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PORTRAIT – Réputé pour être l’un des meilleurs techniciens français, Christophe Urios fait faire à ses équipes des progrès surprenants et décroche des résultats rapides. Mais ses deux dernières expériences à Castres et à Bordeaux-Bègles se sont terminées sur une fausse note. Pourquoi ?
Posons-le d’emblée : Christophe Urios fait partie des meilleurs techniciens français. Partout où il est allé, ses équipes ont effectué des progrès spectaculaires. Bien sûr, Rome ne s’est pas construite en un jour : après une nécessaire phase d’apprentissage du rôle d’entraîneur à Castres (2002-2005) et Bourgoin-Jallieu (2005-2007), le natif de Montpellier a pris les rênes d’Oyonnax en 2007. À l’époque, « Oyo » était une solide équipe de Pro D2, mais rien de plus. Six ans plus tard, l’USO roule sur la deuxième division et monte en Top 14, avant de se maintenir. L’année d’après, elle se qualifie pour les phases finales. Une épopée folle, conclue à Ernest-Wallon le 29 mai 2015, par un essai en contre de 80 mètres marqué par ce diable de Cyril Baille à la 74e minute. Les barjots d’Oyo, soudés par d’incroyables liens d’amitié et transcendés par leur gourou ont failli réussir leur pari insensé.
Quelques mois plus tard, Urios retourne à Castres, avec cette fois le rôle de numéro un. Sous sa houlette, le CO se qualifie deux fois de suite et accède au Graal, le Brennus, dès la troisième année, au terme d’une victoire nette en finale contre le Montpellier de Vern Cotter (29-13). À l’UBB aussi, la recette Urios a fonctionné. Dès sa première année d’exercice, le club girondin termine la phase aller à la première place et compte jusqu’à huit points d’avance sur Lyon, second, quand la pandémie de Covid suspend puis interrompt définitivement la saison 2019-2020. Même si le coup est dur à encaisser, l’UBB accède tout de même les saisons suivantes à des niveaux de compétition jamais atteints, en l’occurrence deux demi-finales de Top 14 et deux européennes.
La méthode Urios fonctionne donc, c’est une certitude. Contacté par nos soins, l’emblématique président castrais Pierre-Yves Revol en décrit même les contours : « Le manager que j’ai fait revenir à Castres a été très bon durant trois saisons. Sa qualité première, c’est de bien s’adapter à son environnement, d’essayer de l’incarner au mieux avec son groupe, d’en puiser toutes les aspérités positives et surtout de bien s’adapter aux qualités de son effectif pour les optimiser. En cela, il est très pragmatique et efficace. Il faut reconnaître que qualifier Oyonnax en phase finale du Top 14 ou être champion de France avec Castres, c’est quand même plus compliqué que d’avoir des résultats avec un effectif constellé de joueurs « premiums »… Son bilan est donc très positif. Le titre de 2018 n’est pas tombé du ciel et il a couronné trois saisons d’excellente facture durant lesquelles il a constitué un groupe très homogène dont il a cultivé avec un grand soin la solidarité et l’état d’esprit. » Même écho du côté du deuxième ligne Loïc Jacquet, qu’Urios avait fait venir dans le Tarn en 2016 : « Christophe, c’est un top manager. Il transcende ses joueurs en s’appuyant sur l’identité du club, le territoire. Il veut que ses mecs soient en mission, qu’ils se viandent pour ce qu’il appelle la vision, soit le projet global du club que tout le monde partage. C’est ce qu’il a fait à Oyonnax, à Castres, et cela a aussi marché à Bordeaux-Bègles. »
Le hic, c’est que l’on sait que les histoires d’amour finissent parfois mal. Ce fut le cas avec celles qu’Urios a connues à Castres et l’UBB, pour des raisons et dans des contextes toutefois totalement différents. À Castres, c’est une défaite à domicile (contre un Toulon qui n’avait plus rien à jouer lors de la dernière journée de championnat, 16-25) qui gâcha tout : « Cette défaite, il l’a très, très mal vécue », raconte Jacquet. Urios l’avait confirmé à postériori en déclarant ceci : « Il faut comprendre que j’ai donné ma chemise pour les mecs, comme personne ne l’a encore fait. Effectivement, j’ai été très triste, c’était douloureux, mais je n’avais pas envie de les revoir. J’ai écrit un mail à mon staff pour expliquer, le dimanche matin. J’en voulais à tout le monde, et à moi aussi. » Rongé par la colère, le manager avait préféré ne pas se rendre au barbecue de fin de saison : « Je n’avais rien à faire là-bas. J’étais de mauvaise humeur et je n’avais pas à apporter celle-ci à ce barbecue », nous avait-il confié plus tard. « Il a peut-être fait des erreurs, reprend Jacquet, je me souviens qu’on avait beaucoup axé l’avant-match sur l’émotion liée aux départs de Christophe ainsi que de plusieurs joueurs. On y a laissé pas mal d’influx nerveux. À mon sens, on avait le temps de dire au revoir, on aurait pu le faire plus tard. »
L’épilogue d’une saison post-titre qui avait de toute façon été plus chaotique que les précédentes, comme l’explique Pierre-Yves Revol : « Sa dernière saison et la gestion de sa réussite, surtout à la fin de la saison, a été plus compliquée. Les raisons en sont probablement multiples et il les a certainement analysées. Mais à la fin il me semble qu’il y a eu un hiatus, ressenti par les acteurs du club y compris les joueurs entre le rôle et l’image médiatique très autocentrée qu’il projetait et les valeurs d’humilité et de collectif qu’il prônait au quotidien. Le charme s’est alors un peu rompu. » Difficile toutefois de reprocher à un personnage comme Urios de trop s’exprimer dans les médias : « Pour moi ce n’est pas égocentrique, c’est plutôt stratégique », justifie Jacquet. « Exactement comme le faisaient Guy Novès ou Mourad Boudjellal, il protège ses joueurs en attirant l’attention sur lui. Boudjellal avait notamment l’habitude, avant chaque gros match, de lancer une polémique dans la semaine. Comme ça, ses joueurs pouvaient se préparer tranquillement. »
La fin de l’histoire d’Urios avec l’UBB a été nettement plus violente : « Je ne m’étais jamais fait débarquer en 21 ans et je comprends aujourd’hui les mots de José Mourinho quand il disait « On devient un vrai entraîneur quand on se fait virer »», lançait l’intéressé jeudi dernier, lors de sa première conférence de presse avec l’ASM. Interrogé pas nos confrères de l’Equipe, le président girondin Laurent Marti peinait à expliquer pourquoi les deux hommes en étaient arrivés là, alors que Marti avait prolongé le contrat d’Urios en décembre 2021 : « La détérioration intervient peu après sa prolongation. On s’est expliqué avec Christophe sur un tas de choses, mais malgré tout je m’interroge encore. Comment en est-on arrivé là ? Je n’aurai sans doute jamais la réponse. Il y aura une part de mystère. » Loïc Jacquet tente une hypothèse : « De l’extérieur, on dirait qu’il a eu une relation conflictuelle avec les stars du vestiaire, qui représentent une sorte de nouveau rugby, avec des egos plus forts. Il a toujours eu l’habitude d’avoir des soldats, et on dirait qu’à l’UBB, les soldats se sont transformés en commandants et que le courant n’est plus passé. »
On pense logiquement aux tensions avec Cameron Woki ou Matthieu Jalibert. Et pourtant, on sait qu’Urios a gardé de bonnes relations avec ces joueurs et surtout avec Jalibert, qui fut l’un des premiers à lui écrire pour lui témoigner son soutien après l’annonce de son éviction. Et même s’il les a piqués publiquement (comme le font souvent les entraîneurs de Top 14, comme Ugo Mola a pu le faire avec Antoine Dupont), il les alignait systématiquement chaque week-end. « Christophe, il ne fait jouer que les meilleurs, peu importe les conditions », confirme Jacquet, « Comme partout, cela fait des heureux et des déçus. » Les premiers deviennent généralement des fidèles du technicien, qui n’hésitent pas à le suivre dans ses aventures comme l’ont fait les Urdapilleta, Jenneker, Lassalle, Tichit, Clerc, Vaipulu ou encore El Abd, Charrier, et possiblement Laïrle, pour ne citer qu’eux. On sait aussi Mathieu Babillot avait longuement hésité à le rejoindre à Bordeaux-Bègles la saison dernière, tout comme Anthony Jelonch il y a deux ans, avant de se résoudre à rejoindre son pote Antoine Dupont à Toulouse.
Pour l’heure, le présent et le futur d’Urios s’écrivent désormais à Clermont, où s’il engagé jusqu’en 2025 avec une année optionnelle pour 2026. Cette nouvelle histoire connaîtra-t-elle un heureux dénouement ? L’avenir nous le dira. Pour l’heure, ceux qui l’ont côtoyé voient ce mariage d’un bon œil. À commencer par Loïc Jacquet, qui connaît mieux que personne les arcanes du club auvergnat : « Clermont lui correspond. C’est un club comme il les aime, avec une notion de terroir, de territoire, d’identité, d’histoire, avec une image de club qui travaille dans le calme et la rigueur. Il n’y aura pas les sorties médiatiques comme à Bordeaux-Bègles. Il y aura moins de fortes têtes dans le vestiaire et plus de soldats. Et il va redonner à Clermont cette notion de proximité avec ses supporters qui, à mon sens, s’est un peu perdue. » Revol complète : « Je pense que la perspective de réveiller le volcan de l’ASM va le passionner. Son premier match à domicile sera d’ailleurs contre le CO… Attention à nous car l’ASM avec un Urios dans son moteur peut très vite rugir ! » C’est ce que l’on verra dans les semaines à venir…
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