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Le XV de France, victorieux de ses treize derniers matchs, débarque à Rome pour poser la première pierre d’une année qu’il espère inoubliable. Alors pas de blague, garçons…
On entend la menace, à peine voilée, d’Ange Capuozzo : « J’espère qu’on va leur tendre un beau piège ». On prend la mise en garde de Sergio Parisse avec toute la considération qu’elle mérite : « Avant, nous étions juste une équipe rude, agressive et essentiellement portée sur le combat d’avants. Aujourd’hui, l’équipe d’Italie produit un jeu complet, dynamique et compte, dans sa ligne de trois-quarts, quelques facteurs X intéressants, à commencer par Capuozzo. Le rugby italien est peut-être aux prémices d’un très beau cycle. » On reconnaît avec le capitaine tricolore Antoine Dupont que les Bleus jouent trop – ou en tout cas plus que leurs grands rivaux de la compétition — sont éreintés et qu’en ce sens, cet Italie-France, que l’on imagine brouillon et acharné, devrait une nouvelle fois ressembler à tous ceux l’ayant précédé. On n’oublie pas, non plus, que la dernière fois qu’une équipe de France chamarrée d’un grand chelem s’est pointée à Rome à quelques mois d’une Coupe du monde, la bande à Lièvremont s’était salement vautrée (22-21), laissant d’ailleurs sur les bords du Tibre cinq bannis, Sylvain Marconnet, Jérome Thion, Yannick Jauzion, Clément Poitrenaud et Sébastien Chabal, son totem médiatique…
On sait tout ça. Comme on sait aussi que l’équipe de France contemporaine, bâtie d’un tout autre bois que ses grandes sœurs, ne nous a guère habitué aux sautes d’humeur souvent fatales que le rugby international associait jusque-là à la sélection. Et puis merde, quoi… La squadra azzura a beau être meilleure qu’elle ne le fut, elle n’a à ce jour battu que des seconds couteaux australiens à l’automne (28-27) avant d’en prendre un peu plus de soixante face aux Springboks (63-21), quelques jours plus tard. Convenez donc avec nous que si ce week-end à Rome représente soudainement un quelconque danger, mieux vaut dès à présent oublier le suivant, tant ce voyage en Irlande prévu une semaine plus tard aura, lui, les vrais atours de l’enfer…
« On se présente comme des prédateurs »
Que le XV de France, deuxième nation mondiale juchée sur treize victoires consécutives, se fasse dimanche après-midi secouée en Italie ne fait probablement aucun doute. Qu’il chute au stade olympique est en revanche fort peu probable : en tout état de cause, cette équipe « droguée à la victoire » (Fabien Galthié) et « obstinée comme un comité directeur » (auteur anonyme), souhaite poser la première pierre d’une année qu’elle souhaite inoubliable, reste un redoutable chasseur de records et garde, en tête, que le « double grand chelem » n’a jamais été réalisé depuis que de cinq, le vieux Tournoi est en l’an 2000 passé à six nations. « On a encore faim, assurait il y a peu le sélectionneur. Sur cette compétition, on se présente donc comme des prédateurs : parce que nous ne serons jamais rassasiés. » Ça tombe bien, nous non plus…
Reste à savoir, désormais, comment les Tricolores vont-ils s’y prendre pour accrocher l’impossible. En montant des quilles, comme en novembre ? Ou en lâchant les fauves, le staff ayant entendu avec nous les réserves consécutives à la parenthèse automnale ? On n’en sait rien. Et pour tout dire, on s’en cogne un peu. Parce qu’à ce stade, on se demande encore à quelle diablerie doit-on que ce XV de France invaincu depuis l’été 2021 prête encore le flanc à la critique . On se demande pourquoi des voix, ici et là, se sont élevées en fin d’année dernière pour déplorer que les Bleus jouent trop au pied et soient finalement plus dangereux sans ballon qu’avec, entre les pognes, le « référentiel commun » de Pierrot Villepreux.
Au vrai, il semble que le mal soit ici culturel. Il paraît même que le rugbyphile français ne conçoit l’ovale que s’il est dansé, chanté, fait d’évitement, de relance et de « french flair ». Il semble enfin qu’entre les romantiques du rugby de papa et ce XV de France taillé pour détruire, éduqué dans le credo du risque zéro ou conçu pour plaquer jusqu’à ce que mort s’ensuive, une certaine incompréhension ne demeure, jusqu’à ce que le rugby ne change de cycle. Car c’est bien de ça dont il est question, n’est-ce pas ? C’est bien parce que Fabien Galthié et le staff des Bleus considèrent que le rugby qui gagne aujourd’hui est celui que pratiquent Irlandais ou Springboks que la dernière parenthèse automnale eut parfois des atours austères, pour ne pas dire totalement frigides ? Au bout du bout, on se dit pourtant que si tel est le prix à payer, on veut bien suivre les Bleus sur ce chemin jusqu’au soir du 28 octobre 2023, puisque c’est là que se disputera la finale de la Coupe du monde. Et si l’on doit sacrifier quelques carnavals, une poignée de bals musettes ainsi qu’une partie de notre éducation rugbystique pour pouvoir écrire – quatre ans durant, nom d’un homme !- sur ces « doubles chelemards » et ces « champions du monde tricolores », on veut bien que Thomas Ramos relance un ballon sur dix, que Gaël Fickou joue à contre-emploi ou que Julien Marchand ne devienne, à court terme, notre meilleur marqueur d’essais…
C’est vrai quoi ! Pourquoi cracher dans la soupe ? Pourquoi pleurer le temps des « défaites encourageantes » qui avaient marqué les règnes de Philippe Saint-André ou Guy Novès ? Pourquoi ne pas accepter de marcher dans les pas de ce staff qui, au moins dans le discours, semble pouvoir prédire jusqu’à la couleur du slip de l’arbitre qui dirigera la prochaine finale du Mondial ? Les Anglais de 2003 et les Sud-Af’s de 2019 ne s’embarrassaient pas, eux, de telles préoccupations stylistiques et, de Leicester à Pretoria, se contrefoutaient bien de savoir si Martin Johnson, John Smit ou Siya Kolisy étaient devenus « world champions » par la simple entremise de chandelles, de mauls pénétrants ou de relances du bout du monde. Et ma foi, si l’émotion que procure cette équipe de France ne doit passer que par la conviction quasi sacrificielle qu’elle place en son système défensif, on apprendra aussi à l’aimer pour ça…
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