Depuis l’autre bout du fil, la voix du coach des trois-quarts de Grenoble est calme, en ce mercredi matin. Les mots sont choisis, l’émotion est palpable et la pression pas encore à son maximum. Nicolas Nadau s’apprête à vivre un match particulier, ce vendredi, au moment d’affronter le Biarritz Olympique (21 heures). Tout comme son collègue des avants, Arnaud Héguy, ancien joueur du BO (2011-2014).
De 2019 à 2021, Nadau était entraîneur principal et des lignes arrières biarrotes avant de quitter le club dans la liesse d’une victoire en barrage contre Bayonne (6-6, 6-5 tab), synonyme de montée en Top 14. Il avait alors rejoint le FCG, avec qui il était en contact, pour une autre aventure.
Pour les joueurs, les matchs face à leur ancien club sont toujours particuliers. Est-ce pareil pour les entraîneurs ?
C’est un peu le cas oui. Face au BO, c’est surtout particulier parce qu’il y a beaucoup de souvenirs sur ce qu’on a pu vivre ensemble. Ça va être beaucoup d’émotion. Je suis très content et très fier de les retrouver. Une fois qu’on a dit ça, il faut aussi vite basculer sur nous, notre équipe, nos joueurs et ce qu’on a préparé pour ce match.
Y a-t-il une pression supplémentaire pour un coach lorsqu’on connaît bien l’équipe adverse ?
Les gens vont sûrement se dire que je la connais tellement que j’ai tout fait en fonction de ça. En réalité, je ne la connais plus tant que ça. Beaucoup de choses ont changé. Depuis, ils ont quand même vécu une saison en Top 14, pris une tournure vraiment offensive et il y a gros accent de jeunesse. Ces joueurs étaient au centre de formation lorsque j’entraînais l’équipe première. Ils apportent une certaine fougue et permettent une autre approche à l’ensemble du groupe.
Tout a-t-il vraiment changé ?
Il y a tout de même quelques éléments que je retrouve comme la défense qui est un secteur sur lequel Shaun (Sowerby) est très très exigeant. Ils sont premiers sur de nombreux points, notamment celui-là. À l’image de ce que montre l’équipe d’Afrique du Sud, d’où vient Shaun, il y a ce goût pour le jeu de contact, la rugosité dans l’affrontement et je sais très bien à quoi m’attendre.
À votre arrivée au Pays basque en 2019, vous aviez d’abord été en colocation avec Shaun Sowerby que vous ne connaissiez pas…
Ce recrutement avait été fait un peu dans l’urgence. Nous étions début juin et il fallait faire en sorte que tout soit prêt. Avec Shaun, on s’était donc retrouvé, en plein été, dans une maison en location à Ahetze pour préparer la saison. On avait alors construit quelque chose grâce à beaucoup d’échanges autour du projet de jeu. On avait créé un truc assez fort.
Alors la frustration n’a-t-elle pas été trop forte au moment de quitter le club sur une montée en Top 14 ?
Ne pas entraîner en Top 14 a évidemment été frustrant et ça l’est toujours aujourd’hui. Mais la vie est faite ainsi. Quand vous ne parvenez pas à tomber d’accord pour poursuivre, c’est le moment où les chemins se séparent. Je ne regrette pas du tout ce choix.
Même durant la saison suivante qui a été particulièrement difficile pour le FCG avec une douzième place finale ?
Oui. Évidemment les doutes étaient présents en fin de saison sur ce que nous, staff, étions en capacité de donner aux joueurs. Nous avons fait un audit en interne. La remise en question et la grosse implication du manager Fabien Gengenbacher ont permis de se mettre sur la bonne voie. Nous sommes loin d’être arrivé mais, cette saison, on a un peu tout ce qu’on n’avait pas la saison dernière, le bon rebond, la conquête en réussite…
Pour revenir au match, ce Grenoble – Biarritz sera l’occasion d’un jeu ouvert…
Oui même si leur longue tenue du ballon s’oppose à notre pragmatisme. Ils ont la possession, franchissent beaucoup, marquent beaucoup d’essais. Nous sommes réalistes lorsque les occasions se présentent. Vu nos classements, les deux recettes fonctionnent, ça promet un très gros match. Pour nous, c’est un vrai premier challenge face à l’une des meilleures équipes du championnat et clairement candidate à la montée avec Oyonnax.
Cette équipe biarrote a très peu bougé depuis le début de la saison. Comment l’analysez-vous ?
C’est aussi une chose qui nous différencie. Nous avons déjà utilisé 43 joueurs pendant qu’eux, sont plutôt sur une démarche de stabilité avec une sorte d’équipe type. Et ce au-delà des blessures. Je reconnais aussi là, la touche de Shaun. Il ne lâchera rien avec ses joueurs. Il a une très grande exigence et leur demandera de donner le meilleur d’eux à chaque fois et jusqu’au bout.
Le fait que ce test de caractère se joue contre Biarritz rajoute-t-il à l’émotion ?
Le symbole est vraiment particulier : aux alentours du 7 décembre 2020 (le 17 en réalité), on gagne avec Biarritz à Grenoble (14-18) et cette victoire lance véritablement notre saison avec la fin que l’on connaît. C’est donc un vrai rendez-vous pour nous. On va voir si nous gardons notre pragmatisme et si nous réussissons à rehausser notre niveau de jeu. C’est le premier gros que nous recevons après être allés à Vannes (défaite 26-10) et avoir pris une petite fessée à Oyonnax (46-13).
Vous qui avez connu une forte actualité extra-sportive lors de votre passage au BO, que vous inspire ce potentiel départ des dirigeants vers Nice ?
Je n’ai rien dit depuis mon départ, il y a deux ans, je ne vais pas commencer maintenant que je n’y suis plus. C’est le club qui m’a relancé quand je n’avais rien. Je ne vais pas prendre position.