la paix en France entre les clubs et la Fédération. »
Le point de vue est un peu angélique. Mais il faut reconnaître que dans la continuité d’une campagne pour la présidence de la FFR menée à la hussarde et tournée vers les petits clubs, Bernard Laporte est parvenu à rééquilibrer le rapport de force entre la Fédération et la Ligue qui, au fil des ans, était devenu défavorable à la première.
Avec son vieux complice Serge Simon en maître de la stratégie, il a parfois usé de l’intimidation pour faire plier la Ligue quand elle était dirigée par Paul Goze. Puis il a œuvré en coulisses pour favoriser l’élection de René Bouscatel à sa tête.
Mais le premier de ses mérites aura été de réorganiser l’environnement autour de l’équipe de France, de la placer au cœur du système avec des moyens enfin comparables, ou même supérieurs, à ses rivales. Il a fait le pari de se séparer de Guy Novès, le plus titré des entraîneurs français, qu’il jugeait dans une impasse avec le XV de France, puis d’appeler Fabien Galthié à la rescousse de Jacques Brunel pour la Coupe du monde 2019 au Japon avant de lui confier les rênes des Bleus jusqu’en 2027. Galthié n’était pas son premier choix. Laporte avait envisagé de solliciter le Néo-Zélandais Warren Gatland mais, là encore, il aura su prendre le pouls des clubs et s’adapter avec pragmatisme.
Dans le bilan des années Laporte, où situer le fait d’avoir fait triompher la candidature de la France à l’organisation de la Coupe du monde 2023 ? On devrait la ranger dans la colonne des + si de vastes zones d’ombre ne subsistaient dans le récit de cette victoire remportée grâce au savoir-faire du très controversé Claude Atcher.
Que dire de son action pour le « rugby d’en bas » ? Son successeur se prévaudra d’un droit d’inventaire. Bernard Laporte aura instauré une forme de démocratie directe à travers le vote décentralisé. Mais sa réforme des compétitions comme ses promesses non tenues auront fini par détourner de lui une partie de sa base électorale comme en attestent les résultats de ce référendum où il s’était beaucoup investi malgré sa mise en retrait.
À moins que ça ne soit le déballage récurrent de ses affaires qui ait fini par lasser. L’impression que ce président qui, il y a six ans, se présentait comme le « candidat contre l’establishment », s’autorisait tout, ne distinguait plus les frontières, les conflits d’intérêts. Comme ce contrat de 180 000 euros signé avec le groupe Altrad au début de son mandat qui allait l’envoyer devant le tribunal correctionnel de Paris.
C’est ce que lui avait rappelé la juge Rose-Marie Hunault, lors des premiers jours du procès. « Il me semble qu’il y a une mission essentielle, veiller à l’application de la charte de déontologie. Je vous entends et j’ai l’impression que cette mission ne vous concerne pas. » Et pourtant, c’est cette faute, son « péché originel », qui l’a fait chuter.

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