Président du club depuis 2006, Bernard Pontneau (65 ans) passera la main en décembre 2023 avec le top 6 dans le viseur la saison prochaine. Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.
Le club flirte avec la zone de relégation depuis quelques saisons. La peur de descendre est-elle présente ?
On sort d’une saison plutôt positive avec la capacité de rentrer dans les six jusqu’aux deux derniers matches. On n’était pas mûr pour ça et ça s’est vu. C’est vrai que les saisons d’avant ont été un peu plus délicates. Cela fait huit ans qu’on est remonté en Top 14. Les quatre premières années avaient été beaucoup moins compliquées.
Le dernier Top 6 remonte à la saison 2002/2003. Le club est-il voué à jouer le maintien ?
Non ! En 2018, on fait une finale Espoirs contre Clermont. De cette équipe-là, on amène 12 ou 13 joueurs vers le professionnalisme et en Top 14. Depuis, certains sont à Bordeaux, au Stade Français ou ailleurs. Après l’arrêt de Conrad Smith, Julien Pierre ou Colin Slade qui avaient amené le groupe aux portes du Top 6, on avait fait le pari de la transition, un choix de jeunesse qui a finalement été très compliqué et qui a fait flirter le club avec la descente.
Depuis, on est parti sur un projet avec Sébastien Piqueronies qui est de nouveau basé sur de jeunes joueurs, avec un groupe qu’on a revu depuis l’année dernière qualitativement et quantitativement, et aujourd’hui il arrive à une certaine maturité avec des victoires contre l’UBB, La Rochelle, Toulouse, un point ramené de Lyon où si on l’avait emporté il n’y avait pas grand-chose à redire.
Ce groupe a un vrai potentiel, mais parfois manque de maturité criante pour tenir les matches ou les finir. On s’est ainsi raté contre le Stade Français alors qu’on menait 29 à 3 à une quinzaine de minutes de la fin et qu’on a su de manière admirable (sic) perdre (29-31, Ndlr). Il y a néanmoins des circonstances atténuantes car on a eu pas mal de blessés en ce début de saison, une quinzaine à l’infirmerie dont 12 ou 13 qui comptaient vraiment dans le rendement de l’équipe sur un bloc de 10 matches consécutifs.
Néanmoins, on est quand même face à un championnat compliqué, très serré où sur un match vous pouvez vous retrouver à flirter avec le Top 6 ou le bas du tableau. A nous de transformer l’essai pour pourquoi pas jouer autre chose.
Quel est l’objectif à moyen terme ?
On est parti avec un groupe de joueurs que certains regardent dans le staff de l’équipe de France… et on s’est retrouvé sur le terrain suite aux blessures avec deux jeunes, Gailleton et Mondinat, avec un rendement très intéressant, notamment Gailleton. Cette année, il y aura pas mal de joueurs en moins de 20 aux couleurs de la Section Paloise. C’est un signe (assumé). On va renforcer le groupe par des joueurs à plus forte maturité et qui auront connu d’être dans le Top 6 ou d’avoir flirté avec des titres. Il manque au groupe deux ou trois joueurs de ce type-là qui peuvent générer une plus grande rapidité de maturité globale.
Pour viser au final quoi ?
Cette année est encore une année de transition pour le Top 6. On peut néanmoins le faire si on ne se rate pas comme contre le Stade Français. Mais la saison prochaine, ce sera assurément l’objectif affiché.
Le titre est-il envisageable ?
Le club a 120 ans. Des clubs comme nous, si je regarde autour, ils ne sont plus là ! Ils ne sont plus en Top 14 voire très, très loin. Le rugby a changé. Nous, on y est ! Ça fait huit ans qu’on s’y est stabilisé. On a passé neuf ans en Pro D2, mais on a retrouvé le Top 14 et il faut le regarder avec ambition et humilité. On est dans la construction avec des partenaires solides, mais on est dans l’économie réelle du rugby. Nous sommes soutenus par la première société du CAC 40 en France (Total, Ndlr), un partenaire depuis plus de 30 ans qui accompagne le club dans ce projet. Le club aura de la croissance et il grandira en regardant vers le haut.
Avec aujourd’hui seulement le 10ème budget…
On se rappelle dans trois ans ! Le salary cap a provoqué un resserrement de l’élite, un Top 14 beaucoup plus passionnant. Même des grosses cylindrées, quand il leur manque quatre ou cinq joueurs, ce ne sont pas les mêmes équipes. Ce resserrement, on l’a voulu pour garder le Top 14 ouvert et on l’observera de plus en plus si tous les clubs respectent le salary cap. Il y a 10 ou 11 clubs aujourd’hui qui peuvent prétendre aux phases finales.
Castres, avec un budget moindre que Pau, a réussi à être champion de France…
Je ne suis pas la filiale d’un grand groupe… Total n’est que partenaire de la Section. S’il le souhaite, il peut même s’acheter le Top 14, mais ce n’est pas son état d’esprit. L’objectif de Total n’est pas d’inonder d’argent le club afin qu’il constitue la meilleure équipe du championnat pour aller chercher un titre. Il représente un certain pourcentage en tant que partenaire et je pense qu’ils seront toujours à cette hauteur-là, dans la mesure aussi où le club trouve ses ressources dans la durée. On ne doit pas être dépendant uniquement de Total.
Rêvez-vous néanmoins du Brennus ?
Tout le monde en rêve et les clubs s’organisent pour le décrocher. Bayonne est en train de faire un projet très intéressant, Brive est aussi en train de s’armer, des clubs qui sont, pour le moment, souvent vus comme des clubs de bas de tableau, mais il faut leur laisser le temps de grandir comme la Section dans une économie et dans une organisation de club qui est la leur.
S’appuyer sur les jeunes, c’est bien, mais il faut ensuite pouvoir les garder…
Ceux qui veulent partir partiront ! On ne continuera qu’avec ceux qui veulent rester dans le projet qui sera très formateur. Ce sera notre leitmotiv et notre credo. Mais on sait qu’on en perdra. On en a emmené 13 issus de la formation paloise en Top 14. Qui dit mieux depuis 2018 ?
Après la rénovation du stade, quels sont les autres projets du club ?
On est sur un très gros projet ça fait partie de la pérennité et de l’attractivité du club de centre de formation et de haute performance qui sera juxtaposé au Hameau. On espère le voir naître sur un permis de construire qui arrivera dans les six mois. C’est la dernière pierre depuis que le stade a été refait.
Quelle est la place de la section par rapport aux clubs de basket et de foot local ?
Au niveau des affluences, on est leader lié à un territoire très rugby. Le basket tourne actuellement autour de 3000 spectateurs et le foot autour de 2500.
Le club de basket a failli disparaître cet été suite à la mauvaise gestion de repreneurs américains. Cela ne vous a-t-il pas interpellé ?
On a eu une réflexion car, au départ, la Section Paloise est un club omnisports avec aujourd’hui 12 sports. On s’est posé la question de savoir s’il y avait un intérêt de progresser dans l’omnisports avec le basket professionnel voire le handball. Finalement, la réponse a été non. Peut-être un jour, mais le club dans son développement et sa maturité économique, ce n’était pas le moment de le faire. Cela n’ajoutait pas de valeur au projet.
La présentatrice de Canal + Isabelle Ithurburu ne cache pas sa passion pour la Section. N’avez-vous pas songé à l’intégrer au projet ?
(rires) Je n’ai pas envie de la mettre en conflit d’intérêt. Elle reste néanmoins proche du club. Quand on sort un livre sur les 120 ans du club, elle témoigne d’ailleurs clairement de son affection pour le club.
Elle pourrait par contre avoir un rôle sur une section féminine…
Ce serait différent et elle serait une valeur ajoutée. C’est une idée qui nous a traversé la tête, mais nous ne lui avons pas demandé. Nous avons une section féminine qui est le club de Lons, une ville qui fait partie de l’agglomération paloise. On les soutient financièrement depuis six ans et ça va se renforcer, le projet féminin prend de l’ampleur, est très regardé par les partenaires et sera très valorisé à court et moyen terme.
Est-il toujours d’actualité que vous passiez la main en décembre 2023 ?
C’est acté. J’en ai fait pas mal. Le club est remonté. On a beaucoup travaillé sur le fond, sur le partenariat, pour pouvoir figurer dans ce championnat très relevé. J’ai un très bon directeur général (Pierre Lahore, Ndlr) qui assure beaucoup du quotidien. Je suis très pris dans ces nouveaux projets car c’est la dernière pierre à l’édifice pour doter ce club d’une attractivité importante pour le rugby du futur. Je voudrais parachever ça et après je tirerai ma révérence. Le conseil d’administration dont je ferai toujours partie décidera de mon successeur.
Pour beaucoup, Sébastien Piqueronies, entraîneur champion du monde avec les moins de 20 ans en 2018 et 2019, est une des pièces du renouveau de l’équipe de France. Cela doit vous faire plaisir !
Il a beaucoup œuvré auprès des jeunes et a su créer cette situation de levier avec deux titres mondiaux. Il a une force de conviction pédagogique tout à fait remarquable. Après, c’est un tout, il y a aussi l’organisation des clubs et la structuration des centres de formation que ce soit en Top 14, en Pro D2 ou plus bas.
On a su amener des générations de vrais professionnels du sport de haut niveau. Je suis président depuis 16 ou 17 ans et j’ai vécu pendant des années avec des types qui avaient des salaires de pros, mais qui n’étaient pas pros. Le sélectionneur national se retrouve aujourd’hui avec un choix assez large qui lui permet d’ambitionner des résultats importants. C’est la réussite et le travail du rugby français, de la Fédération aux clubs professionnels qui ont su sortir ces jeunes-là.
Des joueurs ont attaqué la Fédé et la Ligue en raison des commotions. N’êtes-vous pas inquiet en tant que président de club ?
Ça va être la nouvelle mode… S’il y a de l’argent à gagner en fin de carrière, certains iront… Il faut faire la part des choses. Le rugby est le sport qui a le plus encadré les commotions avec des procédures et des process. Tout est encadré pendant les matches et après avec des process de reprise très précis. Je connais un des joueurs qui attaque, quand il voyait le gazon, il avait un mal de tête et quand il voyait la lumière de la boîte de nuit, il n’avait plus mal…
Je ne dis pas que ce contexte de commotions ne doit pas être pris au sérieux, le rugby va aujourd’hui plus vite donc les impacts sont plus importants, mais tous les clubs sont très précautionneux. Dès qu’il y a commotion, ça sort même du staff médical du club, c’est traité par des neurologues. Il ne faut pas provoquer une psychose irrationnelle d’inquiétude. Après, on est au niveau de l’évolution de la science, ni plus ni moins, et il faudra aller de l’avant dès que la médecine pourra nous procurer d’autres capacités de jugement, de marqueur.



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