Publié le 05/11/2022 à 11h38
Jean-Paul Cohade
Quand le train de la Coupe du monde de rugby est entré en gare d’Aurillac, ce samedi 5 novembre, la motrice et ses wagons sont allés à la rencontre d’une mémoire vivante de la compétition : l’entraîneur principal du Stade Aurillacois.
Roméo Gontinéac, c’est quatre éditions disputées comme joueur, quatorze matches sur le pré et une cinquième édition en tant que sélectionneur. Une occasion en or pour demander au technicien cantalien, ancien capitaine de la Roumanie, d’ouvrir sa boîte à souvenirs d’un événement qui a accompagné sa vie de joueur et sa vie d’homme.
Tout commence dès sa première participation, en 1995. À quelques semaines de fêter ses 22 ans, le trois-quarts centre y a débuté une romance longue durée, dans un pays qui, alors, s’ouvrait au monde.En quatre éditions comme joueur, Roméo Gontinéac a disputé 14 matches de Coupe du Monde Photo : collection personnelle Roméo Gontinéac.
« Avant ma première Coupe du monde, en Afrique du Sud, j’avais lu comment ça s’était passé avant, en 1987 et 1991. Mais c’était la première fois que toutes les équipes étaient réunies sous un même chapiteau, un peu comme les olympiades, avec les joueurs dans le costume de leur équipe nationale. C’était la troisième édition, mais pour la première fois toutes les formations étaient là. C’était la volonté de Mandela de réunir le peuple, ce qu’il avait fait lui-même avec le peuple sud-africain. »
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Dans ce premier grand événement qui voit l’Afrique du Sud retrouver le concert des nations après des décennies d’apartheid, Roméo Gontinéac rencontra pour la première fois l’équipe qui l’a le plus accompagné en phase de poule, l’Australie. Il rencontra aussi celle qui partage sa vie, son épouse Lucinda.
« J’ai été doublement récompensé, sourit Roméo Gontinéac. J’avais séduit le sélectionneur pour continuer mon aventure en équipe nationale et j’ai séduit ma femme. C’est vrai que chaque Coupe du monde a été marquée par des événements de ma vie personnelle. »
Amusé, le technicien, note d’ailleurs que ses deux enfants sont nés, chacun, neuf mois après une Coupe du monde.
Vice-capitaine et même capitaine face à l’Australie en 1999 avant de retrouver le brassard sur les éditions suivantes, l’Aurillacois a connu tous les honneurs avec sa sélection et des stades qui marquent à vie.
« Mon dernier match, même si ce n’était pas le plus beau stade du monde, c’était à Toulouse, dans une enceinte archi-pleine et contre la Nouvelle-Zélande. Même si on n’était que le Petit Poucet et que les gens venaient voir les All Blacks, ça te transcende. Je me souviens d’un match, en 2003, contre l’Australie, à Sydney et c’était la même chose. On avait eu aussi la chance d’être en Tasmanie, toujours en 2003 et de jouer la Namibie. Là, le public était partagé entre deux couleurs : la moitié pour la Namibie, l’autre pour la Roumanie, c’était ça, la vraie Coupe du monde ! Un autre stade magnifique, c’était Marseille, en 2007. On joue contre l’Italie. C’était quelque chose de gigantesque. »Le dernier match du Mondial disputé par le trois-quarts centre a été face aux Blacks, en 2007, pour sa seule confrontation face à cette équipe. Photo collection personnelle Roméo Gontinéac
Gigantesque, c’est un qualificatif qui colle à l’autre moment fort de cette édition, sa dernière, disputée à la maison pour le Franco-Roumain, ce fameux match contre les Blacks, qu’il n’avait jamais affrontés, malgré plus de soixante-dix sélections en quinze ans de carrière internationale.
« C’était un autre monde. À l’époque, on n’arrivait pas à assimiler le haka, le relativiser. Après ça, tu peux être plombé pendant vingt minutes, tu es hypnotisé. Moi, ça m’avait motivé, j’avais énormément d’adrénaline en plus, mais des jeunes joueurs, qui étaient avec moi, étaient passés à côté, ils étaient ailleurs. »
C’est ça, le mythe du haka. Sur les dernières années, notamment les deux dernières Coupes du monde, toutes les nations ont commencé à annihiler ce mythe et prendre, là, de l’énergie : les équipes en “V”, les joueurs qui se tiennent la main… Mais ce n’était pas le cas à l’époque. Tout le monde subissait.
Roméo Gontinéac (Ancien capitaine de la Roumanie)
En 2011, ce n’est pas contre les Blacks, mais bien en Nouvelle-Zélande que le tout jeune retraité retrouvait le Mondial, dans le costume du sélectionneur. « J’avais perdu 8 kg », se marre l’entraîneur qui vivra une expérience éprouvante mais forte, lui qui avait intégré le staff comme adjoint en charge des trois-quarts, deux ans auparavant, alors qu’il jouait encore, avant de prendre les rênes de l’équipe un an avant le coup d’envoi, quand la qualification n’était pas acquise.
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« J’avais commencé sous la tutelle d’Olivier Nier, avec qui j’ai appris beaucoup, et Serge Laïrle. Malheureusement, on n’a pas tous abouti jusqu’à la Coupe du monde, mais c’était exceptionnel, un truc de fou », se remémore l’Aurillacois. Par cette aventure, il a véritablement fait la bascule vers son nouveau métier, lors de cette expérience conclue au pays du Long nuage blanc, avant de prendre les Espoirs d’Aurillac l’année suivante.
En 2015, c’est sans autre fonction que celle de représentant de la Roumanie comme « légendaire » qu’il vit l’édition anglo-galloise. World Rugby avait en effet invité vingt personnalités iconiques, une par nation représentée. « C’était Rapahël Ibanez qui représentait la France », se souvient Roméo Gontinéac. Clin d’œil malicieux de l’histoire, ce fil jamais interrompu entre le joueur et la compétition s’est encore tissé, en début d’épreuve, lors d’un France-Roumanie, au Stade olympique de Londres.En 2015, 20 “légendaires”, des anciens joueurs des 20 équipes qualifiés pour cette édition, avaient été invité par World Rugby en Angleterre. Collection personnelle Roméo Gontinéac
« J’avais toujours eu la pression sur le Mondial. Là, j’étais juste en représentant. C’était un contexte vraiment différent et j’ai pu profiter. C’était une récompense pour toutes ces années passées sous le maillot jaune, bleu et rouge. J’avais pu passer une semaine avec les autres légendaires, c’était extraordinaire. »
Ces légendes, l’ancien trois-quarts en a affronté un certain nombre, de la paire australienne Tim Horan-Daniel Herbert, championne du monde 1999, à « BOD », Brian O’Driscoll, immense capitaine de l’Irlande, ou encore Augustin Pichot, ex-capitaine et demi de mêlée argentin, véritable teigne sur le pré mais aussi un défenseur d’une certaine idée du rugby.
« Je me souviens aussi de Lisandro Arbizu, un joueur de petit calibre, comme moi, mais doté d’une générosité et d’un flair incroyable. Malheureusement, en 2003, il n’avait pas pu jouer sa quatrième Coupe du monde, il s’était blessé avant. »
En 2023, seize ans après sa dernière Coupe du monde comme joueur et alors que la compétition revient « à la maison », Roméo Gontinéac aura de quoi s’occuper avec le Stade Aurillacois, avec lequel il est lié jusqu’en 2025. Ce qui ne veut pas dire que la reine des épreuves ne sera pas une affaire de famille.Samedi 5 et dimanche 6 novembre, le Train de la Coupe du Monde est à Aurillac, avec à son bord le Trophée Webb Ellis. Photo Justine Bavois
Son fils Taylor est désormais international roumain, comme son père avant lui. Et « les Chênes » sont de nouveau qualifiés, à la faveur de la disqualification des Espagnols. Un retour dans cette épreuve après avoir manqué l’édition 2019, ce qui était une première depuis 1987.
Est-ce le prochain rêve du Cantalien que de voir son rejeton reprendre ce flambeau ? « C’est un défi pour lui et pour moi. Pour nous, le rugby, c’est viral. Il y a aussi des hasards. On essaie de programmer notre vie, mais le hasard joue aussi. Des fois, on a de bonnes étoiles », sourit l’Aurillacois.
Jean-Paul Cohade
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