C’était, en 2022, l’innovation marketing de la campagne du Rassemblement national : une quinzaine de bus à l’effigie de Marine Le Pen sillonnant les routes de France. Problème, les 316 182 euros correspondant aux dépenses de « flocage et déflocage » des cars viennent d’être retoqués par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Motif : le code électoral interdit tout affichage relatif à l’élection en dehors des panneaux officiels. Marine Le Pen a saisi le Conseil constitutionnel.
C’est la seule candidate à avoir formulé un tel recours contre la décision de la Commission des comptes de campagne, qui a publié jeudi soir le résultat de ses contrôles. Les autres candidats ont accepté, eux, le fruit des investigations, même si l’instance de régulation a pu, parfois, leur taper sur les doigts pour des demandes de remboursement surprenantes.
Le candidat Jean Lassalle ne pourra, ainsi, pas se faire rembourser sur ses comptes électoraux la somme de 465 euros, correspondant à l’achat de 19 billets pour assister à un match de rugby, « le caractère électoral de l’évènement n’ayant pas été démontré ». Pareil pour les 6 048 euros de location d’un appartement Airbnb pour loger les salariés de la campagne de Yannick Jadot, qui « bien qu’engagés pendant la campagne, n’ont pas cette finalité ».
En fouillant dans les pages touffues du Journal officiel, on retrouve d’autres « perles » semblables. On apprend ainsi qu’Anne Hidalgo a tenté de se faire rembourser les « 1 600 euros de commandes de café » de sa permanence. Raté : « seules les dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection et spécifiquement destinées à l’obtention des suffrages sont imputables au compte de campagne », rappelle l’instance de contrôle. Les billets d’avion de la candidate PS pour se rendre dans les congrès du Parti socialiste européen connaîtront pareil recalage, pour les mêmes raisons.
Plus surprenant, Anne Hidalgo a tenté de se faire rembourser une série de dépenses insolites : 772 euros de « pénalités pour retard de paiement du prélèvement à la source sur les salaires des personnes employées pendant la campagne », 2 239 euros de « facture de réparation des dégradations apparues à la suite de la dépose d’un revêtement plastique installé sur un des murs du local de campagne » et des dépenses de « réfection partielle de la peinture » au moment de l’état des lieux de sortie. Tous retoqués également.
Elle n’est pas la seule à se faire reprendre pour des dépenses jugées non électorales. Jean-Luc Mélenchon l’a été aussi en demandant le remboursement de la somme de 10 419 euros, correspondant à des frais de déplacement au Sénégal et au Chili. Et pour une dépense jugée irrégulière : l’impression de 1 200 000 autocollants, pour la modique somme de 28 875 euros. Jean-Luc Mélenchon les justifie par la volonté d’« une meilleure visibilité lors des événements de campagne ». L’institution n’est pas de son avis : elle critique « un aussi grand nombre d’autocollants » et relève qu’une « partie significative » ait été apposée hors panneaux officiels.
Pour le candidat Emmanuel Macron, la Commission a trouvé à redire sur la faramineuse prime pour la photographe qui s’est occupée de l’affiche présidentielle : 30 000 euros. « Une dépense insuffisamment justifiée », tacle l’instance de contrôle. Les membres de l’autorité indépendante épinglent également le président-candidat pour avoir utilisé son compte Twitter officiel, et non le compte de sa campagne, afin de diffuser sa « lettre aux Français ».
Chez Éric Zemmour, l’instance indépendante intègre aux comptes de campagne la somme de 16 000 euros, pour avoir utilisé des images protégées sans autorisations dans son clip de déclaration de candidature. À l’inverse, la Commission rejette une facture de 13 000 euros de « conseils en communication » versés à une personnalité. Selon Le Parisien, il s’agirait de la Bretonne et l’ex-gilet jaune Jacline Mouraud. La raison du rejet financier ? Les conseils sont « non démontrés ».
Malgré ces pépites, les comptes de campagne des douze candidats à la présidentielle de 2022 ont tous été approuvés. Accompagnés, parfois, de sanctions financières, en raison des irrégularités relevées : 100 000 euros de remboursements amputés sur les comptes d’Emmanuel Macron, 300 000 pour Le Pen (sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel), 200 000 pour Zemmour ou 15 000 pour Mélenchon et Pécresse. En dépit des critiques, aucune sanction n’a été émise contre Jean Lassalle, Fabien Roussel et Anne Hidalgo. Seule Nathalie Arthaud a fait un sans-faute : la Commission n’a trouvé rien à redire à ses comptes.