Nicolas Otamendi et ses coéquipiers ont été battus par l’Arabie Saoudite en ouverture de leur Mondial, ce mardi au stade de Lusail. (JUAN MABROMATA/AFP)
Coup de tonnerre sur le Mondial. La modeste équipe d’Arabie Saoudite a réalisé ce mardi midi la première surprise de la Coupe du monde 2022 en battant 2-1 l’Argentine, l’une des favorites pour le titre final, dans le premier match du groupe C. Pour situer la performance : la sélection saoudienne est pointée à la 51e place du classement Fifa, alors que les Argentins en tutoient les sommets à la 3e place et étaient sur une ahurissante série de 36 matchs sans défaite avant la rencontre. En théorie, il y a donc un monde entre ces équipes. Mais le football a cette magie de savoir se jouer des pronostics.
Croisé avant le match maillot vert de la sélection saoudienne sur le dos, Aziz, 30 ans, qui a fait l’aller-retour dans la journée depuis Riyad, ne donnait pas cher de la peau des siens : «Il faut être réaliste. J’espère qu’on ne perdra pas de beaucoup. Plus que 2 ou 3-0, ça ferait mal.» Aux abords du stade flambant neuf de Lusail, une ville située au nord de Doha, on croisait aussi des maillots de Messi par milliers et des fans de l’Albiceleste qui s’échauffaient la voix en espagnol devant les caméras du monde entier. On sentait enfin l’ambiance monter après quatre matchs où les supporteurs avaient été plutôt discrets. A l’intérieur du stade, ce sont pourtant les Saoudiens qui se sont le plus fait entendre. Même à 1-0, quand l’Argentine tenait le ballon et que la question n’était pas si mais quand cette dernière allait aggraver le score, les supporteurs des Verts tenaient les rangs et lâchaient plus de décibels que leurs adversaires.
Car les joueurs saoudiens, coachés par le Français Hervé Renard, ont bien mal entamé leur match. Ils ont été punis dès la 10e minute par un pénalty obtenu par Leandro Paredes et transformé par Lionel Messi. Le même Paredes n’était pas loin de doubler la mise quelques minutes plus tard mais son but a été refusé pour hors-jeu. Deux autres buts argentins seront d’ailleurs annulés pour les mêmes raisons. Mais la baraka n’explique pas tout. Les Saoudiens ont su faire preuve de résistance et d’opiniâtreté. Revenus des vestiaires avec bien plus d’allant, ils ont d’abord égalisé par l’entremise de Saleh al-Shehri à la 49e minute. Puis l’improbable s’est produit avec un magnifique pion de Salem Mohammed Al-Dawsari, qui a envoyé la balle en pleine lucarne après s’être débarrassé de quatre adversaires dans la surface.
En tribunes, les supporters saoudiens se sont littéralement enflammés. Pas une minute ne se passait sans qu’un nouveau chant ou clapping ne soit lancé, sous les regards des journalistes du monde entier qui sortaient leurs smartphones, un peu médusés, pour immortaliser l’instant. Le moindre tacle était célébré comme un but. Le moindre geste technique faisait se lever tout un peuple. Jusqu’au bout du match, les Faucons verts ont tremblé mais ont tenu bon. Jusqu’à tenir leur exploit. Au coup de sifflet final, longuement retardé par huit minutes de temps additionnel et cinq minutes de rab après qu’un défenseur saoudien, culbuté par son gardien, est sorti sur blessure, les verts et blanc ont pu exulter. En tribunes comme sur la pelouse, on avait le sentiment que l’Arabie Saoudite venait de remporter le Mondial. On n’en est pas encore là. Mais faire tomber l’un des grands favoris de cette Coupe du monde quand on n’avait jusque-là remporté que trois rencontres dans la compétition reine dans toute son histoire, cela mérite bien larmes, tour d’honneur et longues célébrations.
Après le match, en zone mixte, les Saoudiens se sont pointés les premiers, sourire aux lèvres, forcément, mais sans en faire des tonnes. «On a joué contre l’une des meilleures équipes de cette Coupe du monde, peut-être le favori, mais on a toujours cru en nous et on aborde les matchs de la même manière peu importe qui était l’adversaire, raconte sobrement Saleh al-Shehri, le premier butteur de la rencontre. On a célébré ensemble avec l’équipe, mais désormais on va rapidement se concentrer sur le prochain match. C’est aujourd’hui assez simple : il suffit de gagner un des deux prochains matchs pour aller en huitièmes.»
Les Argentins sont, eux, passés en zone mixte la tête basse, après une heure et demie passée en conclave entre les quatre murs d’un vestiaire. «C’est un coup très dur, une défaite qui fait mal, a déclaré la star Messi, seul à s’arrêter pour répondre aux questions avec le gardien Emiliano Martinez. Dans le vestiaire, il y avait une ambiance de mort. On ne s’attendait pas à commencer comme ça, mais ce groupe se distingue par son état d’esprit, cette union entre nous. Nous devons continuer à avoir confiance en nous-mêmes.» «Ça fait très mal, a admis l’attaquant Lautaro Martinez au micro de la télé argentine. Nous avons perdu sur les erreurs que nous avons commises, il y a des détails qui ont fait la différence et que nous devons corriger. Nous espérions vraiment commencer le Mondial par une victoire. Mais maintenant c’est fait et nous devons retourner à l’entraînement et penser à la suite.» La suite, c’est le Mexique dès samedi et la Pologne le 30 novembre. Deux gros morceaux. Dit autrement par Lautaro Martinez : «Il nous reste deux finales.»
Mise à jour à 15h25 avec le compte-rendu complet du match par notre envoyé spécial
© Libé 2022
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