En Argentine, le racisme contre les Noirs est monnaie courante. Et les Bleus de Mbappé font l’objet de violentes critiques et insultes.
Ce buzz aurait dû mourir immédiatement. Emporté par la loi de l’instantanéité des réseaux sociaux. Un mois exactement après avoir fait son apparition, le chant raciste entonné par de jeunes supporters argentins présents au Qatar refait pourtant surface. Devenu tendance sur les réseaux sociaux, il sera sans doute scandé par une partie du public de l’Albiceleste.
"Écoutez bien, faites-le savoir, ils jouent en France, mais sont tous d’Angola", commence cette chanson qui discrimine les joueurs noirs de l’équipe de France, les assimilant à des mercenaires venus d’autres pays. À chaque contrée sa couleur de peau, doit-on comprendre.
En Argentine, les préjugés liés à la couleur de peau sont monnaie courante. Parfois fondés sur une critique anti-coloniale, les propos à l’encontre des joueurs français révèlent surtout un niveau d’ignorance et un racisme qui semblent d’un autre temps. De nombreux Argentins ont du mal à accepter l’existence de Français "vraiment" Français et noirs à la fois.
Les commentateurs sportifs en sont le reflet. Parmi eux, Juan Pablo Varsky établissait, en début de compétition, la liste des joueurs français "d’ascendance africaine". Et de préciser : "Ils auraient pu jouer pour ces pays-là. C’est incroyable !" La publication de ce tweet sur son compte personnel, qui affiche deux millions de followers, trahissait le besoin de décrédibiliser par avance un hypothétique concurrent au titre.
Au milieu de cette vague de commentaires malvenus, Mbappé fait figure de cible numéro un. Surnommé la "tortue ninja" durant les directs commentés des grandes chaînes TV, il s’était attiré les foudres des Argentins depuis ses déclarations qui minimisaient le niveau de préparation des équipes sud-américaines. "L’Argentine et le Brésil ne jouent pas des matches de haut niveau avant de se qualifier pour la Coupe du monde. En Amérique du Sud, le football n’est pas aussi avancé qu’en Europe", avait-il déclaré, en juin dernier.
Celui qui sera son adversaire du jour, le gardien argentin "Dibu" Martínez, lui avait répondu : "À La Paz, t’es à 3 600 m d’altitude, en Équateur sous 30 degrés, en Colombie, tu peux à peine respirer. Eux [les Européens] jouent tout le temps sur des terrains nickels, bien arrosés. Ils ne savent pas ce que c’est, l’Amérique latine."
La rivalité sportive contribue aux tensions d’avant-match. Mais les dérapages de certains Argentins révèlent aussi leurs difficultés à assumer les couleurs de leur propre sélection.
"Pourquoi la sélection argentine n’a-t-elle pas de Noirs dans ses rangs ?", se demande-t-on à chaque Coupe du monde, alimentant le mythe de la nation blanche. C’est une histoire assez méconnue, mais Buenos Aires fut un port négrier durant l’époque coloniale. Les populations noires furent ensuite mobilisées dans les guerres d’indépendance puis lors de la "Conquête du désert", cette campagne militaire qui revint à coloniser les terres du Sud, au détriment des populations autochtones, décimées.
"Le pays a historiquement nié ses racines africaines et invisibilisé les populations noires immigrées. Cette tendance à l’invisibilisation touche aussi les joueurs de l’équipe nationale, qui affichent en réalité des teints de peau plus foncés", explique Gisele Kleidermacher, sociologue spécialisée dans l’étude des migrations sénégalaises dans le pays sud-américain.
Une peau foncée donc, blanchie par des générations de métissage. Tout récemment, un expert en généalogie a même trouvé des origines afros chez Maradona ! L’idole de tout un peuple descend d’un Noir, il va falloir s’y faire.
Ce background historique peut-il rompre les préjugés ? Avant le coup d’envoi, les voix de la raison (bien rares) se feront-elles entendre ? Parmi elles, celle du "twitto" Carlos Maslaton, qui avertit : "Messieurs, n’allez pas chanter cette chanson sur les Français qui sont tous d’Angola. On passe pour des cons, on ne peut pas adopter ce genre d’attitudes. C’est interdit dans nos tribunes." Adversaires ou pas, il n’y a plus qu’à espérer que les Argentins ne passent pas pour des cons.
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En 2018, on avait déjà lu certains commentaires disant que l'EDF était la première équipe africaine à remporter la CDM…
Evidemment qu'en France le racisme est très anecdotique au vue des résultats aux élections…