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À une quinzaine de jours de l’ouverture du Tournoi des 6 Nations, le sélectionneur national Fabien Galthié prend la parole, décrypte sa liste et n’élude aucun sujet du moment : la future arrivée de Meafou, le duel Ramos-Jaminet, l’hésitation au sujet du cas Villière, la reconstruction du staff tricolore, la défense "kamikaze" des Springboks et l’évolution du jeu des Bleus. C’est à vous, coach…
Passer du statut de "chasseur" à celui de "chassé" empêche-t-il toute perspective de deuxième grand chelem consécutif ?
Pas du tout. Nous sommes heureux d’être considérés comme des chassés. C’est ce qu’on voulait. Mais on a encore faim. On se présente donc comme des prédateurs sur cette compétition : parce que nous ne serons jamais rassasiés.
Vous n’avez pas souhaité prendre le risque de retenir Gabin Villière dans votre première liste des quarante-deux. Pour quelle raison au juste ?
J’échange chaque semaine avec Gabin, Pierre Mignoni, Franck Azéma et Bernard Lemaître. Le joueur est encore un peu trop juste. […] Pour tout dire, on a beaucoup hésité. Son sujet n’a même été tranché que quelques heures avant l’annonce de la liste. Mais il reviendra bientôt.
Après le forfait de Cameron Woki, blessé au scaphoïde, quelle option vous reste-t-il au poste de numéro 4 ? Thibaud Flament s’impose-t-il naturellement ou le repositionnement d’Anthony Jelonch dans la cage peut-il également incarner une piste ?
Jelonch en deuxième ligne ? Non, ce n’est pas dans les plans. On est très déçus pour Cameron Woki, comme on est déçus pour Florian Verhaeghe (touché à l’épaule), qui n’a que 25 ans et a fait de superbes matchs avec Montpellier avant sa blessure. Mais attention à Thomas Lavault, aussi ! Il a été très bon avec nous au Japon et nous comptons sur lui pour qu’il nous apporte son envie et ses talents dans les airs. Comme on le dit souvent aux joueurs : "C’est vous qui venez le chercher le maillot ! Nous, on ne donne rien ! Vous ne nous devez rien !"
Quid du deuxième ligne toulousain Emmanuel Meafou : est-il vraiment en voie d’obtenir son passeport français ? Va-t-il vous rejoindre dans le Tournoi ?
Oui, nous le convoquerons dans le futur même s’il n’est pas encore sélectionnable (il ne le sera qu’en novembre 2023, soit après la Coupe du monde et après cinq ans de résidence en France, N.D.L.R.). Ce sera évidemment à voir avec le Stade toulousain mais Emmanuel Meafou pourrait travailler du dimanche au mercredi avec nous, jusqu’à ce qu’on le relâche pour qu’il puisse jouer le week-end avec son club.
Le gros débat, chez les Bleus, sera le duel entre Thomas Ramos et Melvyn Jaminet à l’arrière. Cela vous angoisse-t-il ?
Non, c’est passionnant au contraire ! Ces deux joueurs ont beaucoup évolué, au fil du temps : Melvyn, quand il est parti avec nous en Australie (été 2021, N.D.L.R.), il avait six mois de Pro D2 avec Perpignan, où il avait commencé à jouer au mois de décembre à la faveur de quelques blessures. Il s’est pourtant imposé chez nous. […] En face, ou plutôt à côté, il y a Thomas Ramos qui petit à petit trouve son rugby, trouve sa place et impose une forme de détermination : il a, en lui, une fureur de vivre et de jouer qui me plaît ; une rage qui a parfois un peu débordé mais que je l’encourage à conserver.
Finalement ?
Ce sont deux profils d’arrières très différents mais qui amèneront de la force à notre projet. On veut les encourager à poursuivre dans la voie qu’ils ont tracée. Melvyn, il a un an et demi de haut niveau. Thomas, ça fait quatre ans qu’il se bat, qu’il ferraille et qu’il progresse. Mais j’ai aussi une pensée pour Brice Dulin qui a beaucoup contribué à l’émancipation de cette équipe ; il est toujours dans le projet, même si j’ai dû l’appeler pour lui dire qu’on ne le sélectionnait pas. Il y a également Anthony Bouthier, qui donne tout et ne veut rien lâcher. Quant à Romain Buros, il progresse à Bordeaux à une vitesse folle.
Malgré la très bonne tournée d’automne réalisée par Thomas Ramos avec les Bleus, on dit que le jeu au pied long de Melvyn Jaminet vous a aussi manqué à cette période, pour déplacer des défenses particulièrement coercitives de l’Australie ou de l’Afrique du Sud…
Melvyn Jaminet, c’est le jeu au pied le plus long et le plus haut du circuit international. C’est comme ça. Quand on l’a, on sait ce qu’on a et ce qu’il peut apporter au XV de France. Thomas Ramos, lui, a d’autres qualités, notamment dans l’animation du jeu, où il est très complice avec Romain Ntamack et Matthieu Jalibert. Il est un peu comme deuxième numéro 10, dans la conduite du jeu. En l’air, il combat aussi beaucoup, gagne ses duels…
Vous a-t-il satisfait, en novembre ?
Bien sûr, oui. Même si nous n’avons pas totalement utilisé son potentiel offensif.
Comment ça ?
En novembre, nous lui avions demandé de fermer un peu les options offensives parce que nous redoutions la défense kamikaze des Sud-Africains. En clair, nous considérions qu’avec deux semaines de préparation, quatre entraînements collectifs et un seul match face à l’Australie, nous n’étions pas en capacité de maîtriser un jeu offensif capable de gagner le bras de fer avec cette défense kamikaze, assise sur quatre ans d’existence commune. […] Notre contrainte est toujours la même : c’est le manque de temps dans la préparation…
Votre jeu va-t-il évoluer lors du Tournoi des 6 Nations ? Il semble qu’il ait largement été décrypté par vos adversaires, en novembre…
Je ne suis pas d’accord. Les équipes adverses ont essayé mais elles n’ont pas réussi à nous décrypter. Nous, nous sommes au contraire bien adaptés à la stratégie des Sud-Africains puisqu’ils ont perdu. Si j’étudie vraiment ce que les Springboks ont fait à Marseille – ils ont tenté plus de passes, déplacé le ballon au milieu du terrain – j’en retire que ces innovations se sont retournées contre eux. Et puis, l’Australie et les Boks ont aussi marqué beaucoup de points parce que nous leur avons donné l’occasion de le faire…
C’est-à-dire ?
On doit progresser sur notre maîtrise émotionnelle. On doit arrêter d’offrir des solutions à l’adversaire. Oui, on a parfois déjoué, l’automne dernier : quand on mène 13 à 0 contre l’Afrique du Sud et qu’on enchaîne trois fautes qui les remettent dans la partie, c’est du non-jeu produit par des individus qui ne contrôlent pas une partie du rugby international ; et quand on commet un "en-avant repris hors-jeu" face à l’Australie, cela relève de la même contagion : cette règle, on la maîtrise pourtant dès les Espoirs…
Laurent Labit, le chef de l’attaque des Bleus, le directeur de la performance Thibault Giroud et le coentraîneur des avants Karim Ghezal quitteront la sélection après le Mondial. La reconstruction d’un staff va-t-elle vous perturber ces prochaines semaines ?
Notre staff actuel, tout au service de la performance du XV de France et qui regroupe une trentaine de personnes au sein d’un système circulaire, possède une intelligence collective qui lui permet d’évoluer en permanence. L’analyse et les datas sont au centre de cette méthodologie. Il y a, autour, des compétences en termes de nutrition, de sommeil, de psychologie ou de sportif, bien évidemment. La réussite de ce projet, derrière lequel nous nous effaçons tous, a apporté de la reconnaissance à des acteurs de notre staff, tels Thibault Giroud, Laurent Labit ou Karim Ghezal, qui sont devenus des ressources recherchées par les clubs. Depuis bientôt quatre ans, ils font un travail formidable. Moi, je n’ai jamais cherché à verrouiller personne. Ils ont toujours gardé leur libre d’arbitre.
Laurent Labit et Karim Ghezal vont quitter le XV de France et leur destination se précise !

Plus d’informations > https://t.co/UHJDQZN1Tq pic.twitter.com/oduzfHhVQa
Dès lors ?
Ce staff n’a rien de figé. Il est en évolution permanente. Notre méthode pousse notre organisation à se transformer. C’est la transformation de l’organisation, et l’organisation de la transformation. Il n’est pas question, ici, de remplir des cases ou de remplacer poste pour poste. (il marque une pause) Laurent Sempéré s’est engagé pour nous renforcer : nous avons des besoins très identifiés dans notre staff et sans conquête, on n’existe pas au rugby : redevenir une conquête dominante était notre mission à notre arrivée et nous l’avons remplie. […] Concernant Sempéré, je cherchais une compétence très forte pour être un complément à William Servat. Et je voulais un Français parce qu’il est important de comprendre l’écosystème français, pour entraîner en équipe de France.

Fabien Galthié et Thibaut Giroud lors du captain run de France-Angleterre en 2022
Fabien Galthié et Thibaut Giroud lors du captain run de France-Angleterre en 2022 Icon Sport

Quid de l’après Giroud, à présent ?
Il y a, en interne, des compétences que Thibault Giroud a fait grandir. Ces gens-là sont en capacité de prendre le relais. Nicolas Jeanjean fait partie de ceux-là. Il pourrait rentrer dans le premier cercle, en tant que responsable de la partie "performance". Il reste, désormais, une place libre, celle laissée par le départ de Laurent Labit.
En effet…
Laurent est une compétence multiple : il fait partie du comité de sélection, s’occupe du sujet de la "possession", c’est-à-dire savoir comment mettre l’adversaire en difficulté avec le ballon. Le projet n’est pas de remplacer Laurent mais pour intégrer le staff, je vois plus de gens que les noms que vous avez cités. Je vois beaucoup de monde, en fait. Je suis sollicité et je sollicite : quelques-uns des plus grands entraîneurs du monde sont d’ailleurs intéressés pour travailler avec nous, ponctuellement ou pas. Au mois de novembre, nous avons même reçu à Marcoussis le staff d’Arsenal (Premier League), mené par Mikel Arteta (ancien milieu récupérateur du PSG). Le nombre d’options, permanentes ou ponctuelles, est donc immense. Je ne vais pas sortir des noms mais l’équipe de France est très attractive.
Comment les négociations avec les clubs concernés se sont-elles déroulées ?
Je remercie Thomas Lombard (président du Stade français) pour la façon très douce avec laquelle il a géré les dossiers de Karim Ghezal ou Laurent Labit, ainsi qu’en sens inverse celui de l’arrivée chez nous de Laurent Sempéré. J’avais aussi beaucoup travaillé avec Laurent Travers (Racing 92) puis Laurent Marti (Union Bordeaux-Bègles) au sujet transfert de Thibault Giroud. Tout ça va profiter au rugby hexagonal : à Bordeaux, au Stade français, aux joueurs de ces clubs-là et par ricochet à l’équipe de France : car on parle tous ici de la place du rugby français dans le monde.
On vous suit.
Nous voulions redevenir une nation majeure et l’avons fait. Maintenant, nous voulons devenir la meilleure équipe du monde et nous en prenons le chemin. C’est le sens de la mission.
Puisque vous parlez de mobilité et d’évolution, pourquoi ne prenez pas vous-même en charge l’attaque des Bleus, lorsque Labit sera parti ?
J’y suis dedans, déjà. Je suis dans l’attaque et dans la défense. Je suis partout. Le sujet n’est pas là. Le sujet, c’est de rendre plus forte encore notre méthodologie, plus fort encore notre projet. Il n’y a ni angoisse, ni stress autour de la reconstruction du staff. Nous trouverons les pépites qui donneront de donner la puissance à ce projet.
Le XV de France compte actuellement une pléiade de blessés : Cameron Woki, Maxime Lucu, Jonathan Danty, Jean-Baptiste Gros, Arthur Vincent ou Gabin Villière sont tous indisponibles. Les internationaux français jouent-ils trop ? Et si oui, comment les protéger ?
On ne va pas changer l’écosystème du rugby français, fait de vingt-six matchs de championnat, trois rencontres de phase finale et de la Coupe d’Europe. Vous rajoutez à ça le rugby international et ça fait cinquante matchs par saison. […] Non, ce serait un mauvais combat. Ce que l’on a en revanche essayé de faire de notre côté, c’est raccourcir la saison internationale et y enlever un tiers, soit la tournée du mois de juin, qui ne concerne jamais l’équipe de France premium, laquelle tourne à 90 % de victoires depuis trois ans. Malgré ça, dix joueurs premium sont aujourd’hui sur le flanc.
Comment l’expliquer ?
Les chiffres disent ceci : un joueur entre 19 et 24 ans, s’il souhaite exister au niveau international, ne doit pas excéder les trente matchs par saison ; un joueur entre 24 et 29 ans, s’il souhaite être bon au niveau international, ne doit pas dépasser vingt-cinq matchs par saison ; et un joueur entre 29 et 34 ans souhaitant perdurer au plus haut niveau ne doit pas aller au-delà de vingt matchs par saison. C’est comme ça. C’est la règle et tout le monde la connaît. Parce qu’entre les matchs ils doivent surtout continuer à s’entraîner, se préparer, en validant les indicateurs de performance fondamentaux qu’ils connaissent tous. Dans les clubs, les managers essaient de faire au mieux : Ugo Mola donne beaucoup de vacances aux internationaux toulousains ; au Racing, Cameron Woki était en congé la semaine où il s’est blessé mais Laurent Travers n’a pas eu d’autres choix que de le rappeler dans le groupe parce qu’il n’avait plus de deuxième ligne. Je comprends les contraintes des clubs et ce ne sera jamais plus un sujet de discorde entre nous. Cela l’a été trop longtemps.
Ce n’est pas faux.
Si l’on a pris une équipe de France à 24 ans de moyenne d’âge, c’est parce que ces joueurs sont encore en capacité de supporter ce rythme-là.
Une rumeur fait état d’une possible préparation de la Coupe du monde à soixante joueurs…
(il coupe) Je ne sais pas de quoi vous me parlez. La formule de quarante-deux est chez nous fondamentale. Avant le Mondial, on se préparera donc à quarante-deux pendant six semaines de fin juillet à fin août, voilà tout.
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Si Galthié n'était pas si proche de l'infâme Laporte, ce genre d'interview pourrait me le rendre sympathique.

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