Il clame venir pour “niq*** la fête”. Il n’est pourtant pas le dernier quand il s’agit de la faire. Mais c’est aussi pour ça qu’on se lie à son histoire. Adversaire de Ciryl Gane ce samedi dans le combat principal de l’UFC Paris, premier événement de l’histoire de la grande organisation de MMA dans notre pays, Tai Tuivasa se retrouvera aux portes d’une chance pour le titre des lourds s’il déjoue les pronostics pour installer la clim’ sur Bercy. “Si Tuivasa s’impose, il est le prochain challenger sur la liste”, a confirmé ces dernières heures Dana White, patron exécutif de l’UFC.
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La suite d’un parcours improbable qui l’a vu bourlinguer des bagarres de rue à la cage de l’UFC en passant par le rugby à XIII et les addictions. Captivant, attachant, “Bam Bam” – surnom tiré du “gamin qui fracasse tout” dans le dessin animé La Famille Pierrafeu – est un gros nounours au destin incroyable. Une force de la nature qui a dû franchir les obstacles de la vie et su profiter des opportunités devant lui pour se retrouver en pleine lumière. L’histoire de l’Australien débute à Mount Druitt, l’un des quartiers les plus dangereux de Sydney. Tuivasa y découvre l’éducation de la rue. Presque logique, aussi, quand on a une mère aborigène et un père samoan.
“J’étais prêt à me battre avant même ma naissance, raconte-t-il dans un entretien accordé à RMC Sport. J’ai été élevé avec des croyances fortes et une grande détermination. On nous apprend à être durs. Se battre, c’est un peu dans notre sang. Je me suis beaucoup battu dans mon enfance. C’était quelque chose de banal. Chaque semaine, probablement… Je me bats depuis très longtemps, physiquement ou mentalement. C’est ce que je fais. J’adore ça. C’est clairement ce qui définit l’homme que je suis aujourd’hui.”
Ciryl Gane a découvert les sports de combat un peu par hasard, quand il était monté sur Paris pour ses études. Tai Tuivasa, lui, a découvert le combat avant les sports qui s’y rattachent. Au contraire du “Bon Gamin”, il a aussi “grandi au milieu des drogués, des junkies”. Mais il en a tiré une force. “J’en considérais certains comme ma famille. On pourrait penser que c’est un endroit horrible. Mais ces gens donnent jusqu’à leur dernier pull pour te réchauffer. Là d’où je viens, on m’a appris à toujours essayer de m’élever.” Avec son physique XXL, le gamin bagarreur prend le chemin du rugby à XIII, institution en Australie, auquel il jouera jusqu’à ses dix-neuf ans.
“Quand tu grandis ici, c’est le premier sport que tu pratiques. J’étais plutôt bon mais il y avait trop de choses à respecter pour moi, trop de règles. Si tu as un bon entraîneur, ça va. Sinon il faut faire de la lèche pour pouvoir jouer. Je ne suis pas comme ça. Je m’embrouillais tout le temps. Les dirigeants me disaient quoi répondre pendant les interviews et je leur disais d’aller se faire foutre. Je n’aime pas recevoir des consignes. J’aime faire les choses à ma façon.” “Tuivasa était un joueur formidable, juge Grant Mitchell, son entraîneur de l’époque. Il faisait des choses que les autres ne faisaient pas. Mais il aimait trop se battre.” Les addictions commencent aussi à s’installer. Les virées au casino avec les potes se multiplient. Les litres de bière aussi.
Un soir, il perd près de 15.000 euros au poker sur une machine. Vingt-quatre heures plus tard, il dit adieu au rugby. Dans un besoin de se tisser un meilleur fil de vie. “Je me suis tourné vers des addictions pour combler autre chose. Ma famille me manquait. Boire et parier est culturel dans le rugby, et ça finit par vous couper du monde. J’y ai moi-même succombé. Mais j’ai décidé de laisser tout ça derrière moi. Je voulais mieux que ça pour mes enfants et ma famille. Je buvais, je me droguais. Je profitais de la vie comme beaucoup de jeunes. Je n’avais pas de modèle pour me montrer quel chemin emprunter. Je n’en avais pas jusqu’à l’arrivée de mon fils. S’il y a bien une chose que je ne voulais pas, c’était être un père de merde. J’ai dû me sortir les doigts du c** et me mettre au travail.”
Tuivasa décide de “combattre”. Mais les contours du projet restent flous. Une proposition de combat contre un autre ancien rugbyman local connu pour être un dur à cuire, Simon Osborne, va lancer la machine début juillet 2012. “J’ai pris ça comme un job. Tu me payes ? Je me bats. Je me fiche de savoir contre qui.” Presque vingt ans d’écart entre les deux, dix-neuf contre trente-huit, mais moins de trente secondes pour voir Tuivasa faire parler ses poings et s’imposer par TKO. Cinq autres KO/TKO dans la première minute du premier round s’enchaînent dans des organisations locales les quatre années suivantes, où il rafle au passage la ceinture des lourds de l’AFC.
“A l’époque, je me battais pour 3000-3500 euros. Je galérais au quartier, on m’appelait pour combattre un mec, je demandais combien c’était payé, je réclamais plus puis j’y allais, je gagnais, je prenais mon chèque et je rentrais. Quand j’ai vu ce que je pouvais gagner dans la cage, je me suis dit: ‘C’est ça que je veux faire’.” Les comparaisons avec le Néo-Zélandais Mark Hunt, ancien vainqueur du K-1 World Grand Prix et ancien combattant UFC au style similaire, commencent à apparaître. “J’ai eu la chance de le côtoyer, raconte Tuivasa. Il m’a pris sous son aile et m’a fait découvrir le monde. Il m’a montré que si on fait les choses bien et qu’on travaille dur, on peut avoir une belle vie et voyager dans le monde entier. Je ne m’en étais pas rendu compte avant de vivre ça avec lui. J’étais dans son coin à l’UFC et je disais: ‘Je peux le faire aussi. Je peux m’offrir une meilleure vie grâce au combat.'”
La trajectoire ascendante continue dans l’écrin qui fait rêver tout le monde du MMA: l’UFC. Pour sa soirée à Sydney en novembre 2017, l’organisation le recrute pour faire face à l’Américain Rashad Coulter. “Bam Bam” a vingt-cinq ans. Et signe ses débuts UFC d’un tonitruant KO au premier round suite à un coup de genou sauté. La prochaine étape est française avec Cyril Asker en face. Pour un nouveau TKO dès la première reprise. “Il était sur une belle série de KO, pas grand-monde ne voulait le prendre, il y a eu cinq ou six refus, mais on n’a jamais rien refusé donc on y est allé, se souvient le combattant tricolore. Son truc à lui, c’est qu’il vous cadre, il vous fait évoluer dans deux dimensions et après il envoie la machine. Il va chercher les coups un peu loin, il est gaucher, il décale, il vient dans l’angle, oui, ça fait mal. Quand un mec de 120 kilos vous met des poires plein le pif…”
Son premier gros test a lieu aux Etats-Unis, en juin 2018, avec l’ancien champion Andrei Arlovski. Tuivasa dépasse enfin le premier round en carrière (!) et s’impose à la décision. Bouillant, on lui oppose alors Junior Dos Santos, autre ancien champion des lourds, qui se montre trop technique, trop complet et s’impose par TKO. L’Australien n’avait jamais connu la défaite. Il la prend avec philosophie et humour. “Je suis un des plus jeunes dans cette catégorie, je reviendrai plus gros et plus fort. Enfin non… Pas plus gros, j’espère!” Deux autres revers suivent, à la décision contre Blagoy Ivanov qui réussit à le sortir de son style bagarreur et par soumission contre Sergey Spivak.
Les faiblesses du nouveau père de famille sont exposées. On a touché ses limites? Il s’est surtout vu trop beau… “Quand les choses sont trop faciles, tu deviens arrogant. Tu penses que ça ne s’arrêtera jamais. C’est exactement ce qui m’est arrivé. J’ai pris ça à la légère, je m’entraînais moins dur… Quand tu te crois au-dessus de tout, la vie te fait redescendre sur terre.” Pour se retrouver, Tuivasa va quitter ses habitudes. Direction Dubaï, la Thaïlande et les Etats-Unis, où il va désormais se préparer en gardant son coach Shaun Sullivan. “Son ego en a pris un coup, témoigne ce dernier, et il a commencé à accepter les critiques. Mais plus il devenait humble, plus il devenait fort.”
“J’ai été honnête avec moi-même, appuie l’intéressé. J’ai dû tout remettre à plat et penser à ce que je voulais vraiment, me restructurer pour donner une meilleure orientation à ma carrière. Partir m’a aidé à me recentrer sur le travail. J’avais clairement trop de tentations en Australie… Je donne le meilleur de moi-même quand je quitte ma zone de confort.” En octobre 2020 à Abu Dhabi, dans une salle à huis-clos d’un monde en plein Covid, le garçon joue sa tête à l’UFC face au géant néerlandais Stefan Struve. “Je savais que je risquais d’être ‘coupé’ par l’UFC si je perdais. Mais j’avais travaillé pour changer beaucoup de choses et j’étais très confiant. Je savais que je n’allais pas perdre.”
Il reprend plutôt ses bonnes habitudes: KO au premier round. Avant de refaire la même chose contre Harry Hunsucker, Greg Hardy et Augusto Sakai, même s’il a attendu la deuxième reprise pour finir le dernier. La hype autour de son nom grandit, en partie grâce à sa personnalité – les fans n’ont pas oublié sa vidéo où encore bourré de la veille il monte comment il a… pissé au lit – symbolisée par le “Shoevasa”, à savoir boire une bière dans une chaussure déjà portée après chacun de ses succès, que le public reproduit et qu’il convainc Dana White de faire alors que le patron de l’UFC avait juré qu’on ne l’y prendrait pas. “Il y a un temps pour travailler et un temps pour s’amuser. Le divertissement fait partie de ce business. J’adore combattre. Mais j’aime encore plus la bière!”
Sa légitimité populaire s’installe. Pour la sportive, le booster arrive surtout en février dernier, quand ce combattant onzième du classement des challengers met KO le troisième, Derrick Lewis, chez lui à Houston, d’un coup de coude terrifiant qui sera le moment fort de la soirée après avoir montré qu’il savait aussi encaisser. Un combat accepté façon Tuivasa. Son manager l’appelle pour lui proposer alors qu’il est en soirée. Il accepte. Mais… “J’étais bourré! Je ne m’en souvenais même pas. Je me suis réveillé le lendemain avec plein d’appels manqués…. C’était un signe pour me dire que je devais arrêter de boire! (Rires.) Tant mieux. J’allais faire ce combat de toute façon.”
“Boire, manger et fumer comme il le fait, ça ne peut pas être en adéquation positive avec votre carrière, estime Taylor Lapilus, combattant UFC et consultant RMC Sport. Il assume ses excès. Mais est-ce qu’ils sont positifs pour lui? Est-ce qu’ils l’aident? Sûr que non.” “Il faut le prendre comme il est, entier, répond son coach. Il ne joue aucun rôle. C’est un esprit libre.” L’Australien au style spectaculaire qui plaît au public monte au troisième rang du classement des challengers avec ce succès. On lui propose alors Ciryl Gane, le numéro 1, ou le Britannique Tom Aspinall, numéro 5. La réponse fuse: “Donne-moi le numéro 1 tous les jours!” “Dans la vie, tu veux avancer, pas reculer. Je mérite ce combat contre Ciryl. C’est une étape de plus qui me rapproche d’un combat pour la ceinture.”
Tuivasa compte bien saisir sa chance. S’il éteint Gane à Paris, le sommet de la montagne ne sera plus très loin. Le Français est le grand favori des bookmakers. Mais il a aussi beaucoup à perdre. “J’ai souvent été donné perdant dans ma vie, sourit l’Australien. Ça me motive encore plus. Je vais lui faire la guerre comme il ne l’a jamais connue.” “Fun dans la cage comme en dehors”, dixit Dana White, Tuivasa a tout pour être une grande star de l’UFC. A commencer par un amour du combat professionnel et des chèques qui vont avec.
“Je n’aime pas vraiment l’entraînement, il y a beaucoup de sacrifices. Mais avoir le poing levé à la fin est l’une des meilleures sensations du monde. C’est comme une drogue. Si tu n’as jamais combattu, tu ne peux pas comprendre… C’est comme si j’avais quelque chose à prouver. Pas seulement à ma famille ou mes amis mais surtout à moi-même. Quand tu gagnes, tu ne penses qu’à revivre ce moment. Mais au final, ça reste un job. Je suis payé pour ça. J’aime mon argent et j’aime nourrir ma famille. Et si un mec se dresse entre mon argent et moi, je fais ce qu’il faut pour le récupérer.” Ciryl Gane est prévenu. L’attachant Tai Tuivasa compte bel et bien “niq*** la fête” du MMA français.
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