Parce qu’ils craignent le cyberharcèlement ou un lynchage sur les réseaux sociaux, les activistes du collectif Dernière rénovation demandent souvent, quand ils répondent à un journaliste, que seul leur prénom apparaisse. Elle s’appelle donc Rachel, a 20 ans, a grandi à Rouen, travaille actuellement dans le cadre d’un service civique, et a pris part à sa toute première action le vendredi 28 octobre.
Avec une dizaine de camarades, ils se sont assis sur le bitume de l’A6,à 18 heures, bloquant, un soir de départ en vacances, le trafic sur l’« autoroute du soleil », près d’Arcueil (Val-de-Marne). Ce barrage humain a tenu une demi-heure, avant évacuation par les forces…
Avec une dizaine de camarades, ils se sont assis sur le bitume de l’A6, à 18 heures, bloquant, un soir de départ en vacances, le trafic sur l’« autoroute du soleil », près d’Arcueil (Val-de-Marne). Ce barrage humain a tenu une demi-heure, avant évacuation par les forces de l’ordre. « Bien sûr j’avais peur. Ce n’est pas simple d’agir de la sorte. Je savais que je terminerai sans doute en garde-à-vue, avec un procès. Mais ces risques sont dérisoires au regard des enjeux, et du péril qui menace la planète », explique Rachel.
Elle a passé vingt-quatre heures en garde-à-vue, sera bientôt jugée pour « entrave à la circulation » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Les automobilistes étaient furieux. « Je comprends que ce soit pénible, mais ce n’est quand même pas grand-chose, trente minutes de retard sur la route du week-end… »
Elle a rejoint le mouvement Dernière rénovation parce qu’« il défend un objectif concret » : un plan massif de rénovation thermique des logements, de 13 milliards d’euros, avec prise en charge intégrale des travaux pour les ménages modestes. « C’est une mesure forte pour le climat, et de justice sociale, car elle bénéficierait à tous », estime Rachel, persuadée qu’il n’y a plus d’autres moyens pour faire bouger les lignes que « la désobéissance civile ». « Depuis des décennies, les experts nous alertent, les marches pour le climat se multiplient… Et les choses n’avancent pas. »
Thibaut Cantet, lui, apparaît volontiers à visage découvert, ne cache pas son nom de famille. Il a donné rendez-vous dans un café près de l’Odéon à Paris. Cet urbaniste de 27 ans est porte-parole de Dernière rénovation. On sent chez lui aplomb et méthode.
Il se moque du tollé que peuvent susciter des actions du collectif. Certains écologistes eux-mêmes trouvent cette radicalité contre-productive, jugent qu’elle nuit à la cause environnementale en la rendant impopulaire, clivante. « La popularité, ce n’est pas un objectif en soi. On n’est pas dans une campagne électorale ou un concours de beauté. Les luttes sont toujours polarisantes : le consensus, c’est le statu quo… On est là, face à l’urgence, non plus pour alerter mais pour forcer le gouvernement à agir. »
Après quelques mois de compagnonnage en 2020 avec le mouvement Extinction rebellion, fondé au Royaume-Uni, il a participé en février à la création de Dernière rénovation. « On était une demi-douzaine, on échangeait sur Zoom, on a ouvert le site en mars. On a organisé quelques premières actions dans l’indifférence médiatique totale. »
Puis le 3 juin, une jeune fille interrompt la demi-finale hommes de Roland-Garros en s’attachant le cou au filet du court de tennis. L’image fait le tour de la planète. Depuis, les actions « coup de poing », non violentes, se succèdent à une fréquence grandissante. Blocages de la circulation, interruption de matchs ou de spectacles… « On compte désormais en France 600 personnes prêtes à nous aider », assure le porte-parole.
Dernière rénovation, précise-t-il, n’est pas une association, mais une « campagne », pilotée par une équipe de coordination, inscrite dans une coalition internationale baptisée A 22, un réseau de 11 collectifs, notamment Just Stop Oil en Grande-Bretagne, célèbre depuis que ses militants ont aspergé la vitre d’un tableau de Van Gogh.
Quant au financement, Thibaut Cantet ne donne pas de chiffres. « Il faut des moyens pour les réunions de formation et surtout pour l’accompagnement juridique. Des dizaines de personnes ont déjà été placées en garde à vue. Les procès vont arriver. On bénéficie de micro-dons, et de l’aide du fonds international Climate Emergency Fund (NDLR : des mécènes qui soutiennent des actions radicales contre le changement climatique). »
Le jeune homme parle de « meurtres de masse », de « crime climatique », se dit convaincu qu’on « portera dans un siècle ou deux sur les émissions massives de CO2 le même regard qu’on porte aujourd’hui sur l’esclavage ou le colonialisme. On se dira : comment cela a-t-il été possible ? »
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