En 2017, le Stade Rochelais de Patrice Collazo et Xavier Garbajosa semblait donner un coup de vieux à l’adage qui veut qu’il n’y a pas de grande équipe sans un grand numéro 10. Brock James et Ryan Lamb au placard, le polyvalent Jérémy Sinzelle avait surpris à l’ouverture dans une équipe marchant sur l’eau. Finalement, les Maritimes avaient perdu en quart de Champions Cup puis terminé 7es en Top 14 avant de voir Collazo claquer la porte…
Cinq saisons plus tard, les Jaune et Noir vérifient à leur corps défendant que, pas plus que l’ancien, le rugby actuel ne peut se passer d’un 10 complet. Car si les charnières de Clermont, du Racing 92 puis de Bayonne ont brillé face à eux, elles le doivent autant à leur talent qu’au fait que leur vis-à-vis ne soutenait pas la comparaison dans la gestion. « On avait mis une stratégie en place, notamment sur l’occupation du terrain avec un jeu au pied profond, pour pouvoir les faire reculer, racontait ainsi le manager bayonnais Grégory Patat ce samedi. En l’absence d’Hastoy et Dulin, on savait qu’il n’y avait que Kerr-Barlow qui était en mesure de répondre dans ce duel à distance. On a maîtrisé notre sujet et la machine rochelaise n’avait pas de plan B. »
Privé de la longueur au pied, du jeu de pression et de l’alternance d’Antoine Hastoy (touché à la cheville, il pourrait reprendre dans quinze jours), de Pierre Popelin (opéré d’une pubalgie, il est attendu fin novembre), de Brice Dulin (genou, il est espéré cette semaine) et du polyvalent demi Jules Le Bail (cheville), le champion d’Europe n’a qu’un mode depuis trois journées : miser sur sa puissance. C’était un atout capital en début de saison, après deux succès très convaincants face à Montpellier puis à Lyon, c’est aujourd’hui moins vrai. Depuis, ses avants sont en effet contrariés en touche et ont donc du mal à enclencher leurs ravageurs groupés pénétrants. De même, à l’image du Stade Toulousain et de Paris depuis plusieurs saisons, les plaqueurs adverses les contrent de plus en plus bas, annihilant ainsi la force des gros porteurs.
Ce constat est accentué par le fait que, mis à part le capitaine Grégory Alldritt et, dans un degré moindre, les recrues Yoan Tanga, Georges-Henri Colombes Reazel et Quentin Lespiaucq, les avants jaune et noir n’évoluent pas à leur meilleur niveau. « Ce n’est pas nous », répètent les joueurs de Ronan O’Gara depuis trois matchs. Le signe que ce n’est pas non plus une coïncidence, certains pointant du doigt un manque d’agressivité, donc d’engagement.
Derrière, c’est un peu pareil. Si Dillyn Leyds ressort du lot, ses coéquipiers paraissent comme privés d’étincelle. Pire, Teddy Thomas a commis deux boulettes, pour autant d’essais adverses, devant son en-but contre les Ciel et Blanc puis chez les Basques quand un autre international, Tawera Kerr-Barlow, a vu sa passe flottante interceptée par l’ailier de l’Aviron Rémy Baget, prélude à l’essai décisif de Gaëtan Germain (18-8, 44e). Et comme toute l’équipe collectionne les en-avant, le jeu d’attaque est d’autant plus grippé qu’Ulupano Seuteni, au profil plus offensif que gestionnaire ou filou avec son pied, découvre ses partenaires après avoir été blessé lors de l’intersaison.
Antoine Hastoy avait lui endossé le rôle du patron jusqu’à sa blessure à Clermont. Plus imprévisible, il avait ainsi adressé une passe au pied déterminante sur l’essai de Leyds à Lyon. Pour autant, La Rochelle est plus lisible que lors de l’arrivée de Ronan O’Gara en tant qu’entraîneur en chef. En 2020, au moment de l’interruption du Top 14, les Rochelais étaient 10es en termes de possession (45 %), 9es concernant les coups de pied dans le jeu et 7es au niveau des courses avec la balle. Depuis, ces courbes n’ont cessé de se croiser. Aujourd’hui, les Jaune et Noir sont 1ers dans les registres de la possession (58 %) et des courses avec la balle, et 12es pour ce qui est du jeu au pied.
Reste que cette tendance était aussi visible dans un printemps ponctué par un titre de champion d’Europe qui rappelle à quel point ce club, dont le staff n’a pas bougé et le groupe a été renforcé, a les ressources pour encaisser ce relatif temps faible (4 succès dont 1 à Lyon pour 2 défaites en 6 journées). Ce qu’ont fait d’ailleurs ses deux futurs adversaires, Toulon puis Toulouse, aujourd’hui 2e et 1er après avoir subi également de sévères déconvenues à Perpignan ou à Pau. Enfin, la poisse qui touche ses numéros 10 ne sera pas éternelle. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas tout faire pour réagir contre Toulon, ce dimanche, à 21 h 05.

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