Il est reparti de l’avant. Pour son premier match de Top 14 sous les couleurs de l’Union Bordeaux-Bègles, Madosh Tambwe (25 ans) avait créé la sensation en inscrivant deux essais face à Toulouse (25-26). Le public de Chaban avait alors découvert les appuis de feu, la pointe de vitesse et le sens de la finition de cet ailier congolais recruté chez les Bulls (Afrique du Sud). Victime d’une béquille sur le match suivant à Montpellier, le joueur avait dû ronger son frein pendant un mois du côté de l’infirmerie. Pour son retour face au Racing 92, il n’a pas inscrit d’essai, mais a pesé dans la victoire de son équipe (29-17).
« J’ai beaucoup joué sur ces 18 derniers mois en Afrique du sud, quasiment deux ans de rugby non-stop, explique l’intéressé. Mon corps avait besoin de ce break. Je ne ressens plus aucune gêne, le staff médical a fait du bon boulot. Je suis vraiment excité de revenir ». Un retour précieux pour l’UBB au regard des qualités du joueur comme le souligne l’entraîneur des arrières, Frédéric Charrier : « Il amène de la vitesse, est efficace sur les un contre un, il est décisif. Il donne envie de déplacer le ballon, on a envie qu’il le touche le plus souvent possible car à chaque fois, il le bonifie. »
Le public de Chaban-Delmas découvre le côté « showman » de ce joueur qui contraste avec sa discrétion au quotidien. « Madosh est un garçon très mature, il sait ce qu’il veut, confie son agent Damien Dussault. En dehors du terrain, il est très calme, plutôt casanier, il ne reste pas des heures à boire des bières après les matchs. Il est vraiment tourné vers sa performance ».
#TOP14
Pour ceux qui ne le connaissaient pas, nous vous présentons Madosh Tambwe, le nouvel ailier de l'@UBBrugby… 😳🤩 pic.twitter.com/ipjb0QtCCf
L’ailier n’a qu’une idée en tête : réussir le grand saut. Après avoir affolé les compteurs en Afrique du Sud, la question était de savoir s’il allait franchir les défenses du Top 14 avec la même facilité. Lui en était convaincu. « Le rugby ne change pas, où que tu joues. Tu dois juste bien faire tes devoirs, comprendre les systèmes défensifs de l’adversaire. Quand tu sais ce qu’il y a en face, tu peux trouver des parades ». Sa première aventure en Europe a plutôt bien commencé. « Il a déjà montré le joueur qu’il était, ce n’était pas une surprise pour moi », témoigne son ami Michael Kumbirai, pilier sud-africain du SA XV Charente, qu’il a connu chez les Sharks de Durban en 2020.
Madosh Tambwe trace sa voie, évite les obstacles et ne perd pas de temps. Né à Kinshasa en 1997, sur les cendres de la 1ʳᵉ guerre du Congo, il grandit à Johannesburg, en Afrique du Sud. Passé par l’athlétisme (10 sec 61 au 100 m), c’est au rugby qu’il se révèle. À 20 ans, il joue ses premiers matchs de Super Rugby avec les Lions. L’année suivante, il inscrit face aux Reds le triplé le plus rapide de l’histoire de la compétition (en l’espace de 13 minutes) et compte aujourd’hui, après un passage chez les Sharks (2020-2021), 12 essais en 17 matchs dans ce prestigieux championnat de l’hémisphère Sud.
En 2021, Madosh Tambwe rejoint les Bulls (Pro 14). « C’est la meilleure chose qui lui soit arrivée car chez eux, il a pu jouer beaucoup plus. Ça lui a vraiment fait franchir une marche », juge Michael Kumbirai. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : 8 essais en 20 matchs. « Il a gagné en maturité chez les Bulls », estime Mark Keohane, journaliste au « SA Rugby Mag ». « L’environnement chez les Sharks n’était pas fait pour lui. Il a besoin d’un environnement cadré ».
Goodbye Madosh. Thank you for all your tries, line-breaks and side-steps. Watching you blaze down the touch-line with the grandstand rising to their feet, has become a trademark at Loftus. We wish you luck with your next chapter. Until next time Madosh “The Violation” Tambwe 🙏 pic.twitter.com/681cPPsmaZ
Malgré ses performances, Madosh Tambwe doit faire une croix sur les Springboks. Le Congolais possède bien un passeport sud-africain mais n’en a pas la nationalité (statut de réfugié). « C’est assez frustrant. J’ai vécu en Afrique du Sud une semaine après ma naissance, j’ai grandi là-bas, j’y suis devenu un homme. Si vous me dites que je ne suis pas sud-africain, je ne comprends pas. » « Beaucoup de joueurs français sont nés dans un autre pays, poursuit son ami Michael Kumbirai. C’est la même chose pour Madosh. Il a passé l’essentiel de sa vie en Afrique du Sud, il parle même plusieurs dialectes comme l’Afrikaans ou le Zulu… Il est vu comme un Sud-Africain, pas comme un étranger ».
Déçu, l’ailier congolais préfère vite tourner la page et cherche un nouveau challenge. « Il arrivait au bout de quelque chose en Afrique du Sud par rapport au fait qu’il n’est pas éligible chez les Boks », explique Damien Dussault. L’UBB frappe alors à la porte. « Son profil nous intéressait, déclare Christophe Urios. Je savais que son côté spectaculaire pouvait correspondre à notre public. Il voulait absolument venir mais il lui restait une année de contrat. Quand on nous a donné le deal financier pour le libérer, on ne pouvait pas suivre. Madosh a dit qu’il allait en prendre une grosse partie. En vingt ans de carrière, c’est la première fois que je vois ça. Ça montre la simplicité, le sens collectif et l’engagement du mec. J’appelle ça la classe ». En réalité, le joueur n’a pas mis la main à la poche mais a accepté une baisse de salaire. Le geste n’en reste pas moins à souligner.
Arrivé en Gironde le 11 juillet, Madosh Tambwe a tout fait pour être prêt dès la reprise. Bien installé, l’ailier a vite pris ses marques sur le terrain comme en dehors. « Ça fait douze ans que je suis agent, des joueurs, j’en ai accompagnés quelques-uns à leur arrivée en France, explique Damien Dussault. Madosh, jamais il ne m’a appelé pour se plaindre de quelque chose, tout ce qu’il découvre, il trouve ça génial ». Un mec facile à vivre, bien dans ses baskets, concentré sur sa performance. Et déjà efficace.