RUGBY Les Springboks, qui affrontent le XV de France ce samedi à Marseille (21h), n’ont jamais aussi bien représenté la diversité de l’Afrique du Sud avec une dizaine de joueurs de couleur dans leur effectif
Le racisme et la sous-représentation des personnes de couleurs, un sujet inhérent à l’équipe de rugby d’Afrique du Sud depuis que Nelson Mandela l’a érigée comme symbole de l’unité sud africaine lors de la Coupe du Monde 1995. Un « marronnier », bien malgré les joueurs et le staff, que l’on voulait aborder lors de la semaine des Springboks dans le Var, avant d’affronter le XV de France ce samedi au stade Vélodrome (21h).
Sauf qu’on s’est gentiment fait renvoyer dans nos 22 mètres. « L’équipe prépare un test-match, les joueurs et les entraîneurs ne parleront pas de racisme. Nous avons un fantastique pays, avec beaucoup de races, de cultures et de religions différentes, donc nous ne parlons pas de racisme », nous a-t-on rétorqué sur le sujet du côté de la délégation des Springboks. En creusant un peu, ll semblerait même que les joueurs aient spécifiquement demandé à ne plus aborder cette question à l’aube de la préparation pour le Coupe du Monde 2023.
Il y a un an pourtant, Siya Kolisi, le premier capitaine noir de l’histoire des Springboks, participait à une table ronde sur le racisme à l’occasion du dernier passage des Sud Africains en France, dans la région parisienne. En 1995, un seul joueur métis était présent dans l’effectif champion du Monde. La nomination de Siya Kolisi est une avancée, mais la question raciale reste centrale, comme en témoigne sa prise de position publique à l’été 2020.
« Il est temps pour nous tous de changer et de commencer à faire de l’Afrique du Sud ce pour quoi tant de gens se sont battus, tant de gens sont morts. Je suis en position de leadership dans le sport depuis longtemps et je n’ai pas soulevé la question du racisme parce que j’avais peur d’être exclu ou j’avais peur d’être perçu comme différent », confiait-il sur ses réseaux sociaux.
Avec neuf joueurs de couleurs sur les 23 convoqués pour affronter le XV de France samedi, les Springboks semblent progressivement dépasser cette question. « Pour moi, l’équipe d’Afrique du Sud alignée samedi soir illustre justement que le rugby sud africain accélère sa phase de transition. Ce n’était pas le cas à la Coupe du Monde 2007, ni à celle de 2015. L’apartheid pèse encore sur les inégalités du pays, mais il faut reconnaître qu’il y a du changement au sein de la vitrine nationale que sont les Springboks », avance Julien Migozzi, chercheur à l’université d’Oxford ayant travaillé sur l’apartheid en Afrique du Sud.
Selon lui, cette avancée ne se résume pas à la mise en place de quota par le ministère des sports, « un débat médiatique et politique plus qu’un levier de transformation » : « On ne sait pas qui sont les joueurs de quota et il ne faut pas oublier que le premier but des Springboks est de gagner. Ils ne sont pas trois fois champions du Monde pour rien », rappelle le chercheur.
Cette transformation est plutôt à mettre du côté de « l’arrivée à la tête de la fédération, de la sélection ou des clubs d’Afrique du Sud, d’anciens joueurs qui ont fréquenté des joueurs de couleur et dont le racisme est moins exacerbé. Ils vont plus facilement donner confiance aux jeunes joueurs et ont plus conscience de leur environnement multiethnique », selon Julien Migozzi. Rassie Erasmus, l’ancien sélectionneur des Springboks, est l’un d’eux. Il jouait dans l’équipe nationale dans les années 90 et représente l’establishment, il parle Afrikaans, mais sait de manière assez fine jouer des fractures culturelles pour montrer la diversité du pays grâce à son amitié avec des joueurs de couleurs. Son choix de faire de Siya Kolisi, qui partage les mêmes origines que Neslon Mandela, le premier capitaine noir des Springboks, en est le parfait exemple.
C’est aussi le cas d’Eduard Coetzee, l’ancien pilier sud africain passé par Bayonne et Biarritz, qui a écrit une thèse sur les méthodes de la transformation, avant de prendre la tête des Sharks de Durban, l’un des plus grands clubs d’Afrique du Sud. Il a nommé un capitaine noir, Lukhanyo Am, et le slogan « I see colors » s’affiche en grand dans leur stade. « Nous célébrons chaque couleur et culture qui forment la nation arc-en-ciel », appuie-t-il.
Mais pour Julien Migozzi, cette transformation a surtout été favorisée par l’accès aux meilleures écoles des personnes de couleurs.
Le rugby, sport pratiqué uniquement par les blancs en Afrique du Sud, n’est-il d’ailleurs pas un mythe ? « Le rugby a été construit comme identité blanche afrikaner, et c’était d’ailleurs un critère de sélection. Alors que les blancs ne représentent que 8 % de la population, les Springboks ont longtemps été l’équipe d’une minorité démographique au pouvoir. Mais dans les villes et les villages, tout le monde joue au rugby », déconstruit Julien Migozzi.
Le rugby réservé aux blancs, une idée reçue qui a d’ailleurs largement infusé au sein des populations blanches, comme l’a confié Eduard Coetzee au Daily Maverick. « On m’a toujours dit que le rugby était le sport des Blancs. Plus tard, je me suis rendu compte qu’il était joué dans des townships noirs et métis. Il n’était donc pas question d’y amener un nouveau sport, mais plutôt d’y aller, avec humilité, demander pardon ». Un pardon qui semble enfin porter ses fruits.
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