Maëlle Filipon, avec le XV de France face à la Nouvelle-Zélande, le 9 novembre 2018 – ICON SPORT
Se fier à 4 sens et demi, c’est le quotidien de Maëlle Filopon sur les terrains de rugby. Son handicap n’est pas visible, ne l’empêche pas de courir, faire des passes ou mettre des raffuts. Pourtant, il est bien présent. Malentendante de naissance, l’internationale française n’entend pas les sons aigus. “Pour vous illustrer mon handicap avec des chiffres, le niveau d’audition moyen des Français, c’est entre 0 et -10 décibels. Moi, je suis à -80 sur mes appareils. Je n’entends pas les sons aigus comme la sonnerie du four. Je vais avoir du mal à entendre les chuchotements. Pour le rugby, c’est le sifflet de l’arbitre qui peut être compliqué à percevoir”, explique la native de Grenoble.
Pour pallier son handicap, Maëlle Filopon développe sa vision, un atout qui lui fournit presque autant d’informations que l’ouïe. “Le regard compense, c’est vrai. Il y a des moments où je ne vais pas entendre mon ouvreuse annoncer une combinaison, mais parfois, je vais la voir faire un geste spécifique. Et j’aurais peut-être une seconde de retard sur les autres, mais au moins, je sais ce qu’elle va faire”, détaille la joueuse aux 15 sélections.
Malgré son handicap, Maëlle Filopon grimpe les étages du rugby les uns après les autres jusqu’au XV de France. Elle découvre le ballon ovale à 7 ans, puis décide de faire un détour vers le judo pendant 4 ans. Elle revient finalement vers le rugby grâce à son meilleur ami. À 16 ans, elle devient une Amazone. Le club de Grenoble devient son foyer et elle commence à réellement découvrir les effets de sa surdité partielle. “En cadettes, j’étais très forte sur l’anticipation. J’observais le visage des adversaires pour deviner leurs intentions. Mais en senior, le niveau a évolué et j’ai perdu cet avantage. Ça m’a remis les pieds sur terre. J’ai remarqué que je n’avais rien acquis et qu’il me restait beaucoup de choses à apprendre. À la place, j’ai travaillé à fond les schémas de jeu”, se souvient la Française.
L’étudiante en marketing découvre aussi les joies du XV de France à tout juste 18 ans, avant de partir pour le Stade Toulousain. Une nouvelle équipe et des nouvelles coéquipières qui apprennent à s’adapter. “C’est tout bête, mais il faut lui parler en face. Si on voit qu’elle n’entend pas, on a juste à parler plus fort”, commente Laure Sansus, sa coéquipière en club et en sélection. Dans la vie de tous les jours, Maëlle Filopon s’amuse des situations cocasses que son handicap peut occasionner. “Quand je rentre dans une conversation sans trop avoir écouté avant, ça m’arrive de croire qu’on parle d’un sujet. Et quand je parle, ce que je dis n’a aucun rapport avec le sujet réel de la conversation. Ça provoque l’hilarité parce que tout le monde est au courant de mon handicap”, raconte celle qui sera titulaire face à l’Afrique du Sud samedi matin (03h15 heure française).
Derrière le handicap se cache une Maëlle Filopon aux deux visages. En premier, il y a la facette très timide. Celle qui a mis deux ans à se sentir bien avec le XV de France. “La première fois où je me suis senti bien intégré dans l’équipe, c’est la tournée en 2018 face aux Black Ferns. Je faisais partie des leurs, je me sentais bien. Ce n’était pas leur faute pour autant, je suis réservé. Avant, j’avais du mal à aller vers les autres”, précise-t-elle. Et il y a l’autre facette, celle qui fait sourire la principale intéressée en l’expliquant : “Des fois, il y a la Maëlle qui a la connerie (sic).” Une forte personnalité qui trace un parallèle avec sa timidité. “Son caractère la protège bien de son handicap”, souligne Laure Sansus.
Avec les années et la force de l’habitude, Maëlle Filopon a fini par dompter sa surdité partielle pour s’imposer comme l’une des meilleures centres françaises. “C’est hyper inspirant comme histoire, ça montre qu’un handicap n’empêche pas de vivre les mêmes choses que les autres. Ce n’est pas quelque chose qui doit t’arrêter dans la vie ou te poser problème, bien au contraire”, énonce Manae Feleu, sa coéquipière en Bleues. “Je ne le considère pas comme un handicap, affirme la joueuse du Stade Toulousain. Mais ce n’est pas vraiment un point fort non plus. Ça m’arrive encore aujourd’hui que l’on me dise “eh, je t’ai appelé dans la course et tu m’as pas entendu”. Mais je n’en fait pas non plus une faiblesse. Quand je me présente, il y a des fois où je ne mentionne même pas mon handicap. Il fait tellement partie de moi que je ne ressens pas le besoin d’en parler.”
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