Un menu BigMac Maxi Best Of, frites et coca. Ceci n’est pas une annonce en touche pour tromper l’adversaire. C’est la commande la plus entendue par Rémy Baget lors de sa dernière année en espoirs au Stade Toulousain (2017-2018). L’ailier bayonnais, 25 ans aujourd’hui, partageait son temps entre les entraînements et le guichet du McDrive de Compans-Caffarelli. La suite…
Un menu BigMac Maxi Best Of, frites et coca. Ceci n’est pas une annonce en touche pour tromper l’adversaire. C’est la commande la plus entendue par Rémy Baget lors de sa dernière année en espoirs au Stade Toulousain (2017-2018). L’ailier bayonnais, 25 ans aujourd’hui, partageait son temps entre les entraînements et le guichet du McDrive de Compans-Caffarelli. La suite était prévue chez lui, du côté de Gaillac, à jouer « avec les copains ». Elle a pris une tournure différente. Un départ inespéré à Bayonne (2019) pour un bail d’un an finalement renouvelé, quelques longs mois à « bouffer de la merde aux entraînements » (Eric Artiguste) et l’explosion la saison passée : titulaire incontournable, le numéro 11 a terminé meilleur marqueur de Pro D2 (16 essais), avec une nomination parmi les trois meilleurs joueurs de l’exercice. Cerise sur le gâteau basque, il a passé une partie de son été au Japon, avec le XV de France.
Si vous aviez parié sur un tel parcours, vous coulez actuellement de paisibles jours au soleil. Même le principal concerné n’en revient pas. « C’est complètement improbable », s’étonnait-il récemment (1), en se remémorant ses heures passées chez Ronald. Une obligation autant qu’un choix. Après deux saisons sportives en pointillé, « Baguette » décide de s’investir à fond pour sa dernière chance. Problème : le lycée hôtelier est terminé, la maison familiale à Rabastens (Tarn) trop éloignée. « J’ai décidé de rester vivre à Toulouse pour mettre toutes les chances de mon côté. Même si ma mère m’aidait beaucoup, j’ai pris un contrat de 25 heures à McDo pour payer le loyer. »
Son entraîneur était dubitatif. « Auparavant, il était là sans être là, se souvient Eric Artiguste. Il n’avait pas une motivation particulière. Il s’amusait comme un jeune. Il faisait la vie (sic). » Quelques mois plus tard, le technicien rejoint Yannick Bru sur les bords de Nive. Dans ses bagages : Rémy Baget. Et pour cause, le joueur a réalisé une séduisante saison avec les jeunes du Stade. « Un jour, à Agen, j’ai voulu le sortir. Le capitaine Alexandre Loubière (aujourd’hui à Massy) était venu me voir : ‘‘Ne le sors pas s’il te plaît, il fait basculer les matches.’’ C’était vrai. Rémy est un mec atypique. Tu le vois dans un coin et chaque fois qu’il touche le ballon, il t’interpelle. » Pas que sur le terrain. Grégory Patat l’a constaté.
« Rémy, c’est l’un des seuls joueurs qui a osé m’appeler la saison dernière pour savoir si je comptais sur lui, raconte le manager, arrivé aux commandes de l’Aviron cet été. C’est un signe de maturité. Il a les pieds sur terre. Il a eu des échecs par le passé. Il n’était pas sûr d’être conservé par le milieu pro. Il est conscient que tout aurait pu s’arrêter avant, il sait aussi que ça peut s’arrêter après. » D’ici 2024 et la fin de son contrat, il est assez serein.
Le déclic, le dernier, est intervenu contre Toulouse, son club formateur qu’il retrouve ce samedi à 21 heures. 15 mai 2021, l’Aviron s’impose à Ernest-Wallon (28-32) et sort de la zone rouge à deux journées de la fin du championnat. Auteur d’un essai, Baget, peu utilisé jusque-là, bouscule l’ordre établi. Il n’était même pas prévu sur la feuille de match. « La veille à l’hôtel, Yannick Bru m’annonce que je vais commencer. Ravouvou s’était blessé. » L’ailier disputera les deux rencontres suivantes. Pas le barrage d’après contre Biarritz, synonyme de relégation à l’étage inférieur.
« Si je n’y arrivais pas en Pro D2, je m’étais dit que je n’irais pas batailler ailleurs. J’avais déjà dit à mes copains que c’était la fin. Aucun club ne me voulait. » Ce n’est pas tout à fait vrai. Carcassonne s’est manifesté, par l’intermédiaire de Christian Labit. Son ami Yannick Bru a tiqué. Contrat prolongé. D’une seule année. Encore. Confiance modérée.
« Il partait de loin, raconte l’ancien entraîneur du XV de France. Il était hyper outsider. Il a bossé, puis aux entraînements, on ne voyait que lui. » À tel point que ses équipiers rechignaient à se positionner en face. « Il a un talent dans l’anticipation, dans la compréhension, dans l’audace. Et une grosse force de travail. Il peut dire merci à Ludovic Loustau (ex-préparateur physique) pour la dimension athlétique, et à Cancan (Artiguste) pour la dimension affective. »
Le staff le surnommait affectueusement « Le fils à Cancan ». « Il voulait le coucher à chaque fois sur la feuille de match », rigole Bru. « Ils me faisaient chier avec ça, feint de s’agacer Artiguste. J’appuyais son cas, comme d’autres. Ça me paraissait juste. Il mettait la misère à tout le monde à l’entraînement. » En charge des trois-quarts cette saison, Gerard Fraser partage le point de vue. Il l’aligne pour la huitième fois en neuf matches, ce samedi contre Toulouse. « Il est capable de débloquer des situations comme ça, décrypte le Néo-Zélandais en claquant des doigts. Malgré son changement de statut, il est important qu’il garde son exubérance dans le jeu. »
Et qu’il confirme en Top 14. « Il est surligné dans les ‘‘preview’’ de match (montage vidéo) des adversaires car maintenant, tout le monde sait qu’il y a Rémy Baget à une aile, et qu’il a de l’audace », affirme Bru. « Mon but, c’est de passer ce nouveau cap, pas de penser à l’équipe de France, jure le finisseur (1 essai cette saison). Je ne veux pas décevoir le nouveau staff qui m’a fait confiance. Ni être le joueur d’une seule bonne saison. » Une manière aussi de remercier Patricia, sa mère. « Elle m’a toujours poussé et encouragé, comme mes deux sœurs. » Dont l’une jouait aussi au rugby. « Elle allait la chercher au lycée à Mazamet, l’amenait à l’entraînement à Saint-Orens, venait me voir à Toulouse, puis rentrait à Rabastens. Certains joueurs ont besoin d’un cocon familial. Moi, je l’ai. »
C’est elle, aussi, qui a poussé son fils à solliciter un ami de la famille, à son arrivée au Pays Basque. « Il n’osait pas me demander de l’héberger », raconte Grégory Hecquet. Avec sa femme et son fils, ils l’ont accueilli trois mois, « le temps qu’il mette quelques sous de côté. » Et qu’il découvre le Pays Basque. Le responsable du « comité des fêtes » du groupe bayonnais n’a pas tardé à se sentir chez lui. Dès ses premières fêtes de Mouguerre, il a estimé, au gramme près, le poids du jambon de Bayonne à remporter. L’expérience de la restauration, sans doute.