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Paris (AFP) – A peine nommée, Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des JO, se disait “under pressure” (sous pression) après le fiasco de la finale de la Ligue des champions au Stade de France. Neuf mois plus tard, c’est elle qui met la pression sans relâche à un monde sportif fédéral français englué dans les affaires.
Vendredi matin, c’est elle qui annonce officiellement la démission de Bernard Laporte à la sortie d’un comité directeur de la Fédération française de rugby (FFR) où elle s’était invitée pour “faire passer des messages”.
Et de lâcher en guise d’épitaphe professionnelle de celui dont elle veut la tête: “c’est quelqu’un qui a apporté au rugby français, il a aussi des éléments positifs dans son bilan”, avant de filer à Saint-Denis visiter le centre aquatique olympique aux côtés de la Première ministre Elisabeth Borne.
Depuis plusieurs semaines, “elle met une pression habile”, observe Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, co-présidente de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), d’un autre bord politique, et fine connaisseuse du monde sportif fédéral.
“Il fallait un chef dans la boutique”, expliquait il y a quelques semaines le patron de l’Insep et ancien champion de judo Fabien Canu, déjà séduit. “C’est le retour d’une ministre politique”, claque un ancien élu qui la côtoie.
Nombre d’acteurs du sport saluent le “courage” de cette “belle mécanique intellectuelle” face à des figures du sport français réputés indéboulonnables.
La justice et la presse sont aussi passés par là.
En quatre mois, les deux figures du rugby français, Claude Atcher et Bernard Laporte, ont été effacés de la photo de la future Coupe du monde en septembre 2023.
Dès l’enquête très fouillée du journal l’Equipe en juin sur les pratiques managériales de Claude Atcher à la tête du comité d’organisation du Mondial-2023, la ministre a dégainé une arme peu usitée sous les présidences Macron: lancer l’inspection du Travail.
Après un été passé à “s’accrocher”, Claude Atcher est poussé dehors, au fil des enquêtes judiciaires qui suivent les enquêtes administratives. “Macron a appelé Laporte pour lui dire de lâcher Atcher, si cela avait été que +AOC+ (NDLR, l’acronyme de la ministre) il aurait peut-être résisté”, croit savoir une source du monde sportif.
Quant à Bernard Laporte, il s’est immédiatement pris la foudre après sa condamnation à deux ans avec sursis pour corruption en décembre: celle-ci fait “obstacle” à ce qu’il reste à la tête de la fédé de rugby et il doit y avoir des élections.
Issue de la même promo de l’Ena qu’Emmanuel Macron, Amélie Oudéa-Castéra “a l’oreille du président”, explique à l’AFP un ancien élu macroniste. Et difficile d’imaginer que sur le sujet du devenir du président de la Fédération française de football (FFF) Noël Le Graët, lui sous le coup d’un audit dont les conclusions ne vont pas tarder et d’une enquête préliminaire pour “harcèlement sexuel”, tout ne soit pas piloté de concert avec l’Elysée.
“Elle joue son rôle de ministre sans intrusion, elle respecte l’autonomie des fédérations”, constate Emmanuelle Bonnet-Oulaldj. “C’est une énarque qui été à la tête d’une fédération (tennis, ndlr) et qui connaît très bien l’environnement des fédérations et de l’Etat”, ajoute-t-elle.
– Culture +Excel+-
Car la frontière entre l’expression de l’autorité de tutelle — transformé depuis 2021 en un contrat avec l’Etat — et l’immixtion dans l’autonomie des fédérations est mince. La ministre prend d’ailleurs grand soin d’affirmer régulièrement qu’elle respecte cette autonomie. Elle a aussi lancé une inspection sur la Fédération des Sports de glace après l’élection de Gwenaelle Noury, une inconnue soupçonnée d’être téléguidée par l’ancien président Didier Gailhaguet.
“Elle démontre qu’elle peut faire bouger les choses, peut-être que parfois elle va un peu trop loin et trop rapidement”, commente auprès de l’AFP le sénateur LR Michel Savin, après son baptême du feu de la finale de la C1 au Stade de France. “+Don’t crack under pressure+”, avait-t-elle tweeté avant une audition au Sénat.
Ce côté “Madame Propre” du sport français peut aussi agacer. De même que son style “tout en contrôle”. “C’est la culture +Excel+ des ministres macronistes”, commente un socialiste vieille école. “AOC c’est: +avant c’était bien mais maintenant c’est moi+”, raconte un élu qui la pratique en réunion.
“Il faudrait qu’elle arrête le micro-management”, glisse un membre proche du comité d’organisation des JO. “Elle a beaucoup d’ambition”, résume un élu. “Elle est partout, elle va se cramer”, s’inquiète presque un autre.
© 2023 AFP
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