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C’est l’histoire d’une montagne que rien ne semblait prédestiner à jouer les terreurs du ballon ovale. Celle d’un môme qui a découvert le rugby à 17 ans et qui s’est, depuis, imposé comme l’un des meilleurs piliers gauches de l’Hexagone. Mais qui est "Priso Mouangué Dany Théodore", longtemps appelé – "par facilités administratives" – "Dany Priso" et que nous appellerons dans ces colonnes "Dany Priso Mouangué"?
L’histoire du solide gaucher, démarre en janvier 1994, du côté de Loum, ville du sud-ouest camerounais. Le petit Dany grandit sous les yeux de sa grand-mère maternelle, quand ses deux grands frères, William et Ernest, sont eux côté paternel.
À l’époque, le môme n’a qu’un rêve: “devenir gendarme”, comme son papa. Et qu’une passion: “Le foot. Chez nous, c’est une religion. Même dans un village où il n’y a qu’une seule télé dans un snack, le village se réunit pour les matchs. Gamins, on prenait une paire de chaussettes, on la roulait, on l’attachait avec des élastiques et ça devenait un ballon.” Et une idole: “Roger Milla. On le regardait, on voulait lui ressembler. C’était un dieu pour nous.”
Une enfance “jouissive” passée à jouer au ballon, à aller à l’école et à aider sa “mamie” dans l’auberge qu’elle tient en plein centre-ville de Loum. “Tout le monde venait chez elle, alors je l’aidais en servant les clients… Mamie cuisinait à merveille, se remémore le colosse. Son plat de référence? Le poulet DG. Une tuerie. Je n’ai jamais mangé un plat aussi bon. Le problème, c’est que je ne peux pas en manger un autre que celui de ma grand-mère. Il m’a “matrixé” les papilles (rires). »
Sauf que l’enfance de Dany Priso Mouangué connaît deux bouleversements. Un premier vers 7-8 ans, quand il rejoint ses deux frangins et son père. “Avec mon père, nous avions une relation fusionnelle. Puis, j’étais le petit protégé. Dès qu’on faisait une connerie, c’est moi qui étais envoyé au front, ça passait toujours mieux (rires).”
La deuxième, en revanche, va davantage bousculer son quotidien, puisqu’il quitte le Cameroun et son père, pour découvrir la France, accompagné de ses deux frères. “11 ans, j’ai quitté mon pays, pour rejoindre ma mère. Et là… tu es petit, tu ne sais pas où tu mets les pieds… La seule vision que j’avais de la France, c’était à travers la télé. On pensait que tout serait facile, limite qu’il serait possible de cueillir de l’argent dans les arbres.” Le minot de Loum découvre alors Ussel, en plein cœur de la Corrèze, où sa maman vient de s’installer (lire par ailleurs). Et s’il était plutôt réservé au Cameroun, Dany Priso Mouangué s’affirme davantage dans l’Hexagone.
“Je suis arrivé en France au moment d’entrer en 6, et j’étais un peu tête brûlée, surtout à côté de deux grands frères très carrés. Ils ont fait le même collège et le même lycée, et on n’avait jamais entendu parler d’eux. Moi, bon… Je faisais un peu le con. Le racisme? J’ai eu quelques petits déboires au début, mais je dirais qu’on a su régler les conflits pour se faire comprendre (sourire). a aurait pu être délicat d’être une famille de blacks dans un coin un peu reculé, mais finalement on a été accueillis à bras ouverts. D’ailleurs, mes meilleurs amis sont ceux rencontrés à cette époque. Ussel, c’est chez moi.”
En revanche, Cameroun ou Corrèze, le môme continue de suivre sa passion pour le ballon rond. Même s’il était passé d’attaquant à défenseur, puis gardien. “J’étais avec le groupe de footeux. Au lycée, on partageait le terrain avec les rugbymen à la pause. Mais on avait une technique tellement rodée qu’on avait fini par s’approprier tout le terrain. On n’était pas les meilleurs à l’école, mais pour avoir le terrain, on savait qui terminait à quelle heure et par quelle matière (rires). Sauf que toute l’école est allée se plaindre parce qu’on ne lâchait jamais le terrain. Donc on a dû partager en deux: on faisait des matchs footeux contre rugbymen.”
Il est alors repéré par ses camarades de l’ovalie. “Tu as un bon gabarit, tu pourrais essayer.” Sauf que Dany ne se voit pas franchir le pas. “Le problème c’est que je n’entendais que du mal sur eux: “Ils font que de se foutre sur la gueule, ce sont des brutes.” J’ai retardé autant que possible… »
Sauf qu’un vendredi, alors qu’il passe devant le stade pour rentrer chez lui, Priso Mouangué s’arrête pour regarder un entraînement. “Le coach m’a vu et m’a proposé d’essayer.” Le déclic est immédiat. “Ce qui m’a frappé, c’est que j’étais sans affaire, mais il n’a pas fallu plus de 30 secondes pour que les mecs m’équipent de la tête aux pieds. Une chaussette à untel, un crampon à l’autre, un tee-shirt au dernier et hop, je m’entraînais. Alors qu’au foot, tu oubliais un maillot, les mecs te disaient: “Demain j’ai sport, ça ne m’arrange pas.” Puis au rugby, il n’y avait pas de simulation. Et comme j’avais un jeu un peu physique, j’ai trouvé mon équilibre. »
Un coup de cœur immédiat, même si, au début, il reconnaît ne pas comprendre grand-chose au jeu. “Pour avancer, on doit faire la passe derrière? Tu peux rentrer dans les mecs avec 30mètres d’élan, mais faire un tacle c’est non? On me prend pour un con ou quoi (rires)?”
À 17 ans, Dany Priso Mouangué prend donc sa première licence, à Ussel. Il y restera deux saisons, avant d’être repéré par Limoges. “Me retrouver seul à Limoges m’a mis une petite claque. J’avais pris un appartement, je faisais un apprentissage en pâtisserie. Le problème, c’est que quand les premiers salaires sont arrivés, j’ai fait comme tous les jeunes: soirées, dépenses… : ‘celle-là, elle est pour moi les gars.’ Sauf que dans l’équipe il y avait des mecs qui avaient papa/maman qui leur donnaient l’équivalent de mon salaire en argent de poche. Alors que moi, à la fin du mois, je n’avais plus un euro. Là, je me suis dit: ‘Mec, tu as 19 ans, si tu ne te donnes pas les moyens de réussir, personne ne va le faire pour toi.'”
Grand bien lui en a pris, puisque son sérieux, son talent et sa détermination lui permettent de rejoindre le Stade français. Où il passe une saison. “mon arrivée, j’étais ailier, centre, pilier, deuxième ligne. J’ai alors demandé qu’on me fixe, pour pouvoir progresser. On m’a proposé pilier gauche. Sauf que les mêlées, avec les jeunes, je m’en sortais. Mais quand tu montes, que tu t’entraînes avec Rabah Slimani, le meilleur pilier au monde… J’ai mangé le sol, j’ai touché le ciel. Il m’a fait voyager un peu partout à chaque entraînement (rires).”
Et c’est finalement contre Pau, le 23 août 2015, que Priso Mouangué fait ses grands débuts. Par chance, alors que les deux droitiers parisiens se sont blessés en première période, les mêlées sont simulées. “J’ai demandé: “Je rentre sur le terrain juste pour courir?” Je me suis dit que j’avais 40 minutes pour exploser. Je voulais que personne ne me touche. J’ai rattrapé Votu à la course, j’ai contré un dégagement. Un match de dingue! »
S’ensuivent cinq nouvelles apparitions, avant que le Stade français ne lui propose un contrat. “Quatre ans, dont deux en prêt avec Biarritz. Moi, je ne voulais pas être prêté, car tu n’as aucune garantie.” Il décide alors de rejoindre Patrice Collazo à La Rochelle. “Quand on s’est rencontré, je lui ai dit que j’avais besoin de bosser, car je connaissais mes lacunes en mêlée. Son discours m’a convaincu. Il m’a dit que je ne jouerais que si j’étais bon. Moi, ça ne sert à rien de me raconter des grandes histoires: tu es bon, tu joues. Tu n’es pas bon, tu te remets en question.” La suite? Tout le monde la connaît: six saisons et 134 matchs avec La Rochelle, un titre de champion d’Europe, 17sélections et une signature au RCT, cet été, à 28 ans.
De Loum à Toulon, en passant par Ussel, Limoges ou encore Paris, c’est donc peu dire que le petit Dany a bien grandi. “Personne n’aurait pu imaginer cela. C’est la preuve que ton destin n’est pas écrit mais que tu peux aller décrocher des étoiles. Et comme me l’a toujours répété ma mère: ‘Aucune porte n’est impossible à ouvrir tant que tu te donnes les moyens.'” S’il est fier de son parcours, difficile d’imaginer que le lion – qu’il a tatoué sur tout le dos – de Loum n’est pas devenu la fierté des siens…
"Prouver que j’ai encore faim": Dany Priso Mouangue, arrivé au RCT à l'intersaison, se confie à Var-matin
Une publication partagée par Dany Priso (@danypriso)
Né le: 02/01/1994 à Loum (Cameroun). Poste: pilier gauche. Mensurations: 1,82m, 113kg. Palmarès: Vainqueur de la Champions Cup (2022).
Carrière en clubs: 2011-2013: Ussel; 2013-2015: Limoges; 2015-2016: Stade français; 2016-2022: Stade rochelais; depuis juillet 2022: Toulon.
Carrière internationale: 17sélections avec le XV de France. Première cape le 14 juin 2017 face à la Nouvelle-Zélande.
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