Avec plusieurs matchs de Pro D2 au compteur, Aurélie Groizeleau a grimpé les échelons de l’arbitrage à vitesse grand V. Aujourd’hui, elle se dresse comme l’une des figures de proue de l’arbitrage féminin tricolore. Avant d’arpenter les terrains avec un sifflet autour du cou, la native de La Rochelle (Charente-Maritime) a d’abord connu une carrière de joueuse prometteuse. Elle découvre le rugby dans le club de Marans (Charente-Maritime) où sa famille a des attaches. Son talent la porte au Pôle espoir de Jolimont, à Toulouse. Elle devient une joueuse de Saint-Orens en 2004 et c’est là que démarre son histoire. Elle connaît ses premières sélections avec le XV de France à 19 ans, mais c’est aussi à cet âge-là que tout s’arrête.
“Je peux enfin en parler car le règlement a changé”, souffle-t-elle. Aurélie Groizeleau est née avec un seul rein, une malformation congénitale qui sonne le glas de sa carrière. “À l’époque, les règlements de World Rugby et de la FFR interdisent la pratique du rugby aux joueurs ou joueuses à qui ils manquent un organe. On me disait: ‘Imagine, si tu as un accident sur le terrain et que tu perds ton seul rein…’ Mais c’était une question purement financière et aussi d’assurances”, se souvient l’ancienne Bleue. Après cette annonce, elle se rompt les ligaments croisés juste avant son premier Tournoi des 6 Nations. “C’était violent d’apprendre ça et de me blesser ensuite (elle marque un arrêt de plusieurs secondes), je me suis dit que je n’avais rien qui allait avec moi”, explique l’éleveuse de pigeons, son métier à côté de l’arbitrage.
Aurélie Groizeleau ne perd pas l’espoir de continuer à jouer tout de suite. Elle cherche des solutions pour jouer à l’étranger, en Espagne et en Angleterre. “Mais j’ai abandonné le projet car c’était complètement farfelu de faire ça”, se remémore l’ancienne internationale aux cinq sélections. Pourtant, la jeune retraitée garde les pieds dans le monde de l’ovalie. Elle se met d’abord à entraîner les moins de 18 ans de Saint-Orens pendant deux ans, avec une certaine Laure Sansus dans son groupe. Puis une responsable du comité Haute-Garonne l’incite à essayer l’arbitrage, ce qu’elle fait. Grâce à ce rôle, elle retouche du doigt un élément de sa carrière de joueuse. “Je ne me retrouvais pas dans le rôle d’entraîneure parce que j’étais sur le bord du terrain. J’avais zéro impact, le match ne nous appartient pas en fin de compte. Avec l’arbitrage, je fais partie du match. La course, les sprints, être proche de l’action, on fait vraiment partie du jeu”, détaille celle qui arbitrera Nouvelle-Zélande-Écosse ce samedi 22 octobre.
En dépit de son enthousiasme, ses premières expériences au sifflet ne sont pas aussi réjouissantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. “Je crois que mon pire souvenir, c’est la première fois seule sur un terrain, sourit-elle. Je n’étais pas bonne et je me faisais insulter à cause de mes décisions. C’était la première fois que j’étais seule sur un terrain. À la fin du match, je suis rentré dans le vestiaire, j’ai jeté mes crampons et mon sifflet. Je me suis dit ‘plus jamais ça’. Les autres arbitres ont rigolé et m’ont dit ‘Si, tu y retournes la semaine prochaine pour passer à autre chose.’ Et ils avaient raison parce qu’il le fallait.” Passée par la Fédérale 1, 2 et 3, elle fait aussi partie des arbitres de divisions féminines. Mais à cette époque, il lui manque quelque chose pour atteindre les sommets.
“Pour arbitrer à haut niveau, il a fallu que j’accepte le fait de ne plus jamais jouer. L’accepter m’a pris presque quatre ans, et pendant cette période, je n’ai pas fait les efforts nécessaires pour progresser. Je n’étais pas prête à m’investir pleinement dans ce rôle-là. Quand j’ai compris qu’il y avait la possibilité de vivre quelque chose avec l’arbitrage, c’est là où j’ai commencé à m’investir sur ma condition physique et sur la connaissance de la règle”, raconte la Charentaise. À ce jour, elle compte 11 matchs de Pro D2 à son actif et arbitre régulièrement des rencontres internationales féminines, dont certaines du Tournoi des VI Nations. “Le premier match que j’ai arbitré dans la compétition (Angleterre-Italie en 2019) était sans l’une des plus grandes étapes de ma carrière. Comme c’était un match du VI Nations et que je m’étais gravement blessée juste avant un VI Nations dans ma carrière de joueuse, j’avais peur qu’il m’arrive encore quelque chose. Mais une fois le match terminé, j’avais enfin passé le cap sur mon passé de joueuse”, analyse Aurélie Groizeleau.
Pour se perfectionner, elle a pu compter sur un soutien de poids, celui de Jérôme Garcès, ancien arbitre international, qui l’a coaché pendant la saison 2020/2021. “À l’époque, il venait juste de prendre sa retraite de l’arbitrage, donc il avait de l’énergie à revendre”, rigole-t-elle. Reconnu dans le milieu arbitral comme parmi les joueurs, Jérôme Garcès apporte tout son savoir dans l’analyse d’un match ou d’une action, un apport précieux pour les jeunes arbitres. “Il pointait du doigt des choses que nous n’aurions jamais vu, et, forcément, ça ouvre nos perspectives”, insiste Aurélie Groizeleau. Avide de conseil, l’ex-joueuse de Saint-Orens a d’ailleurs appelé son coach juste avant de décoller pour la Nouvelle-Zélande. “Il fait partie de ceux qui peuvent m’apporter pour cette aventure que je découvre”, justifie-t-elle à propos de l’arbitre aux trois Coupes du monde (2011, 2015, 2019).
Aurélie Groizeleau reste une espère rare dans l’arbitrage français. Désireuse de développer la partie féminine de son monde, elle est récemment devenue intervenante d’un groupe de développement à fort potentiel de la Fédération française de rugby dirigé par Salem Attalah, ancien arbitre de Top 14. “Il y a trois ans, il y avait cinq femmes dans ce groupe, aujourd’hui elles sont 18”, se réjouit l’agricultrice. Les jeunes arbitres qui composent ce groupe sont suivies par la FFR dès leur entrée en Fédérale 3, là où les hommes sont généralement sous la tutelle des régions à cet étage. Concernant la croissance de l’arbitrage féminin, “il y a un vrai travail à faire dans les clubs de femmes. Il faut leur montrer que les blessures ne sont pas la fin du chemin avec des interventions, et je serais honorée de servir d’exemple”, confie Aurélie Groizeleau.
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