JUSTICE Le président de la Fédération française de rugby a été auditionné pendant trois heures par les magistrats du Tribunal de Paris, jeudi, et réfute toutes les accusations portées contre lui
A la 32e chambre correctionnelle,
On sait rigoler dans le clan Laporte. A son entrée dans la salle 2.12 du tribunal de Paris, en ce deuxième jour du procès dit de l’affaire Altrad-Laporte, le président de la Fédération française de rugby peine à se faire reconnaître par la policière chargée de pointer les nouveaux arrivants. Son avocat, Me Versini-Campinchi se charge alors de faire les présentations. « C’est M. Bernard Laporte, celui qui va aller en prison », ose-t-il ironiser, quand on sait que son client encourt une peine de dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende. A ses côté, le boss de la FFR, lui, rit un peu moins. Sans apparaître forcément tendu, il a la mine fermée.
Et pour cause. Après une journée de mercredi suspendue pour des questions procédurales et lors de laquelle il n’aura finalement pu être entendu, l’ancien sélectionneur du XV de France était attendu jeudi à la barre pour enfin répondre des accusations de… [on prend sa respiration]… prise illégale d’intérêt, abus de confiance, faux et usages de faux, abus de bien sociaux, corruption et trafic d’influence. Assis à quelques rangs de lui, les quatre autres coaccusés, dont Mohed Altrad, le richissime entrepreneur/président du club de rugby de Montpellier et sponsor maillot de l’équipe de France, avec lequel il est soupçonné par le Parquet national financier (PNF) de conflits d’intérêts.
Appelé à la barre après le loooooooong monologue de la présidente (plus d’1h30), qui s’est chargée de rappeler par le menu la chronologie des faits reprochés aux accusés, Bernard Laporte annonce la couleur d’entrée. « Je rejette en bloc toutes les accusations et je prendrai le temps de vous expliquer pourquoi », prévient-il, avant de rappeler en préliminaire les raisons pour laquelle il a décidé de briguer en 2016 la présidence de la FFR. Raisons qu’on peut résumer ainsi : redonner le pouvoir aux petits clubs amateurs, privés de voix au chapitre sous son prédécesseur, leur redonner des moyens financiers, « des ballons, des chasubles » détaille-t-il, et « redonner vie à notre équipe de France ».
Insistant sur son rôle de président bénévole, Laporte assure la main sur le cœur qu’il a choisi de quitter le monde professionnel et son poste de manager à Toulon « pour rendre au rugby ce que le rugby m’a donné ». Comprendre : il n’est pas ici question de gros sous pour lui, mais plutôt de se sacrifier pour le bien et le renouveau du rugby français. Ce sera peu ou prou sa ligne de défense tout au long de ce procès si l’on a bien compris.
Après une brève présentation des étapes de sa vie qui l’ont mené de son petit club de Gaillac à la présidence de la Fédé, sur demande de la présidente – on apprendra ainsi que le jeune Bernard a été embauché par feu-EDF après l’obtention de son bac F3 électrotechnique – les débats s’orientent enfin sur ce qui lui est reproché après enquête minutieuse de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE). A savoir un supposé favoritisme pour l’attribution du sponsoring maillot du XV de France à Altrad ainsi qu’une intervention divine auprès de la commission d’appel de la FFR pour atténuer les sanctions disciplinaires contre le MHR, fin juin 2017. Tout ça en guise de renvoi d’ascenseur après le juteux contrat signé par la société BL Communication (pour Bernard Laporte Communication) pour quatre séminaires dans l’entreprise Altrad pour la modique somme de 180.000 euros.
Le temps qui lui sera donné pour répondre au flot de questions de la présidente, de ses ascesseurs, des deux magistrats du PNF, des procureurs et des différents avocats, Bernard Laporte l’utilisera pour expliquer qu’il ne voit pas en quoi le fait de signer un contrat d’image avec AIA, l’entreprise de Mohed Altrad, peut être perçu comme un conflit d’intérêts. « Je n’ai pas signé ce contrat en tant que président de la FFR », assènera-t-il à plusieurs reprises. « C’est pourtant ce qui est stipulé dans le contrat », s’étonne la présidente, ce à quoi M. Laporte lui répond : « Je ne suis pas juriste ». « Mais vous l’avez fait consulter par un juriste, non ? », embraye-t-elle. « Oui mais on n’a pas fait une étude poussée de 4 heures ! », répond l’ancien rugbyman, toujours aussi solide sur ses appuis. « Vous n’êtes pas très curieux !, s’exclame-t-elle en retour. Moins que ce tribunal en tout cas ». Drop the mic’.
Invitée à intervenir, la procureur Céline Guillet s’étonne dans un autre registre des déclarations de salaires manquantes pendant presque six moix, entre janvier et juin 2016, auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, alors que Bernard Laporte était encore sous contrat avec le RCT. « C’est une erreur, M. Laporte ? », s’enquiert la magistrate. « Sans doute », balaie l(e) (dés)interessé. La présidente écarquille les yeux : « Mais c’est important M. Laporte ! ».
Sans doute.
M.Laporte sur ladite charte: « Je ne l’ai pas lue mais je me doute de ce qu’elle raconte. Elle ne doit pas être différente de celle du football »
La présidente : « Vous n’allez pas me dire que vous avez lu celle du football et pas celle du rugby quand même ?! »
(On rigole bien)
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En parallèle, il sera aussi question de la charte d’éthique et de déontologie daté de 2015 ; charte que Bernard Laporte admettra ne jamais avoir lue (true story). Le procureur se chargera alors de le faire pour lui : « ‘Les dirigeants des organisations sportives exercent leurs fonctions en toute probité, intégrité, impartialité et transparence. Ils préviennent tout conflit d’intérêts’, lira-t-il à haute voix avant de revenir vers le prévenu et de lui demander : Qu’est-ce que vous en pensez M. Laporte ? ». « Je pense que c’est bien », répond l’intéressé. « Alors, parfait ! », surjoue le proc’. Gloussements amusés dans le public.
« Parce que je n’ai aucun conflit d’intérêt et je m’en expliquerai », répète Laporte, pour les deux au fond de la salle qui n’auraient pas encore compris. L’assesseur de la présidente intervient alors pour lui demander la définition d’un conflit d’intérêts. « C’est… Euh… Par exemple si je suis… », Laporte bafouille quelques mots à peine audibles avant qu’une nouvelle question sur un sujet totalement différent vienne le sortir du pétrin.
C’est d’ailleurs ce qu’on retiendra de cette deuxième journée de procès : avec tant d’affaires en une, les magistrats ont allumé de tous les côtés, au risque de compliquer la compréhension d’un dossier déjà bien velu pour les neurones. Ici une question sur ses relations avec la Ligue nationale de rugby et son président de l’époque, Paul Goze, là une seconde sur ses moyens de subsistances du fait de sa fonction bénévole à la FFR (il a assuré touché le chômage pendant trois ans), une autre encore, de son avocat, sur l’identité de « gorge profonde », la vilaine source journalistique ayant fait fuiter l’affaire au Journal du Dimanche en août 2017.
Finalement, après un rapide coup d’œil sur les comptes (souvent dans le rouge, selon sa propre comptable) de la société BL Communication, Bernard Laporte conclura en assurant avoir remboursé l’intégralité des 180.000 euros à l’entreprise de Mohed Altrad, sans vraiment convaincre la présidente, passablement perdue dans les différents relevés de compte fournis par la défense. Celle-ci suspendra finalement la séance après trois heures d’audition coup de poing. Il en faudra certainement beaucoup d’autres pour faire la lumière sur une affaire qui, en deux jours de procès, aura finalement été à peine effleurée.
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