Comment savoir que le groupe vit bien ? Spoiler, ce n’est pas en posant benoîtement la question telle quelle, si ce n’est pour s’entendre invariablement répondre que « oui, bien entendu, le groupe vit bien ». Il faut donc guetter les regards entre joueurs, les blagues lancées à la volée ou les petits noms que seuls les initiés du vestiaire connaissent.
Alors, quand il s’agit de se poser à quelques pas du terrain d’entraînement pour recueillir les confidences d’un Agenais, l’un des bons moyens pour savoir quelle est sa place au sein du collectif est d’écouter ses coéquipiers l’interpeller. C’est comme cela qu’avant même de pouvoir entamer l’échange avec Fotu Lokotui, il a fallu s’armer de patience. Et, comme le veut l’adage, « quand des types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent ». On a donc écouté.
« Vous savez qui c’est ?, lance le pilier Florent Guion après la séance d’entraînement. C’est le ‘‘flying tongian’‘, il faut l’écrire ! » C’est fait. Un autre : « Hey Fotu, Pasi Pasi ! » Ça, c’est une référence au chant traditionnel du Pacifique, le « Pasi », que Fotu Lokotui entonne au milieu des bleu et blanc après chaque victoire. « Ils ont appris les paroles très rapidement, confiait-il, après la victoire inaugurale à Provence Rugby (17-19). C’est Manny Edmonds [coach adjoint des trois-quarts, NLDR] qui m’avait demandé si je connaissais le chant et si je pouvais l’apprendre à mes coéquipiers. »
Ce fut un « oui » direct de la part de Fotu Lokotui. Ce qui n’était pas forcément facile à imaginer il y a un an, quand le Tongien avait été recruté par un SUA alors en pleine descente aux enfers. Il est arrivé sur les bords de Garonne à l’intersaison 2021-2022 avec la mission de maintenir le SUA dans le monde professionnel.
Efficace et discret, le troisième ligne a été l’un des hommes du sauvetage du club aux huit Brennus la saison passée en participant à 22 matchs et en inscrivant deux essais. Un total qu’il a déjà atteint lors de cet exercice en sept journées. Mais pas de quoi faire gonfler les chevilles du tout juste trentenaire. « Pour moi, c’est la réussite de l’équipe, des gars et du staff. S’il y en a un qui marque, on marque tous. Si je fais un joli plaquage, on fait tous un joli plaquage. Une belle course ? C’est bien pour toute l’équipe. »
Après s’être fondu dans le collectif et gagné ses galons de travailleur de l’ombre, Fotu Lokotui prend une nouvelle dimension dans le vestiaire cette saison. Une place à la hauteur de ses qualités rugbystiques et de son expérience de joueur acquise avec les Tonga (15 sélections) ou lors des joutes de Pro 14 avec les Glasgow Warriors. « Il parle davantage, il s’ouvre », appréciait Bernard Goutta, le manager du SUA. Parfois utilisé en flanker la saison passée, Fotu Lokotui a été replacé au centre de la troisième ligne où son mètre quatre-vingt-neuf et ses 108 kilos font le reste. Mais là encore, s’il avait dû porter le tee, il l’aurait fait sans ciller, « pour le bien de l’équipe ». « J’ai beaucoup joué en 6 ou 7, et maintenant, ils me font confiance en 8. Mais pour moi, c’est la même chose. Quelle que soit la place qu’on me confie, je me donne à 100 %. Même sur le banc, même si je ne joue pas, je suis à 100 %. C’est tout pour l’équipe. »
Une équipe d’Agen qu’il qualifie désormais de « famille », lui qui a retrouvé Sonatane Takulua arrivé en Lot-et-Garonne en février dernier. Le demi de mêlée et capitaine de la sélection tongienne est l’un des « gars sûrs » de Fotu. « Ah, avec ‘‘Tane’‘, il y a une connexion particulière, apprécie-t-il. C’est très rassurant de jouer avec lui. On se comprend évidemment très bien, tous les deux, on est Tongiens. Pendant le match, on se capte tout de suite, ce que ne font peut-être pas les autres (rire). Quand il voit un truc, Tane me dit ‘‘Fotu Fotu, il y a un espace là, viens’‘, et je viens dans l’intervalle. »
Une entente qui avait permis au duo 8-9 d’inscrire trois essais (deux pour Takulua, un pour Lokotui) contre Aurillac (43-20) lors de la première (et pour l’instant) seule victoire à domicile du SUA. Ce jeudi à Mont-de-Marsan, le staff, comme les supporteurs, ne lui en tiendraient pas rigueur s’il venait à participer au quatrième succès des siens à l’extérieur.