Vainqueur du Grand Chelem 2022, François Cros ne manque pas d’ambition pour la nouvelle édition. Elément important des Bleus lors du dernier Tournoi des 6 Nations, le Toulousain se livre et se souvient des grands moments vécus avec le groupe avant de se projeter, en exclusivité, avec appétit et envie.
Qu’est-ce qu’évoque pour vous le dernier Grand Chelem ?
Quand on arrive à gagner, c’est déjà important, mais le Grand Chelem offre un sentiment beaucoup plus fort. On est très heureux d’avoir réussi à le faire avec ce groupe qui vit très bien depuis 2019 et qui avait besoin de gagner une compétition importante.
Avant de remporter ce Grand Chelem, quelle image aviez-vous de cet exploit unique ?
C’est vrai que c’est unique. On pense d’abord à remporter le Tournoi avant de penser au Grand Chelem. Plus les matches se succèdent et plus les victoires avancent, et plus on commence à penser à réaliser une copie parfaite avec 5 victoires en autant de rencontres.
C’est un objectif qui vient progressivement au fil du Tournoi. Quand on arrive à le toucher, encore plus sur un dernier match face aux Anglais, on réalise que l’on a fait quelque chose de fort. Une défaite contre les Anglais nous aurait fait terminer 2èmes ou 3èmes. On connaissait la pression de cette victoire sur ce match. Ça ne nous a pas empêchés de réussir cet exploit.
Sentiez-vous que c’était le bon moment pour réaliser ce Grand Chelem ?
Sur les années précédentes, on fait des performances assez encourageantes avec des défaites serrées et on ne passe pas loin de la 1ère place. On a engrangé les victoires pour, petit à petit, avoir cette envie de réussir ce Grand Chelem.
Avez-vous eu un moment charnière ou un déclic ?
(Il coupe) Ce sont surtout les victoires à l’extérieur. Elles nous portent. Elles nous soudent et nous permettent l’accession au Grand Chelem. On a eu la chance de se déplacer seulement deux fois l’année dernière. C’était un peu plus facile. En 2023, on aura trois déplacements (Italie, Irlande puis Angleterre). Ce sera plus compliqué si on veut répéter cet exploit.
Comment expliquez-vous la capacité que vous avez eue à gérer vos rencontres en étant souvent menés ?
On a essayé de travailler et de se servir de nos rencontres précédentes, notamment en Ecosse, où l’on avait perdu (28-17 en 2020, Ndlr), cela nous avait coûté la victoire dans le Tournoi. Nous avons appris de nos erreurs et on a conforté nos points forts.
On a réussi à construire nos rencontres sans trop paniquer et en nous mettant à l’abri à chaque fois. Forcément, le match du Pays de Galles était un peu plus accroché. Il n’est jamais simple de gagner au Millenium face à une formation galloise qui ne lâche jamais, jusqu’à la 80ème. Même si on arrive à prendre le large, il ne faut pas baisser d’intensité.
Au moment d’aborder l’Angleterre pour jouer ce Grand Chelem, est-ce un piège de penser justement que c’est un match différent des autres ?
Les France-Angleterre restent des matches particuliers. Ce sont des matches avec beaucoup d’enjeux et d’engagement. Les Anglais en venant chez nous auraient pu nous priver du Grand Chelem, mais surtout de la victoire dans le Tournoi. Cela aurait sauvé leur Tournoi ! Ils auraient pu finir sur une belle performance et basculer sur une autre spirale avec un résultat positif. Ils se sont lancés à fond dans cette bataille. On a réussi à la remporter (25-13). Quand on arrive à toucher du doigt un Grand Chelem, on ne peut pas passer à côté. Surtout que dans l’équipe, personne ne l’avait fait.
Sur ce match face aux Anglais, que gardez-vous de cette 40ème minute et de cette main qui se glisse pour aller aplatir dans l’en-but anglais ?
(Sourire) C’est toujours important de marquer. En plus, c’était juste avant la mi-temps. C’était un moment charnière. Romain (Ntamack) fait une action de grande classe et qui termine sur la ligne. Je prends l’initiative de ramasser le ballon. C’était à double tranchant. Soit je marque et bravo, soit j’annihile toute l’action précédente. J’ai pris l’initiative de ramasser le ballon et je marque. J’étais très heureux de marquer sur un match important. D’autant plus que c’est mon premier essai en sélection. Je me souviendrai toute ma vie de cet essai !
Quelle est la suite maintenant pour l’équipe de France en 2023, une année spéciale avec la Coupe du monde au bout ?
Dans le rugby, il n’y a pas de place pour le calcul. Il faut se donner à fond comme l’an dernier. On construit pour ce nouveau Tournoi et la Coupe du monde qui arrive. Les places seront chères. Il n’y a pas de gestion et de calculs à avoir. Nous devons juste être fier du maillot que l’on porte et de la chance de participer à un Tournoi des 6 Nations. Il faut croquer cette chance avec envie et gourmandise.
D’autant plus que dans le rugby, ça va très vite, dans un sens comme dans l’autre. Vous en savez quelque chose…
J’avais été touché par la Covid en début de Tournoi, l’an passé. C’est pour cela que j’avais raté la préparation et démarré remplaçant avant de redevenir titulaire. J’ai ensuite été blessé un moment (au ligament interne du genou gauche, Ndlr). Il me tardait de retrouver les terrains avec mon club pour emmagasiner du temps de jeu et du plaisir. J’avais hâte de retrouver les terrains.
Est-ce important de donner une suite à la bonne période que vit l’équipe de France ?
Tout ce que l’on peut capitaliser, ce sera bon pour l’équipe. Ça peut nous permettre d’arriver à la Coupe du monde avec de la confiance. Quel que soit le résultat du Tournoi, ça ne veut pas dire que l’équipe qui gagnera l’édition 2023 sera forcément bien placée à la Coupe du monde. Ce sont deux compétitions différentes. Dans tous les cas, il faut jouer pour gagner les deux compétitions. Mais une victoire dans le Tournoi ne garantira pas un succès à la Coupe du monde. On doit être à 200% pour se donner une chance de décrocher le Tournoi et la Coupe du monde. Ce serait incroyable de faire ce doublé.
Arrivez-vous à toujours vous motiver après toutes ces victoires ?
(Sourire) Bien évidemment. Quand on a eu la chance de goûter à ces victoires, on attend qu’une chose justement : revivre de tels moments ! On n’est pas lassé. Bien au contraire. On joue les matches pour les gagner, prendre du plaisir et surtout en donner aux gens.
En 2023, le calendrier vous réserve deux déplacements en Italie et en Irlande, avant de retrouver le Stade de France et l’Ecosse, puis un dernier voyage en Angleterre et la réception du Pays de Galles pour terminer. Qu’en pensez-vous ?
On ne peut pas tomber dans le piège de croire que ça va être une montée en puissance tranquille. Les Australiens sont tombés en Italie lors de la Tournée d’automne (28-27, Ndlr). C’est une nation qui monte. Il y a eu pas mal de changements dans l’équipe et dans le staff avec notamment un petit jeune qui monte en puissance (Ange Capuozzo, coéquipier de Cros au Stade Toulousain, Ndlr). Il ne faudra pas les sous-estimer.
En plus, à Rome, ce n’est pas un cadeau de démarrer en Italie. Maintenant, on sait qu’on l’a fait. On sait qu’on peut le faire. Mais on sait que l’on va être attendu aussi. On sent que l’on est plus attendu par nos adversaires. On sait que les équipes veulent nous battre. A nous de rester froid et de continuer à travailler pour construire une équipe capable de se donner le droit de rêver à de belles choses encore.