Il était encore sur un petit nuage au lendemain de la qualification historique du Maroc pour les demi-finales du Mondial qatarien… Contre la France. « C’était très fort émotionnellement », avouait Abdelatif Benazzi. Et quand il s’agit d’évoquer ce duel entre deux nations dont le sang coule dans ses veines, le colosse français est intarissable. Confidences avant « l’événement historique » de mercredi (20 heures) pour cet enfant d’Oujda (Maroc) qui a grandi et s’est révélé sous le maillot de l’équipe de France de rugby.
Quel sentiment domine après la qualification du Maroc, votre pays de naissance, et de la France, le pays dont vous avez défendu les couleurs à 78 reprises ?
C’est un événement historique ! Cette affiche, c’est comme si je devais choisir entre mon père et ma mère…
Quel sentiment domine après la qualification du Maroc, votre pays de naissance, et de la France, le pays dont vous avez défendu les couleurs à 78 reprises ?
C’est un événement historique ! Cette affiche, c’est comme si je devais choisir entre mon père et ma mère.
Vous avez regardé les deux quarts de finale avec la même émotion ?
Samedi, j’étais au match de rugby de mon fils sur le bord du terrain avec les écouteurs et la télé branchée sur le téléphone pour voir le Maroc se qualifier. Et évidemment, le soir, j’étais en famille à la maison pour assister à la qualification de la France. Bien sûr, il y a eu les victoires contre les Blacks ou les Tournois des 5-Nations gagnés, mais là, c’était exceptionnel.
France-Maroc dans le dernier carré de la Coupe du monde, vous imaginiez une telle affiche ?
C’est ce que je souhaitais depuis le début ! Symboliquement, ça va être très fort. D’autant que la plupart des joueurs du Maroc jouent en France, même Walid Regragui, l’entraîneur, a une formation française, il est de Corbeil-Essonnes.
On peut se dire qu’un France-Maroc en football sera sûrement moins déséquilibré que le même match en rugby…
Et pourtant, c’était déjà mon rêve en 2007. J’avais fini ma carrière et je voulais donner un coup de main à la fédération marocaine pour qualifier le pays à la Coupe du monde de rugby, mais ils n’y sont pas arrivés. Ils auraient pu se retrouver dans la poule de la France à la place de la Namibie.
Au-delà de l’aspect sportif, il y a une histoire commune entre ces deux pays qui a parfois été agitée et qui a laissé des traces…
Le sport permet des évolutions majeures, plus qu’en politique. Cette demi-finale, je la vois aussi comme un symbole, un trait d’union entre deux pays, deux cultures. Les deux équipes montrent un visage fair-play, comme quand Mbappé va voir Hakimi à l’hôtel. C’est beau ! Il faut que la jeunesse s’en inspire.
Vous avez assisté aux célébrations avec les supporteurs des deux camps samedi soir ?
Je suis directement sorti à Agen pour voir tous ces jeunes célébrer, il y avait des drapeaux marocains et français ensemble, c’était beau. Bon, je surveillais un peu pour voir s’il y avait un petit con qui cassait quelque chose. Je l’aurais amené moi-même au commissariat et il aurait été puni de France-Maroc. Quel que soit le résultat, il faut que la fête soit belle. Ceux qui viendraient casser ou quoi que ce soit, ce n’est ni le sport, ni être Français ou Marocains. Il faut leur mettre une branlée.
Vous ne faites donc pas partie de ceux qui appelaient au boycott du Mondial qatarien ?
Des amis qui sont au Qatar n’en reviennent pas et disent que l’image de l’islam ou des pays arabes qu’ils ont dans les médias n’a rien à voir. Sur place, ils découvrent la tolérance, la fraternité et l’accueil, c’est ça la vraie culture arabe. J’avais vu Michel Platini récemment qui me disait qu’il avait tout fait pour que ce soit un pays arabe qui organise cette Coupe du monde. Le sport, ces événements planétaires, leur donnent aussi la capacité d’évoluer. Leur culture s’ouvre sur le monde aussi.
🇲🇦👑🫶🏽… @AchrafHakimi pic.twitter.com/fDCyfMI7LM
Votre histoire sportive a débuté avec le football…
Oui, c’est la culture au Maroc, tout le monde joue au foot. Nous, c’était sur la plage, un peu comme au Brésil. Bon, moi, je faisais déjà 1,90 m et 110 kg donc ils m’ont dit de jouer gardien de but, j’étais un peu vexé. Heureusement, un professeur au collège m’a dit qu’il avait un sport pour moi, le rugby. Je lui ai demandé comment on marquait des buts, il m’a répondu « Très simple, tu prends la balle et tu l’aplatis derrière la ligne ! »
Zinédine Zidane a même dit qu’il avait connu le rugby grâce à vous…
On ne se connaissait pas, mais nos disciplines nous ont rapprochés. On est devenu très amis quand il jouait à Bordeaux, je me rappelle qu’il m’avait donné son maillot. Quand on faisait nos préparations de matches internationaux, ce n’était pas à Marcoussis mais en face de Clairefontaine, donc on les voyait souvent. On avait aussi une mission. On devait montrer aux gens de notre culture qu’ils ont la capacité de réaliser de grandes choses, ou juste de trouver un équilibre, devenir un citoyen grâce à sa passion.
Comment choisit-on de défendre les couleurs de la France alors que l’on est né dans un autre pays ?
C’est la passion et le parcours. Quand on vous dit que vous avez du potentiel, que vous pouvez progresser pour aller jouer au haut niveau, vous cherchez le haut niveau. Et le haut niveau, c’était l’équipe de France. Ça va au-delà de la double culture, de la France qui est devenue ma deuxième culture. Le rugby m’a permis de découvrir ce que c’était d’avoir un deuxième pays dans son cœur. Vous revêtez ce maillot bleu, vous défendez un pays, ses valeurs. Sans renier ses origines.
Pour parler du résultat de la demi-finale, quand on est binational, on se sent déjà en finale non ?
C’est sûr, je suis gagnant à 100 % !
Un pronostic pour mercredi ?
La France est ultra-favorite, mais elle a déjà gagné deux Coupes du monde, si elle pouvait en laisser une au Maroc…

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