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Ce lundi, l’ASM Clermont Auvergne a officialisé ce qui bruissait depuis plus jours : revenu au club en 2021 en qualité d’entraîneur en chef, Jono Gibbes est écarté de ses fonctions avec effet immédiat. Un épilogue devenu inéluctable, ces dernières semaines. Explications.
Clermont a donc cédé à une pratique qui n’entre pourtant pas dans les habitudes de la maison : se séparer d’un entraîneur en cours de saison. Ce n’était plus arrivé depuis 2044 et la passation Hyardet-Saysset. Ce lundi, l’ASMCA a donc officialisé par un communiqué la mise à l’écart de son entraîneur en chef, Jono Gibbes. « Face aux difficultés récurrentes en termes de jeu pratiqué et au classement du club en TOP 14 et en Champions Cup, le Président de l’ASM a pris la décision de mettre un terme aux fonctions de Jono Gibbes à la tête de l’équipe. Ce choix du changement s’inscrit dans un contexte où les ambitions toujours affichées par le club imposent de prendre de nouvelles orientations. Cette décision est applicable immédiatement. »
Si ce communiqué met un point final à une situation qui s’était fortement dégradée en Auvergne, avec des résultats et des contenus de match inquiétants, cette décision prend pourtant racine dans les semaines et les mois précédents.
 
Dissensions avec son président Jean-Michel Guillon
Le tout début de saison clermontois était pourtant porteur d’espoirs. Et notamment cette victoire convaincante face au Stade rochelais (22-13), lors de la 4e journée. Un match nettement dominé dans le contenu et sur les impacts, ce secteur qui pêche justement depuis plusieurs saisons. Regain de confiance en Auvergne. Dans les colonnes de Midi Olympique, le capitaine Arthur Iturria ne se cache pas. « Il faut arrêter de parler de transition, de construction ou de reconstruction. On ne doit plus se cacher derrière ça. On est l’ASM, on se doit d’être ambitieux. […] Il faut remettre Clermont à sa place, on est là pour ça. Sur le terrain, je vois des grands garçons. Même les jeunes sont en fait là depuis deux ou trois ans. Plus le droit de se cacher. Si on est intransigeants avec nous-même, qu’on ne se cherche plus d’excuses, on remettra Clermont là où il doit être. »
La suite est pourtant moins convaincante. Notamment les mois d’octobre novembre, qui ont fait mal aux têtes et aux relations. Balayé au Racing 92 (46-12), incapable de battre l’UBB en crise à Marcel-Michelin (23-23) et encore battu par le promu Bayonne (20-25) dans son antre jadis imprenable, Clermont n’avance plus. Et les relations se tendent entre le secteur sportif, dirigé par Jono Gibbes, et son président Jean-Michel Guillon. Sans étincelles, mais les échanges se font plus rares. Et le ressort se distend.
Le communiqué de ce lundi confirme cela sans le dire : aucun hommage n’y est rendu par le club à l’entraîneur qui fut aussi celui du titre de 2017. Aucun mot sur le travail effectué et sa « continuation ». Pour comparaison, l’ASMCA s’était montrée autrement plus chaleureuse au moment d’annoncer le départ de Xavier Sadourny, début janvier. « L’ensemble du club remercie sincèrement Xavier pour la qualité de son travail et des relations qu’il a pu avoir tout au long de ses différentes missions auprès du groupe professionnel de l’ASM Clermont Auvergne. » Avant de préciser. « Les missions de Xavier Sadourny seront réattribuées en interne par l'entraîneur principal Jono Gibbes. » Manière de dire – sans le dire – que Gibbes serait désormais seul en première ligne. Et que, si les échecs perduraient, il en porterait la responsabilité.

Le président de l'ASM Jean-Michel Guillon a choisi d'écarter Jono Gibbes de ses fonctions. Depuis deux semaines, il prospectait déjà pour lui trouver un successeur.
Le président de l'ASM Jean-Michel Guillon a choisi d'écarter Jono Gibbes de ses fonctions. Depuis deux semaines, il prospectait déjà pour lui trouver un successeur. Icon Sport – Icon Sport

La défaite face à Toulouse a tout précipité
Cette première éviction, celle du « fusible » Xavier Sadourny, était intervenue au lendemain de la lourde défaite face au Stade toulousain (13-32), le dimanche 1er janvier 2023 dans un Marcel-Michelin médusé. Ce n’est pas seulement le score mais surtout l’impression laissée qui a dérangé : en étant plus réaliste, les Toulousains auraient pu passer 50 points à leurs hôtes. Presque sans forcer.
Côté clermontois, les manques n’ont alors jamais apparu aussi grands. La ligne arrière signe un piteux 10 sur 24 aux plaquages (source stats Perform) et la gronde des supporters se fait grandissante. Jusqu’à dépasser les bornes, obligeant le club à réagir. « Comme vous, l’ensemble du club ne peut se satisfaire des prestations sportives de l’équipe. Ainsi, nous pouvons entendre vos reproches, votre déception, votre colère et même vos sifflets. Mais nous n’accepterons pas le déversement de haine et les insultes d’une très faible minorité de personnes que nous ne reconnaîtrons jamais comme des supporters et encore moins des membres d’une Yellow Army qui fait notre fierté depuis des dizaines d’années. »
Cette défaite a donc coûté la place à Sadourny. Elle a aussi convaincu la direction clermontoise d’accélérer le pas dans sa recherche d’un nouvel entraîneur. Au soir du 1er janvier, un premier clou est posé sur le cercueil du poste de Gibbes en Auvergne.
 
Ledesma et Urios, deux pistes vite explorées
Le nom de Christophe Urios, qui circule depuis plus d’un mois dans les coulisses de l’ASMCA, devient alors une piste concrète. Le technicien héraultais est libre, depuis son départ de l’UBB. Il a très vite affirmé vouloir « trouver un banc. Le rugby, c'est fini pour le moment mais c'est uniquement une pause. » Il est également une « envie » depuis plusieurs années, déjà sous la présidence d’Eric de Cromière, décédé depuis.
Un premier contact téléphonique a lieu, dans la semaine qui suit la défaite face à Toulouse. Une deuxième visio, vendredi dernier (13 janvier). Urios, qui se dit intéressé par le projet, souhaite aussi pouvoir venir avec son staff.
Parallèlement, un dirigeant proche de Jean-Michel Guillon prend langue avec une légende du club : Mario Ledesma, talonneur du premier titre (2010) et qui a quitté ses fonctions de sélectionneur de l’Argentine en février 2022. Ledesma, qui vit en Argentine (Buenos Aires), ne serait pas contre revenir en Auvergne pour une mission ponctuelle : finir la saison et prêter main-forte à son ancien club dans la difficulté. En revanche, il ne souhaiterait pas s'inscrire dans un projet durable et revenir à long terme en France. Son entourage le fait savoir aux dirigeants clermontois, qui cherchent justement un entraîneur qui s'inscrirait dans un projet de club à moyen ou long terme.

Pour succéder à Jono Gibbes, Clermont travaille sur deux dossiers : Christophe Urios et Mario Ledesma.
Pour succéder à Jono Gibbes, Clermont travaille sur deux dossiers : Christophe Urios et Mario Ledesma. Icon Sport

Un entretien préalable à licenciement dès ce week-end
Ces prospections ciblent une arrivée éventuelle pour la fin du mois de janvier. « S’il y a une décision forte à prendre concernant Jono, cela se fera fin janvier. Après la séquence européenne » confie une source interne au club, début janvier. Finalement, la défaite record face à Leicester (29-44, plus grand nombre de points jamais encaissés à Marcel-Michelin), vendredi soir, acte une nouvelle accélération du temps. Gibbes le voit venir : « C'est une honte de prendre 44 points à domicile. Nous avons cédé trop facilement. Une telle performance, devant notre public, c'est dur. Cette nouvelle défaite remet beaucoup de choses en question. » Samedi matin, nous vous annoncions sur Rugbyrama un entretien préalable à licenciement à venir, en ce début de semaine, entre Jean-Michel Guillon et Jono Gibbes. En réalité, les deux hommes ont fait le choix de se voir rapidement, dès le week-end. Le constat de l’échec est partagé. Le licenciement est acté. Pour l’instant sans successeur. « Pour ce qui concerne la suite, des décisions seront annoncées rapidement afin d’assurer la continuité du projet sportif, et de redonner une dynamique positive à l’ensemble du club, de ses partenaires et de ses supporters » précise le communiqué du club.
 
L’anglais très présent dans le staff, le message se brouille
Au moment de faire le bilan, le passage de Jono Gibbes comme entraîneur en chef en Auvergne laissera donc la trace de l’échec. Il est comptable et clair : 44 % de victoires seulement « (22 victoires, 1 nul, 26 défaites), une triste 7e place du Top 14 en 2022 et une élimination dès les huitièmes de finale de Champions Cup. ; cette saison, pas mieux : 2 défaites en 3 matchs de Champions Cup et une inquiétante 10e place en Top 14.
En interne, les difficultés clermontoises sont aussi celles de la communication. Lors de sa venue en Auvergne, Jono Gibbes avait amené dans ses bagages Johnny Claxton en tant que coordinateur de la performance (responsable de la préparation physique). Un Néo-zélandais, comme lui et Benson Stanley, également revenu au club comme entraîneur après y avoir été joueur. Comme Scott Crean, également, autre préparateur physique. À l’été 2022, c’est Jared Payne qui se joignait à l’équipe. Un ancien international irlandais mais également un Néo-Zélandais de naissance et de culture.
Cette forte présence néo-zélandaise et plus globalement anglophone (comme Joe Larkin, analyste vidéo anglais) a parfois pu brouiller le message, en interne et en externe. Gibbes lui-même, qui tient à effectuer toutes ses conférences de presses en français – et c’est tout à son honneur – s’est fait plusieurs fois piéger par de mauvaises compréhensions et des imbroglios à suivre.
Cela a aussi posé la question de l’identité du club. Manager du club après en avoir été un joueur de légende, Jean-Marc Lhermet avait l’habitude d’assumer « une culture du travail et des méthodes issues de la culture anglo-saxonne, notamment néo-zélandaise. Mais aussi un équilibre. Nous restons un club français et auvergnat, attaché à notre territoire. Cet équilibre est primordial. » Un équilibre que Clermont a lentement perdu, au fil des années. Comme les résultats. Et après lesquels il court désormais.
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